Harcèlement moral : même si l’enquête interne est partielle, elle peut servir de preuve

En cas de dénonciation de harcèlement moral dans l’entreprise, l’enquête interne qui a permis d’entendre seulement la moitié des salariés est valable et peut servir à prouver la réalité des accusations (Cass. Soc. 8 janvier 2020 : RG n°18-20151).

Qu’est-ce que le harcèlement moral ?

Le harcèlement moral vise des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail d’un salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (c. trav. art. L. 1152-1).

Les éléments constitutifs du harcèlement moral sont donc, de manière cumulative :

  • Les agissements répétés par l’un des salariés à l’égard d’un autre salarié qui en est la victime,
  • La dégradation des conditions de travail de ce salarié victime des agissements fautifs,
  • L’atteinte à ses droits, sa dignité, son état de de santé physique et/ou moral,
  • Les conséquences dommageables sur son avenir professionnel.

Le rôle de l’employeur en matière de harcèlement moral dans l’entreprise : l’obligation de prévention et l’obligation de mesures de sanctions.

En matière de harcèlement moral, l’employeur est tenu à une obligation de prévention (c. trav. art. L. 1152-4).

Il doit en amont des faits de harcèlement moral, prendre toutes les mesures de prévention nécessaires pour empêcher le harcèlement sur le lieu de travail.

Il doit notamment avoir préalablement mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral.

Il doit, après la confirmation des faits de harcèlement moral, prendre toutes les mesures immédiates propres à faire cesser la situation de harcèlement moral et avoir réussi à le faire effectivement cesser (2 niveaux d’exigences donc).

En effet, si de tels agissements de harcèlement interviennent dans l’entreprise, l’employeur doit y mettre un terme (c. trav. art. L. 4121-1 et L. 4121-2).

L’employeur ne pourra s’exonérer de sa responsabilité vis-à-vis d’un harcèlement moral qui se serait produit dans l’entreprise, qu’à cette double condition de prévention et de mesure de cessation des agissements fautifs (Cass. soc. 1er juin 2016 : RG n° 14-19702).

Le rôle de l’employeur après la découverte des accusations de harcèlement moral : l’enquête interne 

L’employeur, alerté de faits éventuels de harcèlement moral subi par un salarié, a l’obligation de diligenter une enquête interne et contradictoire afin de vérifier les faits dénoncés : leur réalité, leur fréquence, leur gravité, etc.

Il doit entendre les arguments du salarié qui se prétend victime de harcèlement et qui dénonce les faits.

Il doit également entendre les arguments du salarié qui est accusé.

A défaut, il manque à son obligation de prévention (Cass. Soc. 27.11.2019 :  RG n° 18-10551).

Au-delà de ce manquement à son obligation de prévention, l’employeur qui n’organise pas d’enquête interne manque à son obligation de sécurité à l’égard de ses salariés.

Pour plus de détails sur cette décision :

https://www.cabinet-avocats-langlet.fr/une-enquete-interne-est-obligatoire-suite-a-une-denonciation-de-harcelement-moral/

Même une enquête interne partielle est valable dès lors qu’elle est exhaustive et impartiale

L’apport de l’arrêt du 8 janvier 2020 (Cass. Soc. 8 janvier 2020 : RG n°18-20151) est important en ce qu’il confirme que même une enquête interne partielle est suffisante pour démontrer les agissements de harcèlement moral.

En l’espèce, la question posée était la suivante : est ce que l’employeur a l’obligation d’interroger l’ensemble des salariés pour que l’enquête interne soit valable?

Dans cette affaire, un salarié occupé au poste de directeur du développement et du patrimoine avait été licencié pour faute grave en raison des agissements de harcèlement moral envers tous ses collaborateurs.

Il avait saisi le Conseil de Prud’hommes, pour contester le motif de licenciement, puisqu’il estimait que seulement la moitié des salariés avaient été entendus dans le cadre de l’enquête interne.

Pour lui, l’enquête interne diligentée par l’employeur qui le mettait en cause ne permettait pas de prouver les faits, puisqu’une partie de son équipe n’avait pas été entendue.

Si la Cour d’appel le suit dans son raisonnement, ce n’est pas l’avis de la Cour de Cassation.

La Cour de cassation estime au contraire que, en cas d’accusations de harcèlement moral, si une enquête doit être exhaustive et impartiale pour être valable, cela ne signifie pas qu’elle doit être menée auprès de tous les collaborateurs du salarié auquel des agissements de harcèlement moral sont reprochés.

Une enquête même partielle peut suffire à démontrer la réalité des agissements de harcèlement moral.

N’hésitez pas à nous consulter dès la phase d’enquête interne, puis par la suite, pour prononcer la sanction à l’encontre du salarié auteur de faits de harcèlement moral. Si les faits de harcèlement moral sont avérés, vous pourrez le licencier, pour protéger vos équipes et collaborateurs.

Sources : 

Cour de Cassation chambre sociale, arrêt du 8 janvier 2020 : : RG n°18-20151

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 1er juin 2016, n° 14-19702

Par Maitre Virginie LANGLET le 17 février 2020

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

www.cabinet-avocats-langlet.fr

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