Le management brutal et nocif pour la santé des équipes constitue une faute grave. Il n’est même pas besoin de le qualifier de harcèlement moral pour licencier le salarié (Cass. soc. 14 février 2024, n° 22-14385).
Sommaire
Qu’est-ce qu’une faute grave ?
La faute grave commise par un salarié répond à une définition précise.
La faute grave :
- résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits
- imputables au salarié
- qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail
- d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié fautif dans l’entreprise même pendant le préavis.
La gravité des faits justifie même une mise à pied conservatoire (Cass. soc. 27 septembre 2007, n° 06-43867).
Le licenciement pour faute grave entraine automatiquement le départ immédiat du salarié.
Il sera donc privé de son indemnité de licenciement et de son préavis (c. trav. art. L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9).
Quelle est la définition du harcèlement moral ?
Le harcèlement moral, selon le code du travail, se caractérise par :
- des agissements répétés
- ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail
- qui est susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (c. trav. art. L. 1152-1).
Pour savoir comment reconnaitre le harcèlement moral en entreprise, lire ici
Qu’est-ce que le management brutal ?
Pour des illustrations de management brutal, lire ici
Le management brutal est-il constitutif de harcèlement moral ?
La réponse est plus subtile que cela.
Il est certain que le management brutal doit entrainer le licenciement du salarié fautif pour faute grave.
Dans ces conditions, il n’est même pas nécessaire de rechercher si le harcèlement moral est bien caractérisé selon les critères légaux et jurisprudentiels.
La Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt du 14 février 2024 (Cass. soc. 14 février 2024, n° 22-14385).
Dans cette affaire, une directrice d’un EHPAD avait été licenciée pour faute grave pour les motifs suivants.
L’employeur lui reprochait un management brutal qui s’illustrait par des méthodes de gestion ayant entrainé la démission d’au moins deux salariées, le placement en arrêt de travail pour maladie d’une autre et plus généralement, un mal-être et une souffrance de la majorité du personnel.
La salariée avait saisi le conseil de prud’hommes.
La cour d’appel lui avait donné raison en estimant que le licenciementne reposait, ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse.
Pour la cour d’appel, les agissements de la salariée ne pouvaient être qualifiés de harcèlement moral et elle n’aurait pas dû être licenciée.
La cour d’appel énonçait les éléments suivants :
-aucune enquête n’avait été mise en œuvre sur les faits dénoncés de harcèlement moral ;
-les courriers et attestations produits ne faisaient pas état de faits précis et circonstanciés ;
-la dénonciation d’un climat de travail tendu, de conditions et de relations de travail effectivement difficiles ou heurtées, ne pouvait valoir qualification de harcèlement moral ;
-un contexte professionnel difficile, la nature de la tâche du salarié, ou l’étendue de ses responsabilités, voire à une surcharge de travail, ne pouvait pas, non plus, être qualifiée de harcèlement moral.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis et se conforme à sa jurisprudence constante en la matière : lire ici
Pour la Haute juridiction, un mode de gestion nocif pour la santé des équipes constitue, à lui seul, une faute grave.
Et la faute grave rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Dans cette affaire, la salariée pratiquait un mode de gestion inapproprié, de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés.
Et ce comportement rendait impossible le maintien de la directrice dans l’entreprise, peu important qu’il ne soit pas constitutif d’un harcèlement moral.
Il n’était pas nécessaire de rechercher si ses agissements relevaient du harcèlement moral.
D’une manière générale, la qualification de faute grave suffit en cas de gestion du personnel humiliante et brutale, susceptible de nuire à la santé des salariés, peu important que de telles pratiques puissent être qualifiées de harcèlement moral (Cass. soc. 10 mai 2012, n° 11-11371 D) ou non (Cass. soc. 15 décembre 2009, n° 08-44847 D ; Cass. soc. 19 janvier 2010, n° 08-42260 ; Cass. soc. 8 février 2023 n° 21-11535).
Sources :
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 14 février 2024 : n° 22-14385
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 27 septembre 2007, n° 06-43867
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 10 mai 2012, n° 11-11371
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 15 décembre 2009, n° 08-44847
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 19 janvier 2010, n° 08-42260
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 8 février 2023 n° 21-11535
Par Maitre Virginie LANGLET le 15 mars 2024
Avocat au Barreau de Paris
8 rue Blanche – 75009 PARIS
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