Comment reconnaitre le harcèlement moral en entreprise?

Le harcèlement moral en entreprise concerne tout salarié, quel que soit son poste, son niveau de qualification, son niveau hiérarchique, son ancienneté.

Nous vous expliquons ici comment l’on reconnait des agissements de harcèlement moral répréhensibles devant le conseil de prud’hommes.

Suivez le guide.

Qu’est ce que le harcèlement moral en entreprise ?

Le harcèlement moral se définit par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail d’un salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel sont interdits (c. trav. art. L. 1152-1).

1er élément constitutif du harcèlement moral : les agissements répétés

Le harcèlement moral concerne obligatoirement des agissements répétés. Le harcèlement moral ne peut pas porter sur un acte isolé, même si cet acte est grave. Toutefois, le harcèlement moral peut porter sur des agissements répétés qui sont de même nature : une mise à l’écart qui va se poursuivre dans le temps (Cass. crim. 26 janvier 2016, n° 14-80455)

C’est ainsi que ne sera pas considéré comme harcèlement moral un fait unique, isolé tel que :

  • une rétrogradation injustifiée (Cass. soc. 09.12.2009, n° 07-45521
  • un changement d’affectation (Cass. soc. 20.11.2014, n° 13-22045) ;
  • des écarts de langage tenus sur une même journée (Cass. soc. 05.11.2014, n° 13-16729)

Le harcèlement moral se caractérise par des agissements fautifs répétés, mais qui peuvent se dérouler sur une courte période (Cass. soc. 26.05.2010, n° 08-43152).

On peut même imaginer que la période ne dure que quelques semaines (moins d’un mois : Cass. Soc. 12 février 2014 : n°12-23051). Si chaque jour, le salarié victime subit des agissements de harcèlement moral, la répétition sera caractérisée.

La vigilance s’impose donc, car le harcèlement moral peut aller très vite et être très brutal dans son impact.

2ème élément constitutif du harcèlement moral : la dégradation des conditions de travail de la victime

La conséquence du harcèlement moral est la dégradation des conditions de travail du salarié.

Elle en est l’un des éléments constitutifs essentiels.

La simple possibilité d’une dégradation des conditions de travail du salarié victime suffit à caractériser le harcèlement moral (Cass. crim. 06.12.2011, n° 10-82266).

Il n’est pas nécessaire que l’auteur du harcèlement moral ait eu une intention malveillante. Il importe peu que l’auteur du harcèlement n’ait pas délibérément cherché à nuire au salarié.

Il suffit que la dégradation des conditions de travail soit un risque des agissements de harcèlement moral.

3ème élément constitutif du harcèlement moral : l’atteinte à la dignité, la carrière ou la santé du salarié

Pour être qualifiés de harcèlement moral, les agissements doivent avoir entraîné une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à la dignité ou à la santé du salarié, ou de compromettre son avenir professionnel (Cass. soc. 10.11.2009, n° 08-41497 ; Cass. soc. 15.11.2011, n° 10-30463). Ces 3 éléments sont alternatifs, mais la plupart du temps, certains se cumulent.

  1. Qu’est-ce que l’atteinte à la dignité

L’atteinte à la dignité est liée souvent aux conditions de travail et peuvent se manifester par :

  • une mise au placard,
  • des brimades,
  • des mesures vexatoires,
  • des humiliations,
  • des propos blessants de la part du supérieur, des attaques inutiles sur un ton inapproprié.

Le fait que les actes se passent devant témoins en renforce le caractère humiliant.

  1. Comment se caractérise la dégradation de l’état de santé

La dégradation de la santé vise à la fois -de manière alternative mais parfois de manière cumulative- l’altération de la santé mentale et de la santé physique, contraignant le salarié victime à interrompre son activité professionnelle (un arrêt maladie, parfois de longue durée).

Par exemple, le fait pour un employeur de ne pas respecter les consignes du médecin du travail, qui délivre un avis d’aptitude avec réserve contribue à dégrader l’état de santé du salarié.

Le médecin du travail peut avoir préconisé un rythme de travail particulier, ou la limitation de certains tâches (port de charges lourdes, etc).

Si l’employeur s’obstine à ne pas appliquer ces mesures de restriction, l’atteinte à la santé du salarié est évidente.

  1. Comment se caractérise l’avenir professionnel compromis

La harcèlement moral peut conduire à compromettre l’avenir professionnel du salarié victile.

Par exemple, si le salarié fait l’objet de brimades répétées qui le discréditent devant ses équipes et ses collègues de travail.

Autre exemple : le salarié se voit, par des sanctions répétées abusives (avertissements répétés injustifiés) privé d’une promotion ou d’une augmentation.

Qui peut être l’auteur du harcèlement moral ?

Le harcèlement moral peut émaner de n’importe qui dans l’entreprise :

  • un supérieur hiérarchique, un manager,
  • un subordonné (Cass. crim. 6 décembre 2011, n° 10-82266),
  • le harcèlement moral peut même s’opérer entre deux personnes qui n’appartiennent pas à la même entreprise, mais qui travaillent ensemble dans les mêmes locaux (Cass. Crim. 09.05.2019 : n°18-83510).

Focus sur le harcèlement moral « managérial »

A émergé en jurisprudence ce que l’on appelle le harcèlement moral managérial.

Il s’agit, en résumé, d’un mode de management mis en place dans une entreprise et qui conduit à des pratiques de harcèlement moral à l’encontre d’un ou plusieurs collaborateurs.

La Cour de cassation définit de cette manière la harcèlement moral managérial :  « les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique (…) peuvent caractériser un harcèlement moral (…) dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». (Cass. soc., 10 nov. 2009, n° 07-45.321 ; Cass. soc., 21 mai 2014, n° 13-16.341)

La Cour impose donc deux conditions pour reconnaître le harcèlement managérial :

Il faut prouver que la méthode de gestion incriminée :

  • s’adresse à un salarié déterminé ;
  • s’inscrive dans le cadre de la définition légale du harcèlement de l’article L. 1152-1 du code du travail : agissements répétés, dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité, d’altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre l’avenir professionnel.

Illustrations du harcèlement moral managérial :

  • un directeur d’établissement qui avait pour habitude de soumettre ses salariés à une pression continuelle, des reproches incessants, des ordres et contre-ordres dans l’intention de diviser l’équipe qui se traduisaient pour le salarié visé, par sa mise à l’écart, un mépris affiché à son égard, une absence de dialogue caractérisée par une communication par l’intermédiaire d’un tableau , ce qui avait entraîné chez lui un état très dépressif.
  •  L’entreprise soumettait les vendeurs à un management par objectifs intensifs et à des conditions de travail extrêmement difficiles se traduisant pour le salarié visé par la mise en cause sans motif de ses méthodes de travail notamment par des propos insultants et un dénigrement au moins à deux reprises en présence des collègues et ayant entraîné un état de stress majeur nécessitant un traitement et un suivi médical.

Il faut veiller à ce type de harcèlement moral managérial.

En cas de plainte du salarié victime de harcèlement moral et que les faits sont avérés, l’employeur est tenu de licencier l’auteur des faits.

Mais lorsque c’est la direction de l’entreprise elle-même qui a mis en place un mode de management global fondé sur la pression, elle ne peut plus licencier pour harcèlement moral un responsable d’équipe qui applique ce mode de management. En effet ce manager n’est qu’un maillon de la chaine mise en place par la direction de l’entreprise. S’il est bien entendu blâmable, il ne peut pas être licencié puisqu’il est lui-même victime de la pression exercée sur lui par son employeur (Cass. soc., 8 nov. 2011, n° 10-12120).

Si vous estimez être victime de harcèlement moral, n’hésitez pas à contacter un avocat en droit du travail.

Nous sommes à votre disposition pour vous aider à identifier les agissements dont vous faites l’objet, vous aider à y mettre un terme et à obtenir réparation.

Sources :

Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt du 7 mai 2019 : RG n°18-83510 D

Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt du 26 janvier 2016 : RG n° 14-80455

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 9 décembre 2009 : RG, n° 07-45521

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 20 novembre 2014 : RG n° 13-22045

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 5 novembre 2014 : RG, n° 13-16729

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 26 mai 2010 : RG n° 08-43152

Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt du 6 décembre 2011: RG n° 10-82266

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 10 novembre 2009: RG n° 08-41497

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 15 novembre 2011: RG n° 10-30463

Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt du 13 décembre 2016 : RG n° 16-81253

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 12 février 2014 : RG n°12.23051

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 10 novembre 2009 : RG n° 07-45321

 Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 21 mai 2014 : RG n° 13-16.341

 Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 8 novembre 2011 : RG n° 10-12120

Par Maitre Virginie LANGLET le 22 octobre 2021

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

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www.cabinet-avocats-langlet.fr

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