Renoncer trop tard à la clause de non-concurrence = payer la totalité de l’indemnité de non-concurrence

En cas de renonciation tardive à une clause de non-concurrence, l’employeur doit payer au salarié qui a respecté la clause, la totalité de l’indemnité de non-concurrence (Cass. Soc. 13 octobre 2021 : n°20-10718).

Qu’est-ce que la clause de non-concurrence ?

Pour plus de précisions, lire notre article ici.

Quelles sont les conditions de validité d’une clause de non-concurrence ?

Pour plus de précisions, lire notre article ici.

Qu’est-ce que l’indemnité de non-concurrence ?

L’indemnité de non-concurrence est l’une des 4 conditions de validité de la clause de non-concurrence.

En effet, pour être valable, entre autres, la clause de non-concurrence doit comporter l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière – l’indemnité de non-concurrence – même si la convention collective n’en prévoit pas (Cass. soc. 10 juillet 2002, n° 00-45135 ; 2 mars 2005, n° 03-42321).

Si la clause de non-concurrence ne prévoit pas de contrepartie financière, elle est nulle.

Le salarié aura alors la possibilité de saisir le juge des référés pour qu’il déclare que cette clause ne lui est pas applicable et qu’il peut donc aller travailler dans l’entreprise de son choix, même si elle concurrence son ancien employeur (Cass. soc. 25 mai 2005, n° 04-45794).

Quel est le montant de l’indemnité de non-concurrence ?

Le montant de l’indemnité de non-concurrence est fixé selon différents critères (CA Versailles, 17e ch. soc., 20 février 2003, DG 01/02044; Cass. soc. 4 novembre 2020, n° 19-12279) :

  • proportionnellement à l’étendue géographique
  • proportionnellement à la durée de l’obligation de non-concurrence
  • tenir compte de la nature des fonctions exercées et des revenus professionnels du salarié,
  • tenir compte de l’ancienneté du salarié (critère minoritaire).

Une indemnité de non-concurrence d’un montant dérisoire équivaut à une absence de contrepartie financière à la clause de non-concurrence.

Dans ce cas, la clause de non-concurrence est nulle et ne peut pas être applicable au salarié (Cass. soc. 15 novembre 2006, n° 04-46721 ; Cass. soc. 23 juin 2010, n° 08-44160).

Exemple d’indemnité de non-concurrence dérisoire : 100€ d’indemnité mensuelle pour un cadre qui est tenu par une clause de non-concurrence d’une durée de 2 ans (Cass. soc. 27 novembre 2013, n°12-12740).

Est-il possible de renoncer à la clause de non-concurrence ?

Oui, il est possible de renoncer à appliquer la clause de non-concurrence au salarié qui quitte l’entreprise.

Seul l’employeur peut renoncer à la clause de non-concurrence et décider de libérer le salarié.

La renonciation de l’employeur entraine deux conséquences :

  • d’une part l’employeur libère le salarié de l’interdiction de concurrence
  • d’autre part, il se libère lui-même de l’obligation de payer l’indemnité de non-concurrence prévue dans le contrat de travail ou la convention collective.

Attention, la renonciation à la clause de non-concurrence est strictement encadrée.

Cette possibilité de renonciation doit être expressément prévue par (Cass. soc. 4 juin 1998, n° 95-41832 ; Cass. soc. 22 février 2006, n° 04-45406) :

  • le contrat de travail ;
  • ou la convention collective applicable à l’entreprise sous réserve que le contrat se réfère à cette convention.

La renonciation doit être claire et non équivoque et suivre le formalisme tel qu’il est prévu dans le contrat de travail.

Quel est le délai pour renoncer à la clause de non-concurrence ?

La renonciation par l’employeur à l’application de la clause de non-concurrence doit se faire dans un certain délai, fixé par la convention collective ou le contrat de travail.

Attention : il est impossible de renoncer à une clause de non-concurrence dès lors que celle-ci a commencé à être exécutée, c’est à dire en pratique après la rupture du contrat et le départ du salarié des effectifs de l’entreprise.

Il faut également veiller au fait que la clause de non-concurrence par laquelle l’employeur se réserve la faculté, après la rupture, de renoncer à celle-ci à tout moment avant ou pendant la période d’interdiction de concurrence est nulle dans son ensemble au motif qu’elle laisse le salarié dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler (Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 14-19029).

La renonciation à la clause de non-concurrence doit donc se faire selon les modalités suivantes :

  • Selon les dispositions et le délai expressément fixés dans le contrat de travail ou la convention collective : par exemple 8 jours après la notification de la lettre de démission ou de licenciement ;
  • Lorsque ni la convention collective ni le contrat de travail ne fixent de délai pour la renonciation à la clause de non-concurrence, l’employeur doit renoncer à celle-ci au moment du licenciement ;
  • En cas de dispense de préavis, l’employeur qui souhaite renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence doit le faire au plus tard à la date du départ effectif du salarié de l’entreprise (Cass. soc., 21 janvier 2015, n° 13-24471).

En cas de renonciation tardive, l’employeur doit-il payer l’intégralité de l’indemnité de non-concurrence ?

Oui, sous réserves…

Si l’employeur ne respecte pas le délai fixé pour renoncer à la clause de non-concurrence, les conséquences peuvent être lourdes pour lui.

C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans l’arrêt du 13 octobre 2021(Cass. Soc. 13 octobre 2021 : n°20-10718).

Dans cette affaire, un VRP avait été licencié et s’était vu appliquer une clause de non-concurrence pour une durée de 2 ans.

L’accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 permettait à l’employeur de renoncer à cette clause de non-concurrence par LRAR dans les 15 jours suivant la notification de la rupture du contrat de travail, c’est-à-dire dans les 15 jours de l’envoi de la lettre de licenciement.

Le salarié avait alors saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir le paiement de la l’indemnité de non-concurrence due pour les 2 ans d’interdiction de concurrence prévus dans la clause.

Il a obtenu le paiement de la totalité de la contrepartie financière en appel aux motifs que :

  • D’une part, il avait bien respecté l’interdiction de concurrence sans percevoir la contrepartie financière
  • D’autre part, que l’employeur n’avait pas renoncé à la clause dans le délai imparti après le licenciement.

Par cette décision, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence.

En cas de non-respect du délai de renonciation, l’employeur reste tenu de payer de l’intégralité de la contrepartie financière (Cass. soc. 27 mars 2008, n° 07-40195).

A une nuance près : l’employeur ne doit au salarié que la fraction de la contrepartie correspondant à la période pendant laquelle celui-ci a effectivement respecté l’interdiction de concurrence (Cass. soc. 13 septembre 2005, n° 02-46795).

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 13 octobre 2021 : RG n° 20-10718

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 10 juillet 2002 : RG n° 00-45135

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 2 mars 2005 : RG n° 03-42321

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 25 mai 2005 : RG n° 04-45794

Cour d’appel de Versailles, 17ème chambre sociale, arrêt du 20 février 2003 :RG 01/02044

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 4 novembre 2020, n° 19-12279

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 15 novembre 2006, n° 04-46721

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 23 juin 2010, n° 08-44160

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 4 juin 1998, n° 95-41832

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 22 février 2006, n° 04-45406

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 2 décembre 2015, n° 14-19029

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 21 janvier 2015, n° 13-24471

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 27 mars 2008, n° 07-40195

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 13 septembre 2005, n° 02-46795

Par Maitre Virginie LANGLET le 13 décembre 2021

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

www.cabinet-avocats-langlet.fr

Partagez :