La prise d’acte peut elle produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux torts exclusifs de l’employeur, même si les faits qui lui sont reprochés sont anciens (Cass. soc. 18 décembre 2024, n° 23-19664) ?
Sommaire
La prise d’acte : définition
La prise d’acte vise une situation bien précise :
Le salarié en contrat à durée indéterminée peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur (Cass. soc. 31 octobre 2006, n° 04-46280).
La prise d’acte consiste pour le salarié à décider de rompre unilatéralement son contrat de travail en imputant le motif de cette rupture à son employeur.
Prise d’acte : quelles sont les conditions cumulatives ?
Deux conditions sont requises pour prendre acte de son contrat de travail.
Pour plus de précisions : Lire https://www.cabinet-avocats-langlet.fr/prise-dacte-une-rupture-de-contrat-de-travail-aux-torts-de-lemployeur/
La prise d’acte et l’ancienneté des faits reprochés à l’employeur
Jusqu’alors, la position de la Cour de cassation consistait à considérer que l’ancienneté des faits reprochés à l’employeur était contradictoire avec une prise d’acte.
La prise d’acte était alors requalifiée en une démission, c’est-à-dire une rupture unilatérale du salarié, privatives des allocations-chômage
La prise d’acte est par principe jugée infondée lorsque les manquements reprochés à l’employeur sont anciens, puisque selon les juges, le contrat de travail a pu se poursuivre malgré l’attitude de l’employeur (Cass. soc. 26 mars 2014, n° 12-23634), ce qui est contradictoire avec le fait que les manquements rendent impossible la poursuite du contrat de travail.
Mais, la Cour de cassation a rappelé dans l’arrêt du 18 décembre 2024 (Cass. soc. 18 décembre 2024, n° 23-19664) que la gravité des faits reprochés à l’employeur bien à condition première est essentielle de légitimité d’une prise d’acte.
Dans cette affaire le salarié reprochait à son employeur une baisse de rémunération à la suite d’une réorganisation de ses secteurs d’activité à l’automne 2018, puis en mars 2019.
Il avait alors réclamé des explications et s’était plaint.
Du 17 janvier au 31 août 2020, le salarié s’est émis en congé parental.
Et, le 31 août 2020, il avait pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Il avait alors saisi le conseil de prud’hommes pour que ça si prise d’acte soit qualifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il réclamait donc les indemnité de licenciement, de préavis, de congés payés sur préavis, et les dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Malgré la gravité des faits, le conseil de prud’hommes et la cour d’appel avait requalifié la prise d’acte en démission au motif que le salarié avait mis trop de temps à réagir.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis.
Dans cette affaire, la Cour de cassation rappelle que les juges ne peuvent pas s’appuyer uniquement sur l’ancienneté des manquements de l’employeur pour apprécier la motivation de la prise d’acte.
Ils doivent analyser la gravité de ces manquements et déterminer si cela empêchait la poursuite du contrat de travail, peu important leur ancienneté.
La Cour de cassation avait déjà statué en ce sens dans une affaire où le salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail alors qu’il était en arrêt maladie pour accident du travail depuis plus d’un an et demi (Cass. soc. 11 décembre. 2015, n° 14-15670 D). Une autre affaire a retenu également l’ancienneté des faits pour une salarié qui était en congé parental d’éducation (Cass. soc. 28 septembre 2022, n° 21-12546
Il faut donc veiller toujours à prendre en compte la gravité des faits avant de prendre une décision.
Cela signifie que les employeurs ne peuvent pas s’estimer libérés de leurs manquements par le temps qui passe.
Sources :
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 18 décembre 2024 : n° 23-19664
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 31 octobre 2006 : n° 04-46280
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 26 mars 2014 : n° 12-23634
Par Maitre Virginie LANGLET le 13 janvier 2025
Avocat au Barreau de Paris
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