Prise d’acte: une rupture de contrat de travail aux torts de l’employeur

La prise d’acte consiste pour le salarié à rompre unilatéralement son contrat de travail en imputant le motif de cette rupture à son employeur.

Il s’agit d’une décision risquée, qui soit être mûrement réfléchie.

Qu’est-ce que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail ?

La prise d’acte n’est possible que pour le salarié et n’est jamais une option pour un employeur.

La prise d’acte est réservée aux salariés engagés en CDI.

La prise d’acte consiste pour le salarié à rompre unilatéralement son contrat de travail en imputant le motif de cette rupture à son employeur.

Pour que la prise d’acte soit justifiée, il faut que les manquements de l’employeur soient suffisamment graves et qu’ils créent un préjudice au salarié.

Quelles sont les conditions requises pour une prise d’acte ?

Deux conditions sont requises pour prendre acte de son contrat de travail.

  1. Des manquements graves de l’employeur à l’égard du salarié

Une prise d’acte aux torts de l’employeur n’est possible pour le salarié que s’il reproche à ce dernier de ne pas respecter ses obligations de façon particulièrement grave.

Différents faits peuvent être reprochées à l’employeur.

Ces faits peuvent porter par exemple sur :

  • une inexécution de ses  obligations contractuelles ou conventionnelles (ex. : défaut de paiement du salaire) ;
  • une attitude fautive ( harcèlement, etc.).
  • L’impossibilité de maintenir le contrat de travail

Pour que la prise d’acte soit envisagée, il faut que les faits reprochés à l’employeur soient suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle (Cass. soc. 30 mars 2010, n° 08-44236 ; Cass. soc. 5 juillet 2017, n° 16-11520).

Il ne faut pas que les manquements reprochés à l’employeur soient anciens.

A défaut la prise d’acte n’est pas fondée puisque le contrat de travail a pu se poursuivre malgré l’attitude de l’employeur (Cass. soc. 26 mars 2014, n° 12-23634).

Quelle est la procédure de la prise d’acte ?

Aucun formalisme n’est requis.

Une simple lettre suffit. Par mesure de précaution, une lettre recommandée ou une lettre remise en main propre avec date certaine est à privilégier.

Quels sont les effets de la prise d’acte ?

La prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié entraîne la cessation immédiate du contrat (Cass. soc. 31 octobre 2006, n° 04-46280 ; Cass. soc. 25 février 2009, n° 06-46436).

Le contrat est rompu, sans préavis, dès la remise de la lettre du salarié.

Toute rétractation est impossible.

Et après l’envoi de la lettre de prise d’acte ?

Après avoir envoyé sa lettre de prise d’acte, le salarié doit saisir le Conseil de prud’hommes dans un délai qui court à compter de la date de sa prise d’acte.

Le Conseil de Prud’hommes devra décider si les faits reprochés à l’employeur étaient suffisamment graves pour justifier la prise d’acte par le salarié.

Et là, deux options :

  1. La prise d’acte est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse

Soit le Conseil de prud’hommes estime que les faits sont suffisamment graves.

Dans ce cas, la prise d’acte est requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou un licenciement nul.

Le salarié percevra des indemnités :

  • Indemnité de licenciement,
  • Indemnité compensatrice de préavis
  • Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul.
  1. La prise d’acte est requalifiée en une démission

Soit le Conseil de prud’hommes estime que les faits ne sont pas suffisamment graves.

Dans ce cas, les effets de la prise d’acte sont ceux d’une démission.

Le salarié n’a droit ni à l’indemnité de licenciement, ni à une indemnité compensatrice de préavis, ni à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En revanche, il perçoit l’indemnité compensatrice de congés payés (s’il n’a pas soldé la totalité de ses congés) ainsi que les divers éléments de rémunération auxquels il peut prétendre en quittant l’entreprise (prorata de primes annuelles, épargne salariale, etc.).

Attention : l’employeur est en droit de réclamer au salarié le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis puisqu’il n’a pas effectué de préavis (Cass. soc. 4 février 2009, n° 07-44142 ; Cass. soc. 8 juin 2011, n° 09-43208 ; Cass. soc. 23 janvier 2019, n° 17-19393).

Quels sont les risques de la prise d’acte ?

Les risques de la prise d’acte ne sont pas à négliger.

La stratégie doit être évaluée en amont de manière sérieuse.

Le premier risque porte sur les conséquences du départ volontaire.

Lorsque le salarié quitte l’entreprise après la prise d’acte, il perd son emploi immédiatement et ne perçoit à ce moment-là aucune indemnité : ni indemnité de licenciement, ni indemnité de préavis.

Il ne perçoit non plus aucune allocation chômage : l’employeur établira bien une attestation Pôle Emploi mais indiquera dans la plus grande majorité des cas « départ volontaire ».

Le second risque porte sur les conséquences de l’action prud’homale.

Au moment de la décision du Conseil de Prud’hommes, si le CPH requalifie la prise d’acte en une démission, le salarié sera considéré comme démissionnaire définitivement.

Il est recommandé de se faire conseiller par un avocat, qui saura mesurer les chances de succès avant de vous lancer.

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 30 mars 2010 : RG n° 08-44236

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 5 juillet 2017 : RG n° 16-11520

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 26 mars 2014, n° 12-23634

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 4 février 2009 : RG n° 07-44142

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 8 juin 2011 : RG n° 09-43208

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 23 janvier 2019 : RG n° 17-19393 

Par Maitre Virginie LANGLET le 22 septembre 2021

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30www.cabinet-avocats-langlet.fr

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