Par principe, pour être valable, une démission donnée par un salarié doit émaner d’une volonté claire et non équivoque.
Qu’en est-il si la démission est la conséquence d’un comportement fautif de l’employeur ?
Sommaire
Le comportement fautif de l’employeur
La lettre de démission dans laquelle le salarié impute la rupture du contrat à l’employeur ne caractérise pas, de la part du salarié, une volonté claire et non équivoque de démissionner.
En effet, le fait d’évoquer un comportement fautif de l’employeur est considéré comme un obstacle à la validité de la démission.
Face à un comportement fautif de l’employeur ayant poussé le salarié à démissionner, les juges vont toujours rechercher si la décision du salarié n’a pas été la conséquence de l’attitude de l’employeur.
Les fautes de l’employeur peuvent être de diverses natures.
Par exemple l’employeur qui ne paye pas l’intégralité des salaires dus au salarié alors que le salarié à accompli son travail (Cass. soc., 19 oct. 2005, n° 04-40.924 ; Cass. soc., 14 nov. 1995, n° 92-40.923).
L’employeur qui ne paye pas les heures supplémentaires (Cass. soc. 10 juillet 2013 n° 12-14028).
Des faits de harcèlement moral subis par le salarié peuvent être évoqués.
La démission avec réserves est une prise d’acte
Si la démission est équivoque, elle n’est pas valable.
La Cour de cassation requalifie ce type de démission avec réserves en prise d’acte de la rupture du contrat de travail et lui en fait produire les effets (Cass. soc. 15 mars 2006, n° 03-45031).
Sur la prise d’acte : lire ici.
Les conditions pour que la démission soit considérée comme équivoque
- La réalité des fautes reprochées à l’employeur
Pour que la démission soit requalifiée en une prise d’acte au motif qu’elle est équivoque et avec réserves, il faut que les fais reprochés à l’employeur soient avérés et démontrés par le salarié.
- La date des faits reprochés à l’employeur
Outre la réalité des faits reprochés à l’employeur, le juge va examiner la date des fautes listées dans la lettre de démission.
En effet, pour que sa démission soit considérée comme équivoque, le salarié doit apporter la preuve qu’un différend antérieur ou contemporain à la rupture l’opposait à son employeur.
- Le délai raisonnable entre la démission et la saisine du conseil de prud’hommes
Le respect d’un délai raisonnable entre la notification d’une démission et sa contestation ultérieure est, par ailleurs, considéré comme une condition de principe à la requalification de la démission en prise d’acte de la rupture (Cass. soc. 19 décembre 2007 n° 06-42.550).
Le salarié ne peut attendre plusieurs mois avant de contester les conditions de la rupture de son contrat de travail.
Les suites judiciaires de la démission avec réserves
Le salarié qui motive sa démission par l’attitude fautive de son employeur peut saisir le conseil de prud’hommes afin d’obtenir la requalification de cette rupture en une prise d’acte de la rupture (Cass. soc. 15 mars 2006, n° 03-45031).
La saisine du conseil de prud’hommes est donc une étape indispensable après la démission, dans un délai assez court.
Si le juge va dans le sens du salarié, cette démission requalifiée produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 30 octobre 2007, n° 06-43327).
En revanche, le juge pourra considérer que la démission ne repose pas sur un manquement de l’employeur (Cass. soc. 17 février 2010, n° 08-42490 ; Cass. soc. 7 juillet 2015, n° 14-13834).
Dans ce cas, elle produire les effets d’une démission non équivoque.
Les risques de la démission motivée ou avec réserves
Puisqu’il s’agit d’une démission, le risque pour le salarié est la perte de son emploi, après accomplissement d’un préavis, sans indemnité de rupture ni bénéfice des allocations chômage (sauf cas de démission légitime, limitativement prévu par la loi).
Ce risque persistera, si après un recours contentieux, le conseil de Prud’hommes confirme la légitimité de la démission.
Sources :
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 19 octobre 2005, n° 04-40924
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 14 novembre 1995, n° 92-40923
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 10 juillet 2013, n° 12-14028
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 15 mars 2006, n° 03-45031
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 19 décembre 2007, n° 06-42550
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 30 octobre 2007, n° 06-43327
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 17 février 2010, n° 08-42490
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 7 juillet 2015, n° 14-13834
Par Maitre Virginie LANGLET le 24 septembre 2021
Avocat au Barreau de Paris
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