Après l’avis d’inaptitude, le piège du reclassement du salarié !

En cas d’inaptitude, l’employeur doit chercher à reclasser le salarié.

Mais comment s’y prendre ?

Et où reclasser ? l’entreprise? le groupe?

L’inaptitude c’est quoi ?

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Le reclassement, c’est quoi ?

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur a normalement l’obligation de procéder à une recherche de reclassement avant de prononcer son licenciement.

Il doit tout faire pour maintenir le salarié dans un emploi.

Il n’est dispensé de cette obligation qui si le médecin du travail a expressément mentionné dans l’avis d’inaptitude que (c. trav. art. L. 1226-2-1 et L. 1226-12) que :

  • tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ;
  • ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.

Ainsi, lorsque l’avis d’inaptitude mentionne expressément que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, l’employeur est donc légitimement dispensé de rechercher et de lui proposer des postes de reclassement avant de la licencier (Cass. soc. 8 février 2023, n° 21-19232).

C’est un principe acquis.

Quid du reclassement lorsque le salarié fait partie d’un groupe de reclassement plus vaste que l’entreprise ?

La Cour de cassation a répondu à cette question par un arrêt du 8 février 2023 (Cass. soc. 8 février 2023, n° 21-11356).

Dans cette affaire, la salariée travaillait comme employée polyvalente de restaurant pour le compte d’un comité social et économique (CSE). Après un arrêt de travail, elle a été déclarée inapte à son poste suivant un avis du médecin du travail rédigé en ses termes :

« Inapte. L’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans cette entreprise. Échange avec l’employeur en date du 4 juillet 2017 (étude de poste faite) ».

Le CSE avait prononcé son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Mécontente, la salariée a contesté son licenciement.

Elle estimait que l’employeur aurait dû effectuer une recherche de reclassement au sein du groupe au sein de la société elle-même.

Les juges ont donné raison à la salariée.

Pour eux, il existait un groupe de reclassement plus vaste, constitué du CSE et de la société.

Et l’avis d’inaptitude, tel qu’il était rédigé – obstacle à tout reclassement dans un emploi dans cette entreprise – , ne dispensait pas le CSE de rechercher un reclassement au sein de la société.

L’employeur avait donc manqué à son obligation de reclassement.

Qui du reclassement dans une entreprise appartenant à un groupe ?

Le périmètre de l’obligation de reclassement après avis d’inaptitude s’étend aux « entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel » (c. trav. art. L. 1226-2 et L. 1226-10).

La notion de « groupe » désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle (dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce).

En résumé, la mère et les filiales.

Par ailleurs, seules sont comprises dans le périmètre de reclassement les entreprises du groupe qui :

  • sont situées sur le territoire national ;
  • et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Parfois, la notion même de groupe pose question.

La Cour de cassation a pu trancher la question de la simple « influence notable » d’une société sur une autre qui, selon elle ne permet pas de caractériser l’existence d’un groupe (Cass. soc. 05 juillet 2023 : n° 22-10158).

Dans cette affaire, un salarié déclaré inapte puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement a saisi le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement.

Il estimait que son employeur avait manqué à son obligation de reclassement puisqu’aucune recherche n’avait été faite dans une société qui selon lui appartenait au groupe, et qui selon lui, correspondait au périmètre de reclassement.

La Cour de cassation lui a donné tort, en faisant une explication de texte, qui sert aujourd’hui de point de repère.

La Haute juridiction a rappelé que le groupe, comme périmètre de reclassement d’un salarié inapte, désigne une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle (cf dispositions rappelées du code de commerce ci avant).

Pour la Cour de cassation :

  • selon l’article L. 233-16 c. commerce, les sociétés commerciales établissent et publient chaque année des comptes consolidés dès lors qu’elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises ;
  • par la combinaison des articles L. 233-17-2 et L. 233-18 c. commerce, sont comprises dans les comptes consolidés, par mise en équivalence, les entreprises sur lesquelles l’entreprise dominante exerce une influence notable.

Or, l’influence notable n’est pas constitutive d’un contrôle (au sens des articles L. 233-1, L. 233-3 I et II ou L. 233-16 du code de commerce).

Donc la seule existence de comptes consolidés par mise en équivalence ne permet pas de caractériser l’existence d’un groupe de reclassement.

C’est un peu technique, mais pour résumer, une simple forme de contrôle ou domination ne peut suffire à caractériser l’existence d’un groupe au sens de l’article L. 1226-2 du code du travail.

Pour définir les contours du périmètre de reclassement d’un salarié déclaré inapte, il ne suffit pas de caractériser l’existence d’un groupe au sens du droit commercial.

Il faut aussi que les entités du groupe disposent d’une organisation, d’activités ou d’un lieu d’exploitation qui assurent la permutation de tout ou partie de leur personnel (c. trav. art. L. 1226-2 ; Cass. soc. 24 juin 2009, n° 07-45656 ; Cass. soc. 30 septembre 2020, n° 19-13122).

Pour toute question, n’hésitez pas à nous contacter.

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 8 février 2023, n° 21-19232

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 5 juillet 2023 : n° 22-10158

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 24 juin 2009 : n° 07-45656

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 30 septembre 2020, n° 19-13122

Par Maitre Virginie LANGLET le 10 juillet 2023

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

www.cabinet-avocats-langlet.fr

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