Santé et sécurité des salariés pendant les team building : c’est la responsabilité du manager organisateur

Même durant un « team building » d’entreprise, l’employeur et les managers doivent veiller à préserver la santé et la sécurité de ses salariés, surtout si les activités proposées sont à risque (Cass. Soc. 23.10.2019 : n° 18-14260).

Santé et sécurité des salariés au travail : obligations de l’employeur

L’employeur est tenu, à l’égard de chaque salarié, d’une obligation de sécurité qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé physique et mentale (Cass. soc. 25.11.2015, n° 14-24444).

Il doit donc prendre, entre autres mesures, des mesures de prévention suffisantes dès lors qu’un risque professionnel est identifié (c. trav. art. L. 4121-1 et L. 4121-2).

L’employeur doit informer les travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité ainsi que sur les mesures prises pour y remédier (c. trav. art. L. 4141-1), au moyen d’affiches, de consignes d’hygiène et de sécurité ou de livrets de sécurité.

Si un salarié est exposé à un risque pour sa santé ou sa sécurité, ou lorsqu’un risque se réalise, l’employeur est condamné à verser des dommages-intérêts sauf s’il peut prouver qu’il a pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (Cass. soc. 25 novembre 2015, n° 14-24444).

Depuis cette décision 25 novembre 2015, la Cour de cassation a opéré une modification de l’obligation à la charge de l’employeur, qui devient une obligation sécurité de moyens et non plus de résultat.

Santé et sécurité au travail : la responsabilité des managers d’équipes

Cette obligation de prévention en matière de santé et sécurité des salariés s’applique aussi aux managers, et pas au seul employeur.

Ainsi, le management par la peur peut constituer un manquement de l’employeur à son obligation de prévention (Cass. soc. 06.12.2017 :  no 16-10.885).

Est justifié un licenciement pour faute grave d’un manager qui faisait preuve d’abus d’autorité à l’égard d’un salarié en situation de faiblesse, suite à un arrêt maladie sur le fondement de l’atteinte à la santé (CA Douai 26.02.2010 : no 09-1253).

L’arrêt du 23 octobre 2019 (Cass. Soc. 23.10.2019 : n° 18-14260) est une nouvelle illustration de l’application stricte de l’article L 4121-1 du Code du travail par les juges.

La Cour de cassation y confirme le principe selon lequel l’employeur est tenu d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs, même durant les stages d’entreprise ou « team building » comportant des épreuves à risque.

Dans cette affaire, un manager avait organisé pour son équipe de cadres un « team building » (stage d’entreprise de cohésion d’équipe), assuré par un prestataire.

L’une des épreuves consistait à « casser tour à tour une bouteille en verre enroulée dans une serviette à l’aide d’un marteau, à déposer le verre brisé sur un morceau de tissu étendu au sol et à faire quelques pas sur le verre ainsi brisé pieds nus ».

Tous les salariés s’y sont soumis, à l’exception de l’un d’entre eux.

Ce collaborateur avait en effet refusé d’y participer, après être « sorti de la salle en larmes » et avoir été « obligé de donner les raisons de son refus devant l’assemblée », du fait qu’il était porteur d’une pathologie, pouvant entraîner des risques d’infection pour les participants.

Il avait dès le lendemain alerté le médecin du travail et la responsable RH, en faisant part de son mal-être vécu lors de ce team building et de la crainte de représailles de son manager sur son bonus annuel.

Par la suite, après enquête interne, l’employeur a licencié le manager en charge de l’organisation du « team building » pour faute grave.

Le manager a saisi la juridiction prud’homale, pour contester la mesure de licenciement, en faisant valoir qu’il n’avait fait que suivre les instructions de l’employeur en organisant ce team building avec l’aide d’un prestataire référencé par lui.

Ni les juges du fond, ni la Cour de cassation ne lui donnent raison.

Selon les juges, au regard de la nature particulière de l’épreuve et du mal-être exprimé par un collaborateur, le manager aurait dû immédiatement interrompre l’épreuve.

Or, en n’intervenant pas durant l’épreuve pour préserver l’intégrité physique et psychique de ses collaborateurs, le manager a manqué à son obligation de sécurité.

La Cour de Cassation rappelle qu’il incombe à chaque salarié de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail (c. trav. art. L. 4122-1).

En l’espèce la faute du salarié avait consisté à ne pas intervenir durant le stage pour préserver l’intégrité physique et psychique de ses collaborateurs, en méconnaissance de ses obligations en matière de santé et de sécurité.

Cet arrêt est très intéressant en ce qu’il permet bien de comprendre que ce n’est pas tant l’organisation de l’activité dangereuse qui est en cause et qui représente la faute.

C’est bien le manque de vigilance du manager à prendre en compte la santé de son équipe au moment de l’activité à risque, et surtout son absence de discernement en n’ayant pas interrompu l’activité.

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 23 octobre 2019 : RG n° 18-14260

Cour de cassation, chambre sociale, arrêts du 6 décembre 2017 : RG n°16-10885, 16-10886, 16-10887, 16-10888, 16-10889, 16-10890, 16-10891

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 25 novembre 2015 : RG n°14-24444

Cour d’Appel de Douai, chambre sociale, arrêt du 26 février 2010 : no 09-1253

Par Maitre Virginie LANGLET le 13 décembre 2019

Avocat au Barreau de Paris

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