Rupture conventionnelle : le salarié doit recevoir son exemplaire signé par l’employeur

La rupture conventionnelle est nulle si le salarié n’a pas reçu son exemplaire dûment signé par l’employeur. Or la mention selon laquelle la convention a été établie en deux exemplaires ne fait pas présumer sa remise au salarié (Cass. Soc. 03.07.2019 n°18-14414 et 17-14232).

La rupture conventionnelle : le mode amiable de rupture du contrat de travail

Si un employeur et un salarié sont d’accord pour rompre le contrat de travail, seule la voie de la rupture conventionnelle leur est ouverte, sauf dispositions légales contraires (Cass. soc. 15 octobre 2014, n° 11-22251 ; Cass. soc. 21 décembre 2017, n° 16-12780).

La rupture conventionnelle est prévue par les articles L 1237-11 et suivants du code du travail

La rupture conventionnelle n’est possible que pour la rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

Les étapes de la procédure de rupture conventionnelle

La procédure de rupture conventionnelle comporte différentes étapes.

  • L’entretien de signature de la convention de rupture

L’employeur doit adresser une convocation à son salarié, pour un entretien de signature de rupture conventionnelle.

Lors de cet entretien, l’employeur et le salarié trouvent un accord sur le principe et le montant de la rupture du contrat de travail.

Lors de cet entretien, tant l’employeur que le salarié peuvent se faire assister, dans les mêmes conditions qu’un entretien préalable à licenciement.

  • La signature de la rupture conventionnelle par l’employeur et le salarié.

La convention de rupture, sous forme de formulaire cerfa n° 14598*01 doit comporter les éléments suivants :

  • la date de fin du contrat
  • le montant inscrit en chiffres et en lettres de l’indemnité versée au salarié. Cette indemnité de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieure au montant de l’indemnité de licenciement.
  • La date et la signature de l’employeur et du salarié accompagnées de la mention « lu et approuvé» (Cass. soc. 27.03.2019, n° 17-23586).

Chaque partie doit conserver un exemplaire signé du formulaire cerfa de rupture conventionnelle, qui est établie en 3 exemplaires : un pour le salarié, un pour l’employeur et un pour la DIRECCTE.

  • Le délai de rétractation

Dès le lendemain de la signature de la convention, l’employeur et le salarié bénéficient chacun d’un délai de 15 jours calendaires pour se rétracter (art. L1237-13 c. trav.).

Ce délai débute le lendemain du jour de la signature et s’achève le 15e jour à minuit.

Durant ce délai, le salarié tout comme l’employeur peuvent exercer leur droit de rétractation, et renoncer au bénéfice de la rupture conventionnelle. Il informe l’autre par lettre (recommandée avec AR par souci de preuve).

Pour se rétracter de la rupture conventionnelle, il faut envoyer la lettre de rétractation avant l’expiration du délai de 15 jours calendaires. C’est la date d’envoi de la lettre de rétractation qui compte et non la date de sa réception par l’autre partie (Cass. Soc. 19.06.2019 : RG n° 18-22897).

Si aucune des parties n’a exercé son droit de rétractation, l’employeur – ou la partie la plus diligente, doit au lendemain du terme de ce délai de rétractation, adresser un exemplaire de la convention à la DIRECCTE, aux fins d’homologation.

  • L’homologation par la DIRECCTE.

La DIRECCTE dispose d’un délai de 15 jours ouvrables pour se prononcer.

La date d’échéance de ce délai d’instruction est celle à laquelle l’employeur et le salarié reçoivent de manière effective le courrier de l’administration (Cass. Soc. 16.12.2015 : n°13-27212).

Une fois passé le délai d’instruction, l’absence de décision explicite de la DIRECCTE vaut acceptation de la convention de rupture conventionnelle.

Le contrat de travail est alors rompu et le salarié sort des effectifs de l’entreprise.

De l’importance de la remise de l’exemplaire de rupture conventionnelle signée au salarié

La Cour de cassation a déjà précisé que l’employeur doit remettre un double du formulaire au salarié. A défaut, la rupture conventionnelle est nulle et a les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 06.02.2013, n° 11-27000).

L’importance de la remise d’un exemplaire dûment signé par l’employeur est une formalité fondamentale.

En effet, ce n’est qu’avec ce formulaire que le salarié aura la possibilité, tout comme l’employeur, de demander l’homologation de la rupture auprès de la DIRECCTE.

La seconde importance réside dans le fait que c’est grâce à ce formulaire dûment signé que le salarié peut décider en pleine connaissance de cause s’il exerce ou non son droit de rétractation puisque le formulaire rappelle tous les points négociés lors de l’entretien (c. trav. art. L. 1237- 13 et L. 1237-14).

C’est la condition de la liberté de consentement du salarié à la rupture de son contrat de travail.

C’est en ce sens que la Cour de Cassation a confirmé sa position, dans le 1er arrêt du 3 juillet 2019 (Cass. Soc. 03.07.2019 n°17-14232).

La sanction de la remise au salarié d’un exemplaire de rupture conventionnelle non signé par l’employeur

Dans un second arrêt du 3 juillet 2019 (Cass. Soc. 03.07.2019 n°18-14414), la Cour de cassation est allée encore plus loin dans son raisonnement, en considérant que le fait de remettre au salarié un exemplaire de rupture conventionnelle non signé par l’employeur, revient à ne pas lui remettre son exemplaire.

Et cela même si le formulaire indique que la rupture conventionnelle a été établie en deux exemplaires.

La rupture conventionnelle est annulée et est requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans cette affaire, un salarié occupé au poste de vendeur avait signé une rupture conventionnelle de son contrat de travail avec son employeur.

Mais il avait saisi le conseil de prud’hommes pour faire annuler la rupture conventionnelle au motif que l’exemplaire qui lui avait été remis ne comportait pas la signature de l’employeur.

La cour d’appel estime qu’il y a une présomption de remise de l’exemplaire au salarié, comportant la signature de l’employeur.

Faux dit la Cour de Cassation.

Elle fait valoir au contraire que seule la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signé des deux parties lui permet de demander l’homologation de la convention et d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause.

En cas de contentieux, c’est à l’employeur de prouver la remise de son exemplaire au salarié. Il faut pouvoir constater qu’un exemplaire de la convention de rupture avait été remis au salarié (Cass. soc. 03.07.2019, n° 18-14414 précité).

Il est donc vivement recommandé aux employeurs de prendre toutes leurs précautions et se constituer une preuve de cette remise de l’exemplaire signé au salarié (par exemple : contre décharge).

En tout état de cause, la rupture conventionnelle n’est pas un exercice qui peut être improvisé par les employeurs. Afin d’éviter tout risque prud’homal, il est vivement conseillé aux employeurs de se faire accompagner d’un avocat, qui a la maitrise du contentieux prud’homal et saura le mieux à même d’éviter les pièges.

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 3 juillet 2019 : RG n° 18-14414

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 3 juillet 2019 : RG n° 17-14232

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 19 juin 2019 : RG n°18-22897

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 6 février 2013 : RG n° 11-27000

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 16 décembre 2015 : RG n°13-27212

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 21 décembre 2017 : RG n° 16-12780

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 27 mars 2019 : RG n° 17-23586

Par Maitre Virginie LANGLET le 16 juillet 2019

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

www.cabinet-avocats-langlet.fr

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