Refuser d’être «fun» en entreprise n’est pas un motif de licenciement

Peut-on licencier un salarié qui refuse la politique l’entreprise basée sur le partage de la valeur « fun and pro » ?

La réponse est non.

Par son refus de participer à ces excès, le salarié ne fait qu’user de sa liberté d’expression et d’opinion (Cass. soc. 09.11.2022, n° 21-15208).

Le salarié refusait les méthodes managériales « fun and pro »

Dans cette affaire, le salarié avait été licencié pour insuffisance professionnelle.

Son employeur lui reprochait de refuser d’appliquer la politique de l’entreprise.

Il lui reprochait aussi de critiquer des décisions des associés.

L’employeur lui reprochait son refus de se conformer aux méthodes de management des associés.

Ces méthodes pour le moins particulières, étaient basées sur :

  • des équipes de petite taille au sein desquelles la coopération par des échanges fréquents était valorisée ;
  • le partage des valeurs « fun » et « pro » par tous les salariés de l’entreprise (qui étaient reprises sur le site internet de la société) ;
  • la participation à la célébration des succès ;
  • le partage de ses passions personnelles.

Ces méthodes ne plaisaient pas au salarié.

Dans ce contexte, l’employeur lui reprochait de faire preuve de rigidité, de manque d’écoute, d’utiliser un ton parfois cassant et démotivant vis-à-vis de ses subordonnés et enfin de ne pas accepter le point de vue des autres.

Quelles étaient les méthodes managériales contestées par le salarié ?

Le salarié licencié avait saisi la juridiction prud’homale et contestait le licenciement.

Il exposait devant les juges les méthodes qui ne lui plaisaient pas.

Selon lui, le prétendu « fun and pro » revenait à l’obligation de participer à des séminaires et des pots de fin de semaine.

Il exposait aussi que les associés de la société encourageaient une alcoolisation excessive à l’occasion de ces événements en fournissant de très grandes quantités d’alcool.

Les associés prônaient également des pratiques liant promiscuité, brimades et incitation à divers excès et dérapages (simulacres d’actes sexuels, obligation de partager son lit avec un autre collaborateur lors des séminaires, usage de sobriquets pour désigner les personnes et affichage dans les bureaux de photos déformées et maquillées).

Ce qui ne plaisait pas au salarié en cause, qui l’avait fait savoir.

L’usage de la liberté d’expression sans abus

Le licenciement a été approuvé par la Cour d’appel, qui n’a pas reconnu l’usage de la liberté d’expression et d’opinion dans le refus du salarié d’appliquer ses méthodes qui ne lui convenaient pas.

Le salarié licencié a alors porté son affaire devant la Cour de cassation, qui lui a donné raison.

Il faisait valoir que son refus d’adhérer aux valeurs de l’entreprise, son désaccord sur les méthodes de management des associés et ses critiques de leurs décisions relevaient bien de sa liberté d’opinion et d’expression.

La Cour de cassation est du même avis que lui (Cass. soc. 09.11.2022, n° 21-15208).

Elle rappelle le sacro-saint principe de la liberté d’expression des salariés dans l’entreprise, dans la limite de l’abus.

Pour la Haute juridiction, un salarié qui ne fait qu’user de cette liberté, sans en abuser, ne peut pas être licencié.

Le licenciement est donc nul en raison de la violation de la liberté d’expression qui est une liberté fondamentale.

Par Maitre Virginie LANGLET le 12 décembre 2022

Avocat au Barreau de Paris

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