Qui peut signer la lettre de licenciement ?

Une personne étrangère à l’entreprise ne peut pas signer la lettre de licenciement

La signature pour ordre de la lettre de licenciement au nom de l’employeur par une personne étrangère à l’entreprise ne peut être admise (Cass. Soc. 26.04.2017 : RG n° 15-25204).

La notification du licenciement

Quels que soient l’effectif de l’entreprise, le nombre de salariés concernés, l’ancienneté de ceux-ci et le motif du licenciement (économique, personnel, disciplinaire ou non disciplinaire), l’employeur qui, à l’issue de l’entretien préalable au licenciement décide de procéder au licenciement du salarié doit notifier sa décision à l’intéressé.

Pour mémoire, la notification du licenciement ne peut jamais intervenir moins de 2 jours ouvrables après la date fixée pour l’entretien préalable au licenciement (article L 1232-6 c. trav.)

Si un délai minimum est fixé par la loi, aucun délai maximal n’est imposé, sauf en cas de licenciement disciplinaire où la notification ne peut intervenir au-delà de 1 mois après le jour fixé pour l’entretien (article L 1332-2 c. trav. ; Cass. soc. 16.03.1995, n°90-41213), même si le salarié ne s’est pas présenté à cet entretien (Cass. soc. 14.09.2004, n°03-43796) et même si l’employeur invoque la nécessité de procéder à des investigations supplémentaires en raison des déclarations du salarié au cours de l’entretien (Cass. soc. 25.10.2006, n°04-46508).

Le contenu de la lettre de licenciement

En application de l’article L 1232-6 du code du travail, quel que soit le motif du licenciement (économique, personnel et, dans ce dernier cas, disciplinaire ou non), la lettre de licenciement doit être motivée, c’est-à-dire explicite sur les motifs justifiant cette mesure. La motivation doit être précise et vérifiable par le juge.

Les motifs invoqués dans la lettre de licenciement lient l’employeur et le juge : en cas de litige, l’employeur ne peut en invoquer de nouveaux, ni le juge en examiner d’autres. Ainsi, un juge ne saurait prendre en compte un motif supplémentaire invoqué dans une lettre postérieure au licenciement (Cass. soc. 19.03.2008, n°06-45330 ; Cass. soc. 09.03.2011, n° 09-65441). Même si la question du défaut de motivation de la lettre de licenciement n’a pas été soulevée par le salarié, en cas de procédure, elle est inévitablement dans le débat.

Il appartient donc au juge de rechercher, au besoin d’office, en respectant le principe du contradictoire, si la lettre de licenciement énonce le ou les motifs de licenciement (Cass. soc. 26.05.1999, n°97-40803). Un employeur peut invoquer, dans une lettre de licenciement, plusieurs motifs de rupture inhérents à la personne du salarié (ex. : faute grave et inaptitude), à la double condition que :

  • D’une part, ceux-ci procèdent de faits distincts,
  • Et d’autre part que l’employeur respecte les règles de procédure applicables à chacun (Cass. soc. 23.09.2003, n°01-41478).

L’employeur est alors tenu de prendre en considération la cause première et déterminante du licenciement (Cass. soc. 27.03.2001, n°99-42472).

Le formalisme de la lettre de licenciement

L’employeur doit notifier par écrit sa décision de licencier le salarié. Le licenciement verbal est sans cause réelle et sérieuse, faute de motif consigné par écrit (Cass. soc. 23.06.1998, n°96-41688). Il est impossible de régulariser a posteriori un licenciement verbal (Cass. soc. 09.03.2011, n°09-65441).

L’employeur doit notifier son licenciement à l’intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) (articles L1232-6 ; L1233-15 et L1233-42 c. trav.). La LRAR n’est pas une formalité substantielle mais elle permet de prévenir toute contestation sur la date de notification du licenciement (Cass. soc. 16.06.2009, n°08-40722). Rien n’interdit à l’employeur d’envoyer la lettre de notification en courrier simple ou de la remettre en main propre (avec ou sans décharge). Toutefois, en cas de litige, l’employeur devra prouver que le salarié a eu connaissance de la notification. À défaut, le licenciement sera considéré comme verbal.

L’auteur de la lettre de licenciement

Pour être régulière, la lettre de licenciement doit être signée par l’employeur lui-même ou par une personne de l’entreprise (ou, sous certaines conditions, du groupe) ayant reçu une délégation de pouvoir pour conclure et rompre les contrats de travail (ex. : le DRH). La délégation de pouvoirs n’est pas obligatoirement écrite ; elle peut découler des fonctions du délégataire (ex. : un DRH). Pour autant, lorsqu’un écrit existe, son contenu pose les limites de la délégation de pouvoirs. Par conséquent, si celle-ci dote le délégataire des seuls pouvoirs de recrutement et de signature des contrats de travail, le licenciement prononcé par le délégataire est sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 02.03.2011, n°08-45422). De la même manière, la notification du licenciement doit émaner de l’employeur ou de son représentant, c’est-à-dire de la personne qui a reçu mandat pour licencier le personnel.

L’employeur ne peut pas mandater une personne étrangère à l’entreprise pour notifier le licenciement. Si la lettre est signée par une personne étrangère à l’entreprise, la procédure est, dans ce cas, irrégulière (Cass. soc. 26.03.2002 n°99-43155).

Par exemple, un directeur du personnel de la société mère mandaté pour procéder au licenciement d’un salarié d’une filiale n’est pas une personne étrangère à l’entreprise (Cass. soc. 19.01.2005, n°02-45675). En revanche, l’expert-comptable de l’entreprise est un étranger à l’entreprise et n’est donc pas habilité pour signer la lettre notifiant le licenciement. La Cour de Cassation a confirmé sa jurisprudence constante dans un arrêt du 26 avril 2017 (Cass. soc. 26.04.2017 : n°15-25204).

En l’espèce, une salariée avait été licenciée mais elle contestait la procédure de licenciement.

En effet, il était rapporté que c’était l’expert-comptable de la société qui avait signé la lettre de convocation à l’entretien préalable, avait mené l’entretien préalable de la salariée et avait signé la lettre de licenciement, tous ces documents étant signés « pour ordre » par ce dernier, sous le nom des gérants.

L’employeur arguait du fait qu’il justifiait d’un mandat donné à l’expert-comptable pour le représenter dans toutes les démarches de licenciement à l’égard de la salariée en cause, pour le compte de la société.

L’employeur arguait du fait que si la finalité même de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour procéder à l’entretien et notifier le licenciement, les documents comportant la mention « po » (pour ordre) ont la valeur de documents rédigés par la personne ayant le pouvoir de signature, qu’ainsi, la lettre de licenciement signée « pour ordre » au nom du gérant est valable.

Pour l’employeur comme pour les juges de la Cour d’appel, la lettre de licenciement était valable.

Les juges du fond ont considéré à tort, que la procédure de licenciement diligentée à l’encontre de la salariée était parfaitement régulière.

Ce n’est pas l’avis de la Cour de Cassation.

La Haute Juridiction a alors estimé que la procédure de licenciement, conduite par l’expert-comptable de l’employeur, personne étrangère à l’entreprise, ce dont il résultait, nonobstant la signature pour ordre de la lettre de licenciement par cette personne à laquelle il était interdit à l’employeur de donner mandat, que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

C’est au visa de l’article L 1232-6 du code du travail que la Haute Juridiction confirme sa jurisprudence constante et rappelle à ce titre que : « Attendu que la finalité même de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour conduire la procédure de licenciement jusqu’à son terme ; qu’il s’ensuit que la signature pour ordre de la lettre de licenciement au nom de l’employeur par une telle personne ne peut être admise ».

Sources :

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 26 avril 2017 : RG n°15-25204

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 10 mars 1995 : RG n°90-41213

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 14 avril 2004 : RG n°04-46508

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 19 mars 2008 : RG n°09-45330

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 9 mars 2011 : RG n°09-65441

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 26 mai 1999 : RG n°97-40803

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 23 septembre 2003 : RG n°01-41478

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 27 mars 2001 : RG n°99-42472

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 23 juin 1998 : RG n°96-41688

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 16 juin 2009 : RG n°08-40722

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 2 mars 2011 : RG n°08-45422

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 26 mars 2002 : RG n°99-43155

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 19 janvier 2005 : RG n°02-45675

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