Prise d’acte, démission, résiliation judiciaire: la rupture volontaire du contrat de travail

Votre employeur ne respecte pas ses obligations contractuelles à votre égard ?

Vous pouvez décider de rompre votre contrat de travail (CDI uniquement) et lui en imputer toute la responsabilité.

Mais attention, cela n’est pas sans risque.

Nous vous expliquons les différentes options et les pièges à éviter.

La prise d’acte : une rupture sans parachute ni allocation chômage

La prise d’acte consiste pour le salarié à rompre unilatéralement son contrat de travail en imputant le motif de cette rupture à son employeur.

Pour que la prise d’acte soit justifiée, il faut que les manquements de l’employeur soient suffisamment graves et qu’ils créent un préjudice au salarié.

Aucun formalisme n’est requis, mais une lettre (LRAR ou remise en main propre avec date certaine) est une précaution recommandée.

La prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié entraîne la cessation immédiate du contrat (Cass. soc. 31 octobre 2006, n° 04-46280 ; Cass. soc. 25 février 2009, n° 06-46436).

Le contrat est rompu, sans préavis, dès la remise de la lettre du salarié.

Le salarié doit saisir le Conseil de prud’hommes dans un délai qui court à compter de la date de sa prise d’acte.

Le Conseil de Prud’hommes devra décider si les faits reprochés à l’employeur étaient suffisamment graves pour justifier la prise d’acte par le salarié.

Et là, deux options :

  • Soit les faits sont suffisamment graves : la prise d’acte est requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou un licenciement nul, le salarié percevra des indemnités ;
  • Soit les faits ne sont pas suffisamment graves : la prise d’acte est requalifiée en une démission.

Les risques de la prise d’acte

Les risques de la prise d’acte sont importants.

Au moment de la prise d’acte, lorsque le salarié quitte l’entreprise après la prise d’acte, il perd son emploi immédiatement et ne perçoit à ce moment-là aucune indemnité : ni indemnité de licenciement, ni indemnité de préavis.

Il ne perçoit non plus aucune allocation chômage : l’employeur établira bien une attestation Pôle Emploi mais indiquera dans la plus grande majorité des cas « départ volontaire ».

Au moment de la décision du Conseil de Prud’hommes, si le CPH requalifie la prise d’acte en une démission, le salarié sera considéré comme démissionnaire définitivement.

Il est toujours préférable de se faire assister par un avocat, qui saura mesurer les chances de succès et vous aidera à monter votre dossier.

La résiliation judiciaire : une rupture longue et aléatoire

Si le salarié constate des manquements graves de la part de l’employeur dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, il peut opter pour la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Il s’agit d’une manière plus sécurisante de quitter volontairement son emploi.

Mais cela n’est pas sans risque.

Par une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, le salarié va saisir le Conseil de prud’hommes afin qu’il prononce la rupture du contrat de travail.

Tant que cette décision n’est pas rendue, le contrat de travail se poursuit et l’employeur comme le salarié doivent continuer à remplir leurs engagements.

Le salarié doit par principe, continuer à travailler.

Si le Conseil de Prud’hommes constate que l’employeur a commis un ou plusieurs manquements rendant impossible la poursuite du contrat de travail, il prononcera la résiliation judiciaire qui entrainera les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou un licenciement nul (Cass. soc. 26 mars 2014, n° 12-21372). 

Le salarié percevra les différentes indemnités afférentes au licenciement sans cause.

Les risques de la résiliation judiciaire

Pendant la durée de la procédure prud’homale, le salarié doit rester en poste. Ce qui peut évidemment poser des difficultés.

Et la procédure prud’homale peut être longue.

Si le Conseil de Prud’hommes tranche en faveur du salarié, tout va bien.

En revanche, si le Conseil de Prud’hommes estime que l’employeur n’a commis aucune faute, ou que ces fautes ne rendent pas impossible la poursuite du contrat de travail, le salarié se retrouvera dans une impasse, tenu de rester dans l’entreprise.

Là encore, il est vivement recommandé de consulter un avocat en droit du travail avant d’engager ce type de procédure.

La démission dite motivée ou avec réserves

La démission consiste pour le salarié à prendre la décision de rompre volontairement son contrat de travail à durée indéterminée.

Le salarié qui motive sa démission par l’attitude fautive de son employeur peut alors saisir le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir la requalification de cette rupture en une prise d’acte de la rupture (Cass. soc. 15 mars 2006, n° 03-45031).

Si le juge va dans le sens du salarié, cette démission requalifiée produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 30 octobre 2007, n° 06-43327).

En revanche, le juge pourra considérer que la démission ne repose pas sur un manquement de l’employeur (Cass. soc. 17 février 2010, n° 08-42490 ; Cass. soc. 7 juillet 2015, n° 14-13834).

Les risques de la démission motivée

Comme toute démission, le risque est de perdre son emploi, après accomplissement d’un préavis, sans indemnité de rupture ni bénéfice des allocations chômage.

Ce risque persistera, si après un recours contentieux, le Conseil de Prud’hommes confirme la légitimité de la démission.

L’abandon de poste ou licenciement provoqué

Enfin, un mot sur l’abandon de poste, qui parfois peut être une option tentante pour les salariés. C’est une manière de provoquer un licenciement.

L’abandon de poste consiste pour le salarié à ne plus se présenter sur son lieu de travail et ne pas répondre aux sollicitations de son employeur pour justifier de son absence ou reprendre ses fonctions.

La plupart du temps, un abandon de poste entraine un licenciement pour faute grave.

Toutefois, cette stratégie comporte des pièges, qui peuvent se retourner contre le salarié : notamment le fait que l’employeur prenne tout son temps pour engager une procédure de licenciement.

Pendant ce temps, le salarié ne perçoit aucune rémunération.

L’abandon de poste doit procéder d’une stratégie bien organisée avec l’aide d’un avocat.

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 31 octobre 2006, n° 04-46280 ;

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 25 février 2009, n° 06-46436

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 26 mars 2014, n° 12-21372

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 15 mars 2006, n° 03-45031

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 17 février 2010, n° 08-42490

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 7 juillet 2015, n° 14-13834

Par Maitre Virginie LANGLET le 10 août 2021

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

www.cabinet-avocats-langlet.fr

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