Pas de tabagisme passif pour un salarié non exposé au tabac dans l’entreprise

L’employeur ne manque pas à son obligation de sécurité si le salarié n’a pas été exposé au tabac puisqu’il n’y a pas de tabagisme passif (Cass. Soc. 15.05.2019 : n°18-15175).

L’obligation de l’employeur de veiller à la santé et sécurité des salariés

L’employeur est tenu, à l’égard de chaque salarié, d’une obligation de sécurité qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé physique et mentale (Cass. soc. 25.11.2015, n° 14-24444).

Il doit donc prendre, entre autres mesures, des mesures de prévention suffisantes dès lors qu’un risque professionnel est identifié (c. trav. art. L. 4121-1 et L. 4121-2).

Si un salarié est exposé à un risque pour sa santé ou sa sécurité, ou lorsqu’un risque se réalise, l’employeur est condamné à verser des dommages-intérêts sauf s’il peut prouver qu’il a pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

La jurisprudence de la Cour de cassation a évolué de manière importante, faisant passer l’obligation de l’employeur d’une obligation de sécurité de résultat à une obligation de sécurité de moyen.

En effet, auparavant, il suffisait qu’un risque se réalise, ou même qu’un salarié soit simplement exposé à un risque pour sa santé ou sa sécurité pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée (Cass. Soc. 11.03.2015 : n°13-18603).

Désormais, la responsabilité de l’employeur n’est pas systématiquement engagée.

L’interdiction du tabac et du vapotage dans l’entreprise

En application des dispositions du Code de la santé publique, articles L 3512-8 et R 3512-2, il est strictement interdit de fumer dans les lieux fermés et couverts qui constituent des lieux de travail (c.santé pub. art. L 3512-8 et R 3512-2).

Sont visés par cette interdiction générale de fumer dans l’entreprise :

  • les locaux communs affectés à l’ensemble du personnel (accueil, réception, locaux de restauration, espaces de repos, lieux de passage, etc.),
  • les locaux de travail, aux salles de réunion ou de formation,
  • les bureaux, même occupés par une seule personne,
  • les locaux clos et couverts affectés à l’ensemble des salariés.

L’interdiction de fumer s’applique aussi bien dans les bureaux collectifs que dans les bureaux individuels.

Des interdictions de fumer spécifiques existent dans certaines entreprises pour des raisons de sécurité (en raison de la présence de substances ou préparations explosives (article R 4227-23 c. trav. et article R 3512-8 c. santé pub.).

Il est recommandé à l’employeur d’inscrire dans le règlement intérieur cette interdiction de fumer.

S’agissant du vapotage en entreprise, la loi de « modernisation de notre système de santé » en prévoit bien l’interdiction (article L 3513-6 et L 3513-19 c. santé pub.).

Les lieux de travail soumis à cette interdiction de vapoter sont les locaux fermés et couverts, recevant des postes de travail et qui sont affectés à un usage collectif (il s’agit en d’autres termes des open-space et des bureaux partagés).

 Les sanctions en cas d’exposition des salariés au tabac

Du fait de son obligation de sécurité, l’employeur a la responsabilité de mettre en œuvre l’interdiction de fumer dans l’entreprise et de la faire respecter. Il dispose, pour ce faire, de son pouvoir d’organisation au sein de l’entreprise et, au besoin, de son pouvoir disciplinaire. Un salarié contrevenant à l’interdiction de fumer peut donc être sanctionné.

Si l’employeur ne respecte pas ses obligations en matière d’interdiction du tabac, le salarié pourrait prendre acte de la rupture de son contrat de travail, celle-ci produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si le manquement de l’employeur est tel qu’il empêche la poursuite du contrat de travail.

Il peut s’agir d’un salarié qui était exposé à la fumée de cigarette :

  • de ses collègues (Cass. soc. 29.06.2005, n° 03-44412) ;
  • des clients d’un bar restaurant, lieu ouvert au public où l’interdiction de fumer s’applique (Cass. soc. 06.10.2010, n° 09-65103).

Dans l’arrêt du 15 mai 2019 (Cass. Soc. 015.05.2019 : n°18-15175), la Cour de cassation apporte une nuance à sa jurisprudence en la matière

Elle considère que le salarié doit avoir été exposé aux fumées de cigarette pour pouvoir prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

Le salarié doit en rapporter la preuve.

En effet, dans cette affaire, une salariée occupant le poste de secrétaire logistique, a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de son employeur et saisi la juridiction prud’homale aux fins de requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle considérait que l’employeur avait manqué à son obligation de protection des salariés contre le tabagisme dans l’entreprise.

Selon elle, l’employeur avait laissé des clients fumer dans les locaux de l’entreprise, à plusierus reprises, pendant les heures de bureau.

La Cour d’appel a débouté la salariée, tout comme la Cour de Cassation.

En effet, si l’employeur avait bien laissé certains clients de l’entreprise fumer dans son enceinte, cela s’était produit dans des locaux où la salariée n’avait jamais accès. Ce que celle-ci avait confirmé.

Dans ces conditions, la Cour de cassation a considéré que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation en matière de protection contre le tabagisme en entreprise.

La prise d’acte doit donc produire les effets d’une démission.

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 15 mai 2019 : RG n°18-15175

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 25 novembre 2015 : RG n°14-24444

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 29 juin 2005 : RG n° 03-44412

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 6 octobre 2010: RG n° 09-65103

Par Maitre Virginie LANGLET

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

www.cabinet-avocats-langlet.fr

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