On ne peut pas tout dire sur Facebook, même sur son compte privé, surtout si l’on porte atteinte aux intérêts de son employeur

Une publication privée sur Facebook obtenue loyalement peut servir de fondement à un licenciement, même s’il y a atteinte à la vie privée du salarié. Mais l’atteinte à la vie privée doit être proportionnée au but poursuivi (Cass. Soc. 30.09.2020 : n°19-12058).

L’arrêt retentissant de cet automne 2020 est bien celui que nous commentons dans ces lignes : une salariée occupant le poste de chef de projet export pour la société Petit Bateau a été licenciée pour faute grave, à cause de ses publications privées sur Facebook.

Que l’employeur lui reprochait-il ?

La salariée avait publié sur son compte Facebook une photographie de la nouvelle collection printemps/été 2015 qui devait être présentée exclusivement aux commerciaux de la société et qui ne devait pas être rendue publique.

L’employeur avait prononcé son licenciement en lui reprochant d’avoir manqué à son obligation contractuelle de confidentialité.

La salariée avait saisi le Conseil de Prud’hommes pour contester son licenciement

Elle affirmait que l’employeur n’était pas autorisé à accéder aux informations extraites d’un compte Facebook de l’un de ses salariés.

L’employeur lui répliquait en indiquant que les publications litigieuses figuraient bien sur le compte Facebook privé de la salariée mais qu’elles lui avaient été rapportées par l’intermédiaire d’un autre salarié de l’entreprise autorisé à y accéder puisqu’il fait partie de ses « amis ».

L’on ne jugera pas ici de la « loyauté » de cet « ami » Facebook, qui n’est pas le sujet de l’arrêt de la Cour de cassation…

Qui a raison ? Qui a tort ?

La salariée qui se prévaut de l’atteinte illicite à sa vie privée ?

Ou l’employeur qui se prévaut d’une atteinte à la vie privée proportionnée au but recherché et au mode de preuve obtenu de manière plus loyale que ne le prétend la salariée sanctionnée ?

Qu’entend ont par loyauté de la preuve ?

Par principe, l’employeur est tenu de respecter le principe de loyauté dans l’administration de la preuve.

Il lui est donc strictement interdit de recourir à un quelconque stratagème pour recueillir une preuve de faits qu’il reproche à un salarié.

À défaut, la preuve employée sera jugée illicite et l’éventuel licenciement prononcé sera sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 4 juillet 2012, n° 11-30266).

Comment une preuve peut-elle être obtenue de manière loyale sur Facebook ?

Dans cette affaire, l’employeur mettait bien en avant la loyauté de la preuve : il n’avait usé d’aucun stratagème puisque la publication lui avait été apportée spontanément par un « ami Facebook » de sa salariée.

La Cour de Cassation a donc validé le mode de procédé de la preuve.

C’est une évolution majeure de la jurisprudence de la Cour de cassation, car elle avait adopté une position inverse dans un arrêt précédent (Cass. soc. 20 décembre 2017, n° 16-19609).

A l’époque la Haute Juridiction avait jugé que les propos d’un salarié, diffusé sur son compte Facebook ne pouvaient pas servir de preuve à l’employeur même si ce dernier y avait eu accès à partir du téléphone professionnel d’un autre salarié, c’est-à-dire, sans procédé déloyal ni manœuvre.

Désormais les « amis Facebook » peuvent être un outil loyal pour licencier les salariés fautifs….

Est-il possible de porter atteinte à la vie privée d’un salarié pour prouver les faits fautifs servant de fondement au licenciement ?

Oui, selon les circonstances…

Selon les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que :

  • cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit (droit à la preuve)
  • et que l’atteinte à la vie privée soit proportionnée au but poursuivi (le but poursuivi étant dans cette affaire la préservation des intérêts de confidentialité de l’entreprise qui ont été bafoués par l’attitude fautive de la salariée sanctionnée).

C’est le principe de base.

Pour la Cour de cassation, il n’y a pas de débat : l’employeur avait bien porté atteinte à la vie privée de la salariée en se servant de publications sur un compte privé du réseau social Facebook.

L’employeur n’était pas autorisé à accéder aux publications privées extraites du compte privé Facebook de sa salariée.

Il y avait bien atteinte à la vie privée de la salariée par l’employeur en ce qu’il n’était pas plus autorisé à accéder à des éléments d’identification des « amis » destinataires de la publication litigieuse.

Mais cette atteinte à la vie privée de la salariée est justifiée pour la Cour de Cassation en l’espèce.

Elle est justifiée par l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi.

Pour résumer : l’employeur avait obtenu loyalement une preuve, même si cette preuve porte atteinte à la vie privée de sa salariée.

Il lui était indispensable d’exercer son droit à la preuve dans le cadre du conflit l’opposant à sa salariée, afin de démontrer la gravité des faits qui avaient servi de motif au licenciement pour faute grave.

Et pour l’employeur, l’atteinte à la vie privée de la salariée est un « mal » proportionnel au but bien légitime qu’il poursuit : défendre ses intérêts légitime, c’est-à-dire, la confidentialité de ses affaires.

Ce que valide la Cour de Cassation.

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 30 septembre 2020 : RG n° 19-12058

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 4 juillet 2012 : RG n° 11-30266

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 20 décembre 2017 : RG n° 16-19609

Par Maitre Virginie LANGLET le 5 octobre 2020

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

www.cabinet-avocats-langlet.fr

Partagez :