Licencier un salarié en burn-out est discriminatoire

Le licenciement d’un salarié quelques jours après avoir été informé de la dégradation de son état de santé en raison de ses conditions de travail est discriminatoire (Cass. Soc. 5 février 2020 : n°18-22399).

Cette décision est l’occasion de revenir sur les problématiques de stress au travail, burn-out, obligation de l’employeur en matière de santé et sécurité dans l’entreprise et enfin de discrimination liée à l’état de santé des salariés.

Burn-out et stress lié au travail : obligation de prévention à la charge de l’employeur

Le burn-out est le nom donné au syndrome d’épuisement professionnel.

Sous réserve de remplir certaines conditions, le burn-out, au même titre que les pathologies psychiques imputables à une activité professionnelle, peut-être reconnu comme une maladie d’origine professionnelle.

Le burn-out rejoint également la notion de stress lié au travail.

C’est l’accord national interprofessionnel (ANI) du 2 juillet 2008 qui fournit un cadre pour faire face aux problèmes de stress lié au travail (étendu par arrêté du 23 avril 2009, JO 6 mai).

Tous les employeurs doivent appliquer les dispositions de l’ANI sur le stress au travail quelle que soit la taille de l’entreprise et son domaine d’activité, en raison du fait que tous les salariés sont concernés, quel que soit leur contrat de travail (CDI, CDD, etc) et quel que soit le type de relation contractuelle (intérim, entreprise sous-traitante, etc).

Le stress survient lors d’un déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que son environnement lui impose et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. La personne peut gérer la pression à court terme, mais a de grandes difficultés face à une exposition prolongée ou répétée à des pressions intenses. 

L’employeur a l’obligation :

  • D’identifier le stress lié au travail,
  • D’analyser les facteurs de stress dans son entreprise,
  • De prendre des mesures de prévention, d’élimination ou à défaut, de réduction du stress,
  • Enfin, d’évaluer l’efficacité de ses mesures de lutte contre le stress. 

Burn-out et obligation de l’employeur en matière de santé et sécurité au travail

Le burn-out ou symptôme d’épuisement professionnel, lorsqu’il survient, met en lumière les manquements de l’employeur en matière de santé et sécurité des salariés dans l’entreprise.

En effet, pour rappel, l’employeur est tenu, à l’égard de chaque salarié de l’entreprise, d’une obligation de sécurité qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé physique et mentale (Cass. soc. 25 novembre 2015, n°14-24444).

Il doit donc prendre des mesures de prévention suffisantes dès lors qu’un risque professionnel est identifié (c. trav. art. L. 4121-1 et L. 4121-2). Ces mesures de prévention doivent même être prévues avant toute manifestation d’un risque (consultation du CSE ou avant le CHSCT, consultation de la médecine du travail, document unique d’évaluation des risques, etc).

L’obligation de sécurité de l’employeur s’applique en matière de harcèlement moral, de harcèlement sexuel et de violences physiques ou morales. 

L’obligation de prévention des risques professionnels qui inclue les risques psychosociaux, est distincte de l’interdiction du harcèlement moral.

Ce sont deux obligations différentes, parfois complémentaires, mais qui peuvent être sanctionnées indépendamment en cas de manquement de l’employeur.

Ainsi, l’employeur peut tout à fait être condamné à verser des dommages-intérêts pour manquement à la première sans qu’un harcèlement moral soit établi par ailleurs (Cass. soc. 6 décembre 2017, n°16-10885, 16-10886, 16-10887, 16-10888, 16-10889, 16-10890, 16-10891).

Si un salarié est exposé à un risque pour sa santé ou sa sécurité, ou lorsqu’un risque se réalise, l’employeur est condamné à verser des dommages-intérêts sauf s’il peut prouver qu’il a pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (Cass. soc. 25 novembre 2015, n°14-24444).

Définition de la discrimination

L’article L 1132-1 du Code du travail précise les motifs de discrimination prohibés :

« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, […] en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap ».

Le principe général d’interdiction des discriminations ne fait pas obstacle aux différences de traitement lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée (c. trav. art. L. 1133-1).

En revanche, la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable, sur le fondement d’un critère discriminatoire prohibé, constitue une discrimination directe.

Comment est sanctionnée la discrimination

Tout acte ou toute clause discriminatoire est réputé nul et non avenu (c. trav. art. L. 1132-4 et L. 1142-3).

Le salarié victime de pratiques discriminatoires prohibées doit être replacé dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n’avait pas eu lieu.

Le licenciement qui a un motif discriminatoire (ex. : en raison de l’état de santé) est nul (c. trav. art. L. 1132-1 et L. 1132-4).

Cette nullité du licenciement entraîne de plein droit la réintégration sur demande du salarié. La réintégration s’impose à l’employeur, sauf impossibilité matérielle (c. trav. art. L. 1235-3-1).

Le salarié réintégré a droit au versement des salaires perdus entre son licenciement et sa réintégration (Cass. soc. 25 janvier 2006, n° 03-47517 mais des congés payés sur cette période.

Enfin, si le salarié ne demande pas sa réintégration ou si celle-ci est jugée matériellement impossible, il peut obtenir les indemnités suivantes (c. trav. art. L. 1235-3-1) :

  • les indemnités de rupture : indemnités de licenciement (indemnité légale ou conventionnelle), indemnités de préavis ;
  • en cas d’irrégularité de la procédure de licenciement, la réparation du préjudice lié à cette irrégularité soit par une indemnité distincte, soit par une somme comprise dans l’évaluation globale du préjudice résultant de la nullité du licenciement (Cass. soc. 23 janvier 2008, n° 06-42919) ;
  • des dommages-intérêts réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant, souverainement apprécié par les juges du fond, est au moins égal à 6 mois de salaire quels que soient l’ancienneté du salarié et l’effectif de l’entreprise (Cass. soc. 9 octobre 2001, n° 99-44353 ; Cass. soc. 14 avril 2010, n° 09-40486).

L’interdiction de discriminer un salarié en raison de son état de santé

La Cour de cassation a réaffirmé, dans un arrêt du 5 février 2020 (Cass. Soc. 5 février 2020 : n°18-22399) le principe de l’interdiction de licencier un salarié en raison de son état de santé.

Cette affaire est particulièrement intéressante et méritait que l’on s’y attarde.

En l’espèce, un salarié occupé au poste de directeur business France, a été licencié pour insuffisance professionnelle après 25 ans d’ancienneté.

Dans le cadre d’une auto-évaluation remplie, il avait sollicité un meilleur équilibre entre sa vie privée et sa vie professionnelle.

Il avait adressé un courriel à ses responsables hiérarchique et fonctionnel leur indiquant qu’il avait été arrêté pour burn-out avant ses congés d’été et qu’il avait décidé de reprendre le travail avec mise en place en parallèle d’une démarche volontaire d’accompagnement, malgré les conseils de son médecin visant à prolonger son arrêt.

L’employeur avait malgré toutes ces alertés, décidé d’engager une procédure de licenciement huit jours après avoir reçu un courriel du salarié l’informant de ses difficultés de santé en relation avec ses conditions de travail.

Le motif sur lequel reposait le licenciement était l’insuffisance professionnelle. Le salarié, étonnamment, se voyait reprocher la « non-réalisation du budget », un « manque de communication », et le fait qu’il « n’y était plus » selon les dires de ses responsables.

Le salarié avait saisi le Conseil de Prud’homme pour contester le licenciement qu’il estimait discriminatoire et prononcé uniquement en raison de son état de santé au regard de ses alertes récentes.

Il demandait donc au juge prud’homal de prononcer la nullité du licenciement, sa réintégration et le versement d’une indemnité en réparation du préjudice subi au cours de la période s’étant écoulée entre son licenciement et sa réintégration

Si la Cour d’appel le déboute, ce n’est pas l’analyse de la Cour de cassation, qui a estimé que d’une part le licenciement pour insuffisance professionnelle n’est pas justifié, et que d’autre part, que le salarié présentait bien des éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination en raison de son état de santé.

Ce qui a surtout joué en faveur du salarié c’est bien la chronologie des faits : la procédure de licenciement engagée 8 jours à peine seulement après l’alerte sur ses conditions de travail très dégradées et l’impact sur son état de santé.

Cette décision est donc logique et doit pousser les employeurs à la plus grande vigilance à l’égard de leurs salariés.

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 5 février 2020 : RG n° 18-22399

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 25 novembre 2015 : RG n° 14-24444

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 25 janvier 2006 : RG n° 03-47517

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 9 octobre 2001 : RG n° 99-44353

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 14 avril 2010 : RG n° 09-40486

Par Maitre Virginie LANGLET le 19 février 2020

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

www.cabinet-avocats-langlet.fr

Partagez :