La Cour d’appel de Grenoble a écarté le barème Macron d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse et a octroyé des dommages et intérêts conformes au préjudice subi (CA Grenoble, chambre sociale section B, 30 sept 2021 : n°20/02512).
Sommaire
Rappel sur le débat autour de l’indemnisation du licenciement sans cause réelle ni sérieuse avant/après le « barème Macron »
Nous avons eu l’occasion d’exposer dans ces pages tout le débat qui dure depuis 2017 autour de l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse depuis l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017 qui a instauré un barème.
Retrouvez toutes nos explications ici.
Le juge prud’homal doit respecter un barème de dommages et intérêts (c. trav. art. L. 1235-3 nouveau).
Ce barème se matérialise par des tranches d’indemnisation, qui varient selon l’ancienneté du salarié -et la taille de l’entreprise s’agissant des TPE.
Il est tenu compte de l’effectif de l’entreprise pour le plancher du barème.
La Cour d’appel de Grenoble refuse le barème Macron le 30 septembre 2021
Le débat autour de l’application ou non de ce barème strict d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse semble se poursuivre.
Et c’est la Cour d’appel de Grenoble qui fait opposition cette fois, après la Cour d’appel de Paris le 16 mars 2021 (CA Paris, Pole 6 ch. 11, 16 mars 2021 : n°19/08721).
Dans l’affaire jugée à Grenoble, un salarié occupait le poste de préparateur de commandes.
Il effectuait donc des tâches impliquant de la manutention manuelle.
Le médecin du travail avait signalé les problèmes de santé subis et avait émis des recommandations.
L’employeur ne les avaient pas suivies et l’état de santé du salarié s’était progressivement dégradé.
La santé du salarié s’était dégradée au fil du temps.
Pour finir, le salarié avait été licencié en avril 2018 sur le motif suivant : ses absences répétées été imprévisibles entrainaient la désorganisation du fonctionnement de l’entreprise rendant nécessaire son remplacement définitif.
Le salarié avait saisi le conseil de prud’hommes pour contester le licenciement.
Il avait obtenu gain de cause.
L’employeur avait été condamné à lui verser des dommages et intérêts à hauteur de 12 962 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 15 000 € au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
L’employeur avait fait appel de cette décision.
La Cour d’appel a alors confirmé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Pour les juges, le licenciement avait pour cause les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité ayant contribué à dégrader la santé du salarié.
Les juges d’appel ont refusé de se cantonner au barème d’indemnisation Macron.
Pour la petite histoire, le barème Macron aurait entrainé la condamnation de l’employeur à verser 10 mois de salaire à titre de dommages et intérêts.
Mais les juges ont estimé que ce montant d’indemnisation était insuffisant et ne permettait pas une réparation adéquate au regard du préjudice subi.
Les motifs qui ont conduit les juges à dépasser le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse sont les suivants :
Le salarié justifiait :
- de difficultés financières importantes après son licenciement,
- de l’expulsion de son logement en cours,
- d’un état dépressif,
- et de la reconnaissance du statut de travailleur handicapé.
La Cour a fondé sa décision sur la convention 158 de l’OIT (art. 10) qui prévoit que les juges amenés à apprécier la situation du salarié licencié peuvent ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.
La Cour s’est également appuyée sur la charte sociale européenne (art. 24) qui consacre le « droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».
Là où le plafond du barème aurait conduit l’employeur à payer 18 500€, ce dernier a été condamné à verser 23 000 €.
Ce qu’il faut retenir :
Les fondements :
- L’article 10 de la convention 158 de l’OIT sert de fondement pour la 2ème fois aux juges pour écarter le barème Macron.
- L’article 24 de la charte sociale européenne
Les préjudices subis par le salarié du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans cette affaire, les préjudices sont de différentes nature et ont lourdement pesé en faveur de cette décision. Les juges ont estimé que le plafond du barème ne compensait pas les différents préjudices subis.
C’est donc une analyse au cas par cas.
Sources :
Cour d’appel de Grenoble, chambre sociale section B, arrêt du 30 septembre 2021 : RG n°20/02512
Cour d’appel de Paris, Pôle 6 chambre 11, arrêt du 16 mars 2021 : RG n°19/08721
Cour de cassation, assemblée plénière, avis du 17 juillet 2019 : n° 19-70010 et n° 19-70011
Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, art. 2, JO du 23
Article L. 1235-3 du Code du travail
Conseil d’Etat, arrêt du 7 décembre 2017 : n° 415243
Conseil constitutionnel, décision 2018-761 DC du 21 mars 2018, JO du 31
Circulaire du Ministère de la justice du 26 février 2019
Par Maitre Virginie LANGLET le 11 octobre 2021
Avocat au Barreau de Paris
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