Licenciement économique et priorité de réembauche : la fin du préjudice automatique

L’omission dans la lettre de licenciement de la priorité de réembauche et de ses conditions de mise en œuvre pour permettre au salarié d’en bénéficier n’entraine plus pour le salarié licencié un préjudice automatique : le salarié doit démontrer son préjudice (Cass. Soc. 30.01.2019 : n°17-27796).

Définition du licenciement pour motif économique

En application de l’article L 1233-3 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique, celui effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs :

  • non inhérents à la personne du salarié ;
  • résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail refusée par le salarié  ;
  • consécutifs notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou à la cessation d’activité de l’entreprise.

Ces trois critères sont cumulatifs.

Le motif économique ne doit pas cacher un motif personnel. Il peut, par exemple, s’agir d’une situation dans laquelle l’employeur prend prétexte de difficultés économiques pour licencier un ou plusieurs salariés auxquels il est en réalité reproché une insuffisance professionnelle (Cass. soc. 05.05.1999, n° 98-40964).

La cause invoquée doit pouvoir être établie. En principe, il est nécessaire de se placer, à cet effet, à la date du licenciement.

La procédure de licenciement pour motif économique

La procédure de licenciement pour motif économique n’est pas l’objet de cet article. Nous avons déjà eu l’occasion de l’expliquer dans ce blog.

Pour mémoire et de manière très succincte, nous dirons que la procédure de licenciement varie selon le nombre de salariés visés par cette mesure (licenciement individuel, petit licenciement collectif, grand licenciement collectif).

Les mesures communes à toutes ces procédures sont les suivantes :

  • La première mesure porte sur l’établissement des critères d’ordre des licenciements.

L’obligation pour l’employeur d’identifier, au sein de la catégorie professionnelle concerné par la suppression de poste, le salarié qui sera effectivement licencié. Pour cela, il doit appliquer les critères d’ordre des licenciements fixés par la convention collective ou par un accord d’entreprise ou d’établissement (c. trav. art. L. 1233-5 et L. 1233-7).

En l’absence de critères conventionnels, l’employeur fixe lui-même l’ordre des licenciements, en fonction des paramètres légaux (charges de famille, ancienneté, etc.) et après consultation du comité d’entreprise (CE) ou, à défaut, des délégués du personnel (DP) (CSE).

  • La seconde obligation pour l’employeur est la recherche de reclassement préalable.

L’employeur doit proposer au salarié désigné par les critères d’ordre des licenciements les postes disponibles en France dans l’entreprise, voire, le cas échéant, dans le groupe (au sens du comité de groupe). Ce n’est que si le reclassement est impossible – parce qu’il n’y a pas de postes disponibles ou parce que l’intéressé a décliné les propositions qui lui ont été faites – que l’employeur peut licencier l’intéressé.

Lettre de licenciement et priorité de réembauchage

En matière de licenciement pour motif économique, la lettre de licenciement doit mentionner impérativement la priorité de réembauchage dont bénéficie le salarié (c. trav. art. L. 1233-16, L. 1233-42 et L. 1233-45).

Tout salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauche pendant 1 an à compter de la date de la rupture de son contrat s’il manifeste le désir d’user de cette priorité au cours de cette année (c. trav. art. L. 1233-45). La date de la rupture est celle de la fin du préavis exécuté ou non (Cass. soc. 27 novembre 2001, n° 99-44240).

Jusqu’à présent, la Cour de cassation considérait qu’en l’absence de mention relative à la priorité de réembauchage dans la lettre de licenciement, le salarié avait droit à des dommages-intérêts.

Selon la Haute Juridiction, la méconnaissance de cette obligation lui causait nécessairement un préjudice (Cass. soc. 28 mars 2000 : n°97-43923 ; Cass. soc. 26 juin 2008 : n° 07-42355).

C’est ce qu’on appelait le préjudice automatique, devant être réparé, sans preuve par le salarié de son préjudice effectif.

Cette indemnisation se cumulait à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, si le licenciement pour motif économique était invalidé pour défaut de fondement.

D’ailleurs, la Cour de cassation allait même plus loin.

Selon elle, la référence, dans la lettre de licenciement au seul article du code du travail qui précise les conditions de mise en œuvre de la priorité de réembauche était insuffisante.

L’employeur devait se montrer plus explicite et détailler au salarié qu’il dispose d’un délai d’un an pour se manifester s’il souhaite user cette faculté.

L’absence de cette mention rendait le licenciement irrégulier et le salarié obtenait des dommages et intérêts (Cass. Soc. 16.05.2013 : n° 11-28831).

L’arrêt du 30 janvier 2019 (Cass. Soc. 30.01.2019 : n°17-27796) marque un tournant dans la jurisprudence de la Cour de Cassation en la matière.

En l’espèce, une salariée licenciée pour motif économique contestait son licenciement devant la juridiction prud’homale.

Elle réclamait en outre des dommages et intérêts pour défaut d’information sur la priorité de réembauche dans la lettre de licenciement.

Ni la Cour d’appel ni la Cour de Cassation ne lui ont donné raison.

Pour la Cour de Cassation, l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

La salariée ne démontrait pas l’existence d’un préjudice distinct de celui résultant du licenciement.

Désormais, pour être indemnisé, le salarié doit prouver l’existence d’un préjudice.

Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence nouvelle de la Cour de cassation, initiée depuis avril 2016 (Cass. Soc. 13.04.2016 : n°14-28293 pour la remise tardive des documents RH) et qui tend à mettre un terme au préjudice automatique non démontré par le justifiable.

Cela est le cas pour :

  • La clause de non concurrence illicite (Cass. Soc. 25.05.2016 : n°14-20578) ;
  • Le défaut de remise de l’attestation Pôle Emploi (Cass. Soc. 22.03.2017 : n°16-12930) ;
  • Le défaut de convocation à entretien préalable (Cass. Soc. 30.06.2016 : n°15-16066) ;
  • Le défaut de respect d’une visite médicale obligatoire (Cass. Soc. 27.06.2018 : n°17-15438).

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 30 janvier 2019 : RG n° 17-27796

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 5 mai 1999: RG n° 98-40964 

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 27 novembre 2001:RG n° 99-44240

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 28 mars 2000 : RG n°97-43923

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 26 juin 2008 : RG n° 07-42355

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 16 mai 2013 : RG n° 11-28831

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 13 avril 2016 : RG n°14-28293

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 25 mai 2016 : RG n°14-20578

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 22 mars 2017 : RG n°16-12930

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 27 juin 2018 : RG n°17-15438

Par Maitre Virginie LANGLET le 26 mars 2019

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

www.cabinet-avocats-langlet.fr

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