Les preuves par vidéosurveillance sont-elles acceptables ?

Certaines preuves obtenues par vidéosurveillance de manière illicite ne peuvent pas être utilisées dans le cadre du procès prud’homal.

Il existe certaines exceptions.

On vous explique tout.

Comment bien mettre en place la vidéosurveillance dans son entreprise ?

La vidéosurveillance pour un objectif légal et légitime

Des caméras de vidéosurveillance ne peuvent être installées dans l’entreprise que dans un objectif « légal et légitime ».

C’est le cas la plupart du temps lorsque les caméras sont installées sur le lieu de travail à des fins de sécurité des biens et des personnes, à titre dissuasif ou pour identifier les auteurs de vols, de dégradations ou d’agressions (c. trav. art. L. 1121-1).

L’objectif de la vidéosurveillance ne peut en aucun cas être d’instaurer une surveillance généralisée et permanente des salariés.

Où installer les caméras dans l’entreprise ?

Selon la CNIL, les caméras peuvent être installées au niveau :

  • des entrées et sorties des bâtiments ;
  • des issues de secours et des voies de circulation ;
  • les zones où de la marchandise ou des biens de valeur sont entreposés.

Elles ne peuvent jamais être installées :

  • au-dessus des postes de travail, sauf circonstances particulières (ex. : hôte/hôtesse de caisse, mais à condition que la caméra filme davantage la caisse que le caissier(e), entrepôt stockant des biens de valeurs au sein duquel des manutentionnaires travaillent, etc ;
  • dans des zones de pause ou de repos des salariés, ni les toilettes ;
  • dans les locaux syndicaux ou des représentants du personnel, ni leur accès lorsqu’il ne mène qu’à ces seuls locaux.

Pour des raisons évidentes de respect de la vie privée des salariés notamment.

Quelles obligations doit respecter l’employeur avant de mettre en place les caméras

Pour mettre en place la vidéosurveillance dans son entreprise, l’employeur doit respecter les obligations suivantes :

  • pour une entreprise d’au moins 50 salariés, l’employeur consulter au préalable le comité social et économique (c. trav. art. L. 2312-37 et L. 2312-38) ;
  • quel que soit l’effectif de l’entreprise, l’employeur doit informer préalablement et individuellement ses salariés (c. trav. art. L. 1222-4).

Ces formalités sont obligatoires, et elles doivent être respectées même si la vidéosurveillance est destinée à la protection et la sécurité des biens et des personnes dans les locaux ouverts au public, dès lors qu’elle permet également de contrôler et de surveiller l’activité des salariés (Cass. soc. 10 novembre 2021, n° 20-12263).

Que se passe-t-il si la vidéosurveillance n’est pas mise en place correctement ?

Par principe, si le système de vidéosurveillance a été mis en place dans le respect des règles, les enregistrements obtenus par les caméras constituent des preuves qui sont acceptées par le conseil de prud’hommes dans le cadre d’un contentieux prud’homal (par exemple, lorsque l’employeur veut prouver la faute d’un salarié).

En revanche, l’employeur ne peut pas produire en justice des enregistrements d’images si le procédé avait été installé sans que la procédure obligatoire n’ait été respectée.

Mais ce principe est à nuance.

En effet, le droit à la preuve peut justifier, sous certaines conditions, la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle du salarié (Cass. soc. 25 novembre 2020, n° 17-19523 ; Cass. soc. 10 novembre 2021, n° 20-12263).

Ainsi, le droit à la preuve « peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que :

  • cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit
  • et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi » (Cass. soc. 30 septembre 2020, n° 19-12058)

C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt du 8 mars 2023 (Cass. soc. 8 mars 2023, n° 21-17802).

C’est l’histoire d’une salariée qui travaille dans un « bar à ongles ».

Elle a été licenciée pour faute grave en raison des détournements de fonds et des soustractions frauduleuses.

L’employeur avait tout d’abord eu des soupçons de vol vis-à-vis de cette salariée. Il a mené un audit quelques semaines avant son licenciement.

Grâce à la vidéosurveillance du magasin, il a eu la preuve que c’était bien elle l’auteur des vols constatés.

La salariée avait alors contesté son licenciement.

Devant les juges, l’employeur avait produit les enregistrements de la vidéosurveillance, montrant la salariée en train de voler.

La Cour d’appel a d’abord estimé que ces éléments de preuve n’étaient pas recevables.

La Cour de cassation a confirmé.

Pour les juges, ces enregistrements étaient un moyen de preuve illicite et donc irrecevable dans une procédure prud’homale.

L’employeur n’avait pas préalablement à la mise en place de la vidéosurveillance, informé la salariée ni des finalités du dispositif de vidéosurveillance ni de la base juridique qui le justifiait.

Enfin, pour les juges, la vidéosurveillance n’était pas indispensable à l’exercice du droit de la preuve car l’employeur disposait de l’audit réalisé pour démontrer la faute de la salariée.

En conclusion :

Une preuve irrégulière comme la vidéosurveillance peut être admise en justice uniquement si elle est indispensable à l’exercice du droit de la preuve par l’employeur.

Mais cette preuve illicite est rejetée si l’employeur peut utiliser un autre mode de preuve.

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 8 mars 2023, n° 21-17802

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 10 novembre 2021, n° 20-12263 

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 25 novembre 2020, n° 17-19523 

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 10 novembre 2021, n° 20-12263

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 30 septembre 2020, n° 19-12058

Par Maitre Virginie LANGLET le 15 mai 2023

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

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