Les faits de la vie privée du salarié comme motif de licenciement disciplinaire

Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, par principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail ou se rattache à la vie professionnelle (Cass. Soc. 16.01.2019 : RG n°17-15002).

La hiérarchie des fautes

Les quatre types de fautes pouvant être reprochées à un salarié, selon leur gravité sont les suivantes, selon les circonstances :

  • une faute légère,
  • une faute simple,
  • une faute grave,
  • ou une faute lourde.

La classification de la faute dépend des circonstances ainsi que notamment de la position hiérarchique du salarié, de ses antécédents, de ses responsabilités et des conséquences dommageables ou non pour l’entreprise.

Ces fautes entrainent, selon leur degré, des incidences différentes sur le contrat de travail et les droits des salariés.

Les fautes disciplinaires justifiant un licenciement disciplinaire sont des manquements aux règles s’imposant à la collectivité de travail dans l’entreprise.

La faute grave et le licenciement disciplinaire

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise et peut justifier une mise à pied conservatoire (Cass. Soc. 27.09. 2007, n°06-43867 ; Cass. Soc. 10.11.2010, n°09-42077).

Si, prises isolément, certaines fautes commises par un salarié ne sont pas graves, elles peuvent le devenir par réitération ou accumulation (Cass. Soc. 21.10.2009, n°08-43219).

Le licenciement pour faute grave rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même durant le préavis. Ainsi, son départ doit être immédiat, le privant de préavis. A défaut, l’employeur perd la possibilité d’invoquer la faute grave (Cass. Soc. 15.05.1991, n°87-42473 ; Cass. soc. 12.07.2005, n°03-41536).

Le licenciement tiré de la vie personnelle du salarié

Par principe, un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail (Cass. Soc. 03.05.2011, n°09-67464).

Si le fait relevant de la vie personnelle ne se rattache pas à la vie professionnelle, l’employeur ne peut procéder qu’à un licenciement non disciplinaire (Cass. ch. mixte, 18.05.2007, n°05-40803).

L’employeur peut licencier le salarié si le fait de la vie personnelle reproché crée un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise (Cass. Soc. 17.04.1991 n°90-42636 ; Cass. Soc. 30.11.2005 n°04-41206).

Pour apprécier l’existence du trouble, les juges peuvent tenir compte de la nature des fonctions du salarié et de la finalité propre de l’entreprise (Cass. Soc. 20.11.1991, n°89-44605).

La Cour de cassation a eu l’occasion d’appliquer ce principe dans le cas de salariés soumis à une obligation particulière de probité dans le cadre de leur travail.

Ainsi a été validé le licenciement pour faute grave d’un rédacteur du service contentieux d’une caisse d’allocations familiales ayant, en qualité d’allocataire d’une autre caisse, minoré ses déclarations de ressources afin de bénéficier de prestations (Cass. soc. 25.02.2003, n° 00-42031).

La même solution s’applique pour le licenciement d’un cadre commercial d’une banque condamné pénalement pour vol et trafic de véhicule (Cass. soc. 25.01.2006, n° 04-44918).

L’arrêt du 16 janvier 2019 (Cass. Soc. 16.01.2019 : RG n°17-15002) s’inscrit dans cette jurisprudence constante.

Dans cet arrêt, deux salariés avaient établi des fausses factures de soins dentaires et présenté celles-ci à l’organisme assureur gérant la couverture de frais de santé en place dans l’entreprise.

L’organisme victime de la fraude était celui ayant conclu un contrat avec l’entreprise pour la couverture de frais de santé mise en place par accord collectif dans l’intérêt des salariés.

La Cour de cassation constate en outre que cet organisme était également un des principaux clients de l’entreprise dont l’activité consistait à gérer un réseau de soins de santé mettant en relation assureurs, professionnels de santé et assurés. Faisait aussi partie de ce réseau le professionnel de santé au nom duquel les factures falsifiées avaient été établies.

Pour la Cour de cassation, les intéressés ont pu falsifier des factures grâce aux connaissances qu’ils avaient acquises dans le cadre de leurs fonctions.

Celles-ci consistaient en effet à traiter de demandes de remboursement de frais de santé et des justificatifs les accompagnant.

Pour la Cour de cassation ces agissements se rattachaient à la vie de l’entreprise et constituaient, compte tenu des fonctions assurées par les intéressés, un manquement manifeste à leur obligation de loyauté justifiant un licenciement pour faute grave.

Sources : 

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 16 janvier 2019 : RG n° 17-15002

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 27 septembre 2007 : RG n°06-43867

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 10 novembre 2010 : RG n°09-42077

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 21 octobre 2009 : RG n°08-43219

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 15 mai 1991 : RG n°87-42473

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 12 juillet 2005 : RG n°03-41536

Cour de Cassation, chambre mixte, arrêt du 18 mai 2007 : RG n°05-40803

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 17 avril 1991 : RG n°90-42636

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 30 novembre 2005 : RG n°04-41206

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 20 novembre 1991 : RG n°89-44605

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 25 février 2003 : RG n° 00-42031

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 25 janvier 2006 : RG n° 04-44918

Par Maitre Virginie LANGLET le 25 février 2019

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

www.cabinet-avocats-langlet.fr

Partagez :