Les délais en cas de licenciement pour faute grave

Licenciement pour faute grave : l’employeur doit agir dans un délai restreint

Lorsque l’employeur prononce un licenciement pour faute grave, il doit agir dans un délai restreint à partir du moment où il a connaissance des faits fautifs, dans la limite du délai de prescription de 2 mois. La durée de « délai restreint » est variable et dépend du contexte. C’est ce que rappelle l’arrêt d’espèce du 12 octobre 2016 (Cass. Soc. 12.10.2016 : n°15-20413).

La hiérarchie des fautes

Il existe quatre types de fautes, selon leur gravité. Chacune de ces fautes a des incidences différentes sur le contrat de travail et le droit des salariés.

Les fautes sont :

  • La faute légère
  • La faute simple
  • La faute grave
  • La faute lourde

Ainsi, une faute peut, selon les circonstances, constituer une faute légère, une faute simple, une faute grave ou une faute lourde, compte tenu notamment de la position hiérarchique du salarié, de ses antécédents, de ses responsabilités et des conséquences dommageables ou non pour l’entreprise. La graduation de la faute revient entièrement à l’employeur. Si nécessaire, il doit pouvoir démontrer avec objectivité, que les agissements du salarié étaient bel et bien fautifs.

L’employeur peut sanctionner des fautes d’origine disciplinaire ou professionnelle :

  • Les fautes disciplinaires sont des manquements aux règles s’imposant à la collectivité de travail dans l’entreprise.
  • Les fautes professionnelles (ou contractuelles) consistent en l’inexécution fautive ou l’exécution défectueuse du travail (Cass. soc. 09.07. 2008, n°07-42041).

Les fautes sont :

  • soit des actes positifs, le salarié ayant un comportement interdit par les règles applicables dans l’entreprise (ex. : fumer sur le lieu de travail, voler un bien de l’entreprise, molester des collègues ou des clients) ;
  • soit des abstentions de nature volontaire vis-à-vis d’une obligation contractuelle ou d’une prescription (ex. : irrespect des horaires, de l’obligation de discrétion, du règlement intérieur ou d’une consigne de sécurité)

Le licenciement, sera prononcé, en fonction de la faute reprochée au salarié.

La procédure de licenciement disciplinaire pour faute grave : délai de prescription de 2 mois
La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise et peut justifier une mise à pied conservatoire
 (Cass. soc. 27 septembre 2007 : n°06-43867 ; Cass. soc. 10 novembre 2010 : n°09-42077).

Si, prises isolément, certaines fautes commises par un salarié ne sont pas graves, elles peuvent le devenir par réitération ou accumulation (Cass. soc. 21 octobre 2009 : n°08-43219)


Le licenciement pour faute grave implique le départ immédiat du salarié, sans préavis
. À défaut, l’employeur perd la possibilité d’invoquer la faute grave et le licenciement peut être requalifié en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse (Cass. soc. 12 juillet 2005 : n°03-41536).

En application de l’article L 1332-4 du code du travail, l’employeur dispose d’un délai de 2 mois pour déclencher la procédure disciplinaire dès l’instant où il apprend qu’un salarié a commis une faute.

Toutefois, la faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, l’employeur doit, en principe, engager la procédure de rupture du contrat de travail dans un « délai restreint » après avoir été informé des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire (Cass. soc. 6 octobre 2010 : n° 09-41294 ; Cass. soc. 24 novembre 2010 : n°09-40928).

La durée de ce délai « restreint » n’est pas précisément définie, mais lorsque l’employeur tarde à agir, les juges ont tendance à remettre en cause la gravité réelle des faits reprochés.

En effet, le salarié a tendance à affirmer que si l’employeur avait estimé les faits si graves et nuisibles à l’entreprise, il aurait tout mis en œuvre pour l’éloigner dans les plus brefs délais. Par exemple, un employeur qui attend 6 mois avant la rupture des relations contractuelles avec le salarié fautif perd ainsi le droit d’invoquer à son encontre une faute grave (Cass. soc. 21 novembre 2000 : n°98-45609).

La Cour de Cassation a également pu décider que le fait de laisser le salarié travailler pendant 1 mois après la connaissance des faits fautifs est incompatible avec l’allégation d’une faute grave (Cass. soc. 17 mars 2010 : n°08-45103).


Ceci n’est pas toujours vrai. L’arrêt du 12 octobre 2016 (Cass. Soc. 12.10.2016 : n°15-20413) tend à démontrer que la notion de « délai restreint » doit être analysée au cas par cas car selon le contexte, la perception peut varier. En effet, en l’espèce, les agissements du salarié avaient été dénoncés à l’employeur par des lettres de ses collaborateurs des 9 novembre, 15 novembre et 21 novembre 2010. La procédure de licenciement avait été engagée le 10 décembre 2010.

Le salarié arguait du fait que le délai de près d’un mois entre la première dénonciation des agissements qui lui étaient reprochés et la mise en œuvre de la procédure de licenciement était trop long pour qualifier les faits de faute grave. Selon le salarié, le licenciement était nécessairement infondé.

Ce n’est pas l’avis de la Cour de Cassation. Elle affirme bien au contraire que d’une part les faits reprochés au salarié dans la lettre de licenciement étaient établis et que d’autre part, les agissements du salarié avaient été dénoncés par des lettres de ses collaborateurs des 9 novembre, 15 novembre et 21 novembre 2010, l’employeur avait agi dans un délai restreint en engageant la procédure le 10 décembre.

Sources : 

  • Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 12 octobre 2016 : RG n°15-20413
  • Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt 09 juillet 2008 RG : n°07-42041
  • Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 27 septembre 2007 : n°06-43867
  • Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 10 novembre 2010 : n°09-42077
  • Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 21 octobre 2009 : n°08-43219
  • Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 12 juillet 2005 : n°03-41536
  • Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 6 octobre 2010 : n° 09-41294
  • Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 24 novembre 2010 : n°09-40928
  • Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 21 novembre 2000 : n°98-45609
  • Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 17 mars 2010 : n°08-45103
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