L’entretien préalable à licenciement en téléconférence : c’est possible, sous conditions

Un entretien préalable à licenciement par téléconférence est permis, en raison de l’éloignement géographique des parties selon la Cour d’appel de Versailles (CA Versailles : 04.06.2020 n°17/04940).

L’entretien préalable au licenciement est-il obligatoire ?

Oui

Un employeur qui envisage de licencier un salarié a l’obligation, avant de prendre une décision définitive, de le convoquer à un entretien préalable (c. trav. art. L. 1232-2).

Cet entretien préalable est obligatoire, quel que soit le motif du licenciement envisagé (économique, disciplinaire ou non disciplinaire) (c. trav. art. L. 1332-2).

C’est en effet au cours de l’entretien préalable à licenciement que l’employeur indique au salarié le ou les motifs de la décision envisagée.

Il doit recueillir les explications du salarié (ou du conseiller de ce dernier) (c. trav. art. L. 1232-3).

Un véritable débat contradictoire doit avoir lieu, l’entretien préalable devant permettre au salarié de connaître les motifs du licenciement envisagé et de s’expliquer à ce sujet.

C’est la raison pour laquelle l’entretien préalable à licenciement ne peut être remplacé par un échange de courriers ou même un entretien téléphonique (Cass. Soc. 14.11.1991 : n°91-44195).

Comment se déroule l’entretien préalable à licenciement ?

L’employeur (et son assistant éventuel ou son représentant) ainsi que le salarié (secondé également, s’il y a lieu, par un assistant) participent à l’entretien.

L’assistant choisi par le salarié doit être un membre de l’entreprise lorsque celle-ci est dotée de représentants du personnel (mais pas obligatoirement un salarié du même établissement ou du même service, ou un représentant du personnel).

En l’absence de représentant du personnel dans l’entreprise, le salarié peut se faire assister par une personne extérieure à l’entreprise, choisie sur une liste préparée par le DIRECCTE et arrêtée par le préfet du département. L’employeur peut demander à ce conseiller de justifier de sa qualité. 

L’employeur peut se faire assister seulement par une personne appartenant à l’entreprise

L’entretien préalable à licenciement : en présentiel et dans l’entreprise

L’entretien préalable doit se tenir sur le lieu d’exécution du travail ou au siège social de l’entreprise. Il ne peut pas être fixé dans un autre lieu sans motif légitime (Cass. soc. 09.05.2000 no97-45294 ; Cass. soc. 20.10.2009 no08-42155).

C’est la règle de principe.

Des juges du fond ont pu admettre, par exception, que l’entretien préalable à licenciement ait lieu dans un café en raison de l’indisponibilité des locaux de l’entreprise. Ce lieu n’a en effet pas empêché le salarié de s’expliquer sur la rupture envisagée (CA Versailles 17.10.1994 no 93/6798).

Mais ces solutions impliquent bien la rencontre physique de l’employeur et du salarié.

L’entretien préalable au licenciement : une possible évolution vers la visioconférence ?

Un premier arrêt laisse à penser que la jurisprudence va évoluer dans le sens des nouvelles méthodes de travail, notamment télétravail et visioconférences.

Dans l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles CA Versailles : 04.06.2020 n°17/04940), une salariée est licenciée après un entretien préalable tenu par téléphone.

Elle-même se trouvait à Dubaï, en détachement, et que la personne représentant l’employeur ainsi était en France.

Elle a saisi la juridiction prud’homale afin de contester le bien-fondé du licenciement et surtout la régularité de la procédure de licenciement.

La salariée fait valoir qu’elle n’a pas été en mesure de se défendre lors de l’entretien préalable, compte tenu de son organisation par téléphone et du refus par son employeur de le reporter.

L’employeur fait valoir qu’il a respecté tous les délais procéduraux, que ce n’est que la veille de l’entretien préalable que la salariée a sollicité un report sur la base de motifs inopérants et que l’entretien a pu se tenir.

La Cour d’appel de Versailles a débouté la salariée et a reconnu la validité de l’entretien préalable qui s’est tenu par téléconférence, en s’appuyant sur le motif de l’éloignement géographique des parties.

La Cour d’appel rappelle que si par principe l’entretien préalable à licenciement doit se dérouler en présence physique des parties, les circonstances de l’espèce, le statut d’expatriée de la salariée et sa localisation à Dubaï ont permis à l’employeur d’avoir recouru à un entretien à distance.

Ainsi, la cour d’appel de Versailles admet la validité de l’entretien préalable à licenciement par téléconférence dans des cas exceptionnels.

Deux conditions doivent être réunies pour cela :

  • Les droits du salarié doivent être respectés ;
  • Le salarié doit avoir été en mesure de se défendre utilement.

Pour l’entretien préalable en visioconférence, la position des juges diverge :

  • Les Cours d’appel qui y sont favorables : CA Rennes 11.05.2016 no14/08483 ;
  • Les Cours d’appel qui sont défavorables : CA Bourges 15.11.2019 no18/00201 ; CA Grenoble 07.01.2020 no17/02442.

Il faudra le premier arrêt de la Cour de Cassation pour trancher la question.

Affaire à suivre donc…

Sources :

Cour d’appel de Versailles, chambre sociale, arrêt du 4 juin 2020 : RG n° 17/04940

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 14 novembre 1991 : RG n°91-44195

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 09 mai 2000 : RG n°97-45294

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 20 octobre 2009 : RG no08-42155

Cour d’appel de Rennes, chambre sociale, arrêt du 11 mai 2016 : RG no14/08483 

Cour d’appel de Bourges, chambre sociale, arrêt du 15 novembre 2019 : RG no18/00201 

Cour d’appel de Grenoble, chambre sociale, arrêt du 07 janvier 2020 : RG no17/02442

Par Maitre Virginie LANGLET le 23 octobre 2020

Avocat au Barreau de Paris

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Tél : 01.84.79.16.30

www.cabinet-avocats-langlet.fr

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