L’entraide familiale est du travail dissimulé si l’employeur ne déclare pas toutes les heures

Le fait d’intervenir au-delà des horaires contractuels, même en qualité d’épouse, liée par une communauté de vie et d’intérêt avec l’employeur, pour la bonne marche de l’entreprise familiale n’en demeure pas moins du travail dissimulé (Cass. Crim. 26.05.2021 : n°20-85118).

Qu’est ce que le travail dissimulé ?

 Il faut distinguer la dissimulation d’activité et la dissimulation d’emploi salarié (c. trav. art. L. 8221-1).

  • Le travail dissimulé par dissimulation d’activité consiste :
  • à exercer à but lucratif une activité (de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce)
  • en ne respectant pas les obligations déclaratives auprès des différentes administrations ou différents organismes (défaut d’immatriculation au répertoire des métiers, défaut de déclarations aux organismes de protection sociale, etc) (c. trav. art. L. 8221-3).
  •  Le travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, qui nous intéresse dans l’arrêt commenté, est le fait pour l’employeur de :
  • ne pas respecter,
  • de manière intentionnelle
  • l’accomplissement (c. trav. art. L. 8221-5 ; Cass. soc. 23 octobre 2013, n° 12-13899) de certaines formalités (par exemple la déclaration préalable à l’embauche).

Ne pas inscrire toutes les heures de travail sur le bulletin de paie, est ce du travail dissimulé ?

La réponse est oui.

Même si cela résulte d’une entre-aide familiale : le cas assez classique du conjoint du dirigeant.

 Il y a bien dissimulation partielle d’emploi salarié lorsque figure sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Mais, il convient de noter que la dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée, que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué (Cass. soc. 27 mars 2018, n°16-87585 ; Cass. soc. 23 mai 2012, n° 11-20638 ; Cass. soc. 5 juin 2019, n° 17-23228).

L’activité exercée par des parents ou des amis dans le cadre d’un rapport de subordination peut être qualifiée de travail dissimulé d’emploi salarié (Cass. crim. 22 octobre 2002, n° 02-81859 ; Cass. civ., 2e ch., 9 mars 2017, n° 16-10117).

C’est ce que rappelle la Cour de cassation, en chambre criminelle, dans l’arrêt du 26 mai 2021

Dans cette affaire, la femme d’un boulanger disposait d’un contrat de travail établi pour une durée de travail de 30 heures hebdomadaires, au titre desquelles les cotisations sociales étaient acquittées.

Toutefois, dans les faits, elle travaillait bien au-delà de cette limite, sans que son employeur (et mari) le déclare et sans que soient réglées les cotisations dues pour ces heures de travail venant en plus.

L’URSSAF avait poursuivi l’employeur, qui avait été condamné pour travail dissimulé.

La Cour d’appel avait prononcé la relaxe.

Selon la Cour d’appel, les heures de travail supplémentaires effectuées et non mentionnées sur le bulletin de paie relevaient de l’entraide familial, la salariée étant la femme du boulanger.

Le boulanger affirmait que le travail de son épouse au-delà des horaires du contrat de travail était davantage ponctuel et participait surtout à « l’intérêt de la bonne marche d’une petite entreprise familiale », ce d’autant qu’elle n’avait pas été payée pour ces heures non déclarées.

Pour la Cour d’appel, l’épouse était « liée par une communauté de vie et d’intérêts avec le prévenu ».

L’URSSAF ne partageait pas cette analyse et avait saisi la Cour de cassation.

La Cour de cassation a considéré que le contrat de travail avait placé la femme du boulanger dans un lien de subordination à l’égard de son employeur.

Peu importe que ces heures de travail non déclarées aient été effectuées dans le cadre de l’entraide familiale et de manière bénévole.

Le statut de salarié doit prédominer et les déclarations adéquates devaient être effectuées auprès des organismes sociaux.

Sources :

Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt du 26 mai 2021 : RG n° 20-85118

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 23 octobre 2013 : RG n° 12-13899

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 27 mars 2018 : RG16-87585

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 23 mai 2012 : RG 11-20638 

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 5 juin 2019 : RG, n° 17-23228

Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt du 22 octobre 2002 : RG n° 02-81859

Cour de cassation, 2ème chambre civile, arrêt du 9 mars 2017 : RG n° 16-10117.

Par Maitre Virginie LANGLET le 16 juin 2021

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

www.cabinet-avocats-langlet.fr

Partagez :