Par principe, un élément de preuve obtenu de manière illicite ne peut pas être admis en justice.
Pour que la preuve illicite soit recevable par les juges, il faut invoquer expressément que le rejet de cette preuve porterait atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble.
Illustration avec un procès-verbal de police.
Sommaire
Principe : les preuves obtenues de manière illicite sont rejetées par le juge
Mais, les preuves produites en justice et remises aux juges par les parties doivent être licites dans le cadre du respect du principe général de loyauté de la preuve.
Par exemple, dans le cas d’un licenciement contesté devant le Conseil de prud’hommes, si les preuves rapportées par l’employeur pour justifier le bien fondé du licenciement sont illicites, le licenciement sera obligatoirement requalifié en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 4 juillet 2012, n°11-30266).
Par exception : il faut invoquer le principe d’équité de la procédure et du droit à la preuve
Par exception, une preuve obtenue de manière illicite peut justifier un licenciement à la double condition que :
- sa production soit indispensable à l’exercice du droit de la preuve de l’employeur ;
- et que l’atteinte aux droits du salarié, à la supposer établie, soit proportionnée au but poursuivi.
(Cass. soc. 30 septembre 2020, n° 19-12058 ; Cass. soc. 25 novembre 2020, n° 17-19523 ; Cass. soc. 10 novembre 2021, n° 20-12263)
Mais encore faut-il que l’employeur fasse valoir devant les juges que le rejet de la preuve illicite portera atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble.
Dans cette affaire, l’employeur n’avait pas invoqué cet argument, alors qu’il produisait un procès-verbal de police qu’il n’aurait jamais dû avoir en sa possession.
Sauf que ce PV de police était le seul élément établissant la réalité de la faute reprochée au salarié.
L’arrêt du 8 mars 2023 (Cass. soc. 8 mars 2023, n° 20-21848)
Dans cette affaire, un salarié occupait le poste de conducteur de bus.
Il avait déposé plainte après avoir remarqué la disparition d’un bloc de tickets dans un bus qu’il conduisait.
Dans le cadre de cette procédure, l’employeur avait remis aux services de police les bandes du système de vidéoprotection équipant les véhicules.
C’est là que la police avait constaté des infractions au code de la route et rédigé un procès-verbal établissant que le salarié avait téléphoné au volant et fumé dans le bus.
Ce PV avait ensuite été remis à l’employeur qui avait licencié le salarié pour faute grave. Sur la seule base de ce PV de police.
Pour le salarié, la preuve était illicite et il avait saisi le Conseil de prud’hommes.
Son licenciement a été requalifié en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Pourquoi ?
L’employeur était un tiers à la procédure suite à la plainte du chauffeur pour vol des tickets de bus.
Il n’aurait jamais dû se voir remettre le PV de police, sans autorisation du procureur de la République en application de la procédure pénale (c. proc. pén. art. R. 170).
Il n’aurait pas dû non plus s’appuyer sur ce PV pour licencier le chauffeur de bus.
Pire encore, l’employeur n’aurait pas dû remettre à la police les enregistrements de vidéosurveillance des bus sans contrevenir à la charte de la vidéoprotection en vigueur dans l’entreprise.
La charte ne permettait la remise des enregistrements qu’en cas d’infraction ou de perturbation afférente à la sécurité des personnes.
Enfin, la charte prévoyait l’engagement de l’employeur de ne pas recourir au système de vidéoprotection pour apporter la preuve d’une faute du salarié lors d’affaires disciplinaires internes.
L’employeur avait tout faux : il n’aurait jamais dû licencier le salarié sur le fondement d’éléments issus de la vidéosurveillance.
Et il n’avait pas non plus invoqué le principe d’équité de la procédure et du droit à la preuve.
Le PV irrecevable était la seule preuve fournie par l’employeur pour justifier le licenciement.
Le licenciement était donc sans cause réelle et sérieuse.
Sources :
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 8 mars 2023, n° 20-21848
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 4 juillet 2012, n°11-30266
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 30 septembre 2020, n° 19-12058
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 25 novembre 2020, n° 17-19523
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 10 novembre 2021, n° 20-12263
Par Maitre Virginie LANGLET le 29 mai 2023
Avocat au Barreau de Paris
8 rue Blanche – 75009 PARIS
Tél : 01.84.79.16.30