Le licenciement pour faute grave est-il valable en présence de troubles psychotiques sévères ?

Le licenciement pour faute grave peut-il être prononcée lorsque le salarié fautif souffre de troubles psychotiques sévères ? (Cass. soc. 5 mars 2025, n° 23-50022).

La faute grave, c’est quoi ?

Un salarié peut se voir reprocher un comportement, qualifié, selon sa gravité de faute :
• légère ;
• simple ;
• grave;
• lourde.

Chacune de ces fautes, selon leur gravité, a des incidences différentes sur le contrat de travail et les droits des salariés.

La définition de la faute grave est la suivante :

La faute grave se matérialise par une action, un fait ou un ensemble de faits commis par un salarié qui constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail.

Cette violation est si grave qu’elle rend impossible le maintien du salarié fautif dans l’entreprise, même pendant le préavis (Cass. soc. 27 septembre 2007, n° 06-43867).

Le salarié doit être mis à l’écart et évincé immédiatement de l’entreprise.

La faute grave entraine, dans la plupart des cas, une mise à pied conservatoire, préalablement à la mise en place d’une procédure disciplinaire.

Le licenciement pour faute grave

Le licenciement devra suivre une procédure particulière et aura également des conséquences particulières si la faute grave est retenue par l’employeur contre le salarié.

Le licenciement pour faute grave doit tout d’abord être encadré dans un délai restreint.

Par principe, l’employeur dispose d’un délai de 2 mois pour déclencher la procédure disciplinaire dès l’instant où il apprend qu’un salarié a commis une faute (c. trav. art. L. 1332-4).

Attention, la faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, l’employeur doit engager la procédure disciplinaire dans un « délai restreint » après avoir été informé des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire (Cass. soc. 24 novembre 2010, n° 09-40928 ; Cass. soc. 20 décembre 2023, n° 22-21685).

Un délai restreint cela veut dire en plus rapidement possible, et attendre le moins longtemps avant d’enclencher la procédure de licenciement pour faute grave.

La procédure de licenciement est considérée comme déclenchée dès l’instant où le salarié est convoqué à l’entretien préalable à licenciement.

La durée de ce délai « restreint » n’est pas précisément définie, mais lorsque l’employeur tarde à agir, les juges peuvent remettre en cause la gravité réelle des faits reprochés et donc juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute grave.

Le licenciement pour faute grave entraîne des conséquences différentes de toute autre procédure de licenciement.

Le licenciement pour faute grave prive le salarié de son indemnité de licenciement, et de son préavis (c. trav. art. L. 1234-1 et L. 1234-9).

Le licenciement pour faute grave d’un salarié souffrant de troubles psychotiques graves

Le licenciement pour faute grave peut-il être prononcée lorsque le salarié fautif souffre de troubles psychotiques sévères ? C’est la question qui a été posé la Cour de cassation dans une affaire jugée le 5 mars 2025 (Cass. soc. 5 mars 2025, n° 23-50022).n° 23-50022).

Dans cette affaire, la salariée justifiant de presque 30 ans d’ancienneté avait envoyé un grand nombre de SMS à l’une de ses collègues.

Ces SMS étaient à caractère sexuel insultants et dégradants.

La salariée qui en avait été victime avait déposé une main courante et signalé les faits à la direction.

L’auteur des faits avait été mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute grave.

Il avait contesté son licenciement en s’appuyant sur le fait que son état de santé psychique l’avait privé de ses facultés mentales lors de l’envoi de ces SMS.

Il avait été hospitalisé sous contrainte pour troubles psychotiques sévères peu de temps après et était en arrêt maladie lors de son licenciement.

La cour d’appel a estimé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, car au vu des faits qui lui étaient exposés, le salarié ne pouvait être tenu pour fautif vu l’état de ses facultés mentales.

En effet, au moment des faits, le salarié se trouvait dans un état psychique fortement altéré ce qui avait contribué à opérer ses facultés de discernement quant au caractère répréhensible de son comportement.
Le salarié justifiait de ses troubles de comportement, notamment sur le lieu de travail, en s’appuyant sur son dossier médical.

La Cour de cassation a confirmé que le licenciement pour faute grave est privé de cause réelle et sérieuse du fait des troubles psychotiques sévères du salarié.

Pour la Haute juridiction, il revient au juge du fond d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties (c. trav. art. L. 1235-1).

Or lorsque le salarié justifie de troubles psychotiques sévères, il est tout à fait possible que son discernement est été altéré, rendant les faits reprochés impossible à lui imputer.

Dans ces circonstances, les faits reprochés dans le licenciement n’étaient pas imputables au salarié.

Il n’aurait pas dû être licencié selon la Cour de cassation.

Si vous êtes confronté à ce type de situation, vous conseillez par un avocat en droit du travail

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 5 mars 2025, n° 23-50022
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 27 septembre 2007, n° 06-43867
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 24 novembre 2010, n° 09-40928
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 20 décembre 2023, n° 22-21685

Par Maitre Virginie LANGLET le 19 mars 2025
Avocat au Barreau de Paris
8 rue Blanche – 75009 PARIS
Tél : 01.84.79.16.30

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