Un délai de 6 mois pour procéder au remplacement définitif d’un salarié licencié pour absences répétées et prolongées peut être raisonnable selon les circonstances. L’appréciation du délai raisonnable relève du pouvoir souverain des juges (Cass. Soc. 24 mars 2021 : n°19-13188)
Sommaire
Est-il possible de licencier un salarié malade ?
La réponse est non.
Il est interdit de licencier un salarié en raison de son état de santé ou de son handicap.
Un tel licenciement serait discriminatoire et donc sanctionné par le Conseil de Prud’hommes.
- 1ère exception:
L’inaptitude physique, lorsqu’elle est constatée par le médecin du travail, peut permettre un licenciement, à la condition que le salarié ne puisse pas être reclassé (c. trav. art. L. 1132-1).
- 2ème exception:
Les absences répétées ou la maladie prolongée du salarié malade depuis un certain temps peuvent entrainer des conséquences sur le fonctionnement de l’entreprise.
Ces conséquences dommageables pour l’entreprise peuvent justifier le licenciement du salarié si certaines conditions sont remplies.
Qu’est-ce que le licenciement pour absences répétées et prolongées ?
Le licenciement du salarié malade n’est possible qu’à la double condition suivante :
- si le fonctionnement de l’entreprise est perturbé
- et si le remplacement définitif du salarié malade est nécessaire.
- Les absences répétées et/ou prolongées du salarié malade doivent avoir des répercussions réelles sur l’entreprise.
Ces répercussions sont appréciées au cas par cas par le juge en cas de contentieux.
Certains critères sont pris en compte.
Certains peuvent rendre le licenciement injustifié :
- le faible niveau de qualification et à la banalité des tâches du salarié absent
D’autres au contraire légitiment le licenciement :
- la petite taille de l’entreprise ou du service sont souvent des éléments de nature à caractériser la perturbation.
- Le remplacement définitif vise l’embauche en CDI d’un salarié
La notion de remplacement définitif suppose l’embauche en contrat de travail à durée indéterminée (CDI) d’un salarié :
- soit pour occuper le poste du salarié licencié ;
- soit pour occuper celui d’un autre salarié de l’entreprise muté au poste du salarié licencié.
Cela exclut tous les recrutements en CDD, en intérim, le recours à des prestataires de service ou encore le remplacement par un autre salarié dont le poste est laissé vacant.
Le remplacement définitif du salarié doit avoir lieu dans un délai raisonnable après le licenciement (Cass. soc. 10 novembre 2004, n° 02-45156).
En cas de contestation du licenciement devant le Conseil de Prud’hommes, ce sera à l’employeur de prouver qu’il a procédé au remplacement définitif du salarié dans un délai raisonnable après le licenciement (Cass. soc. 15 novembre 2006, n° 04-48192), voire avant même le licenciement (Cass. soc. 16 septembre 2009, n° 08-41879).
Qu’est ce que le remplacement dans un délai raisonnable ?
Tout est affaire de nuances.
L’analyse est laissée à l’appréciation des juges qui opèrent au cas par cas.
Le délai peut aller de quelques semaines à plusieurs mois, selon la complexité du poste à recruter, l’organisation de l’entreprise, les démarches de l’employeur, etc.
Un point est à retenir lorsque le remplacement définitif a lieu après le licenciement, le délai raisonnable se décompte à partir du licenciement et non à partir de la fin du préavis (Cass. soc. 28 octobre 2009, n° 08-44241).
C’est cette notion de délai qui était soumise à la Cour de cassation, dans l’arrêt du 24 mars 2021 (Cass. soc. 24 mars 2021, n° 19-13188).
Dans cette affaire, une salariée occupée au poste de directrice d’une association avait été en arrêt maladie pendant plus de 10 mois.
Elle avait finalement été licenciée au motif que son absence prolongée désorganisait l’association et rendait nécessaire son remplacement définitif.
La salariée avait saisi le Conseil de Prud’hommes pour contester son licenciement et obtenir diverses indemnités.
Elle faisait valoir que le licenciement notamment que le licenciement dont elle avait fait l’objet n‘était pas valable, puisque son remplaçant avait été recruté 6 mois après son licenciement.
Pour elle, le délai n’était pas raisonnable.
Elle a été déboutée.
Elle a saisi la Cour de cassation qui a suivi l’analyse de la Cour d’appel.
Pour la Cour de cassation, au regard des démarches immédiatement engagées par l’employeur et de l’importance du poste de directeur d’association, un délai de 6 mois pour procéder au remplacement était raisonnable.
Le licenciement est donc valable puisque le délai n’était pas excessif dans ce cas précis.
Attention, dans d’autres circonstances, ce délai de 6 mois aurait pu être jugé excessif au point d’invalider le licenciement.
La Cour de cassation rappelle à cette occasion que l’appréciation de la cour d’appel est souveraine.
Sources :
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 24 mars 2021 : RG n°19-13188
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 10 novembre 2004 : RG n° 02-45156
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 15 novembre 2006 : RG n° 04-48192
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 16 septembre 2009 : RG n° 08-41879
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 16 28 octobre 2009 : RG n° 08-44241
Par Maitre Virginie LANGLET le 7 avril 2021
Avocat au Barreau de Paris
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