Le courrier de reproches vaut avertissement

Un courrier de reproches au salarié est déjà un avertissement

Une lettre de reproches adressée au salarié par laquelle l’employeur indique que son comportement a entamé la confiance qu’il lui portait constitue une sanction disciplinaire, empêchant de licencier le salarié pour les mêmes faits fautifs (Cass. Soc. 03.02.2017 : n°15-11433).

Les sanctions disciplinaires

En application de l’article L 1331-1 du code du travail, toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié qu’il considère comme fautif est une sanction disciplinaire. Peu importe que cette mesure soit de nature à affecter, immédiatement ou non, sa présence dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

La qualification légale de la sanction disciplinaire est particulièrement large puisqu’il s’agit de « toute mesure » prise à la suite d’un agissement du salarié considéré comme fautif par l’employeur.

Cette formule permet de considérer comme une sanction disciplinaire tout acte de nature à affecter la relation de travail, à savoir, non seulement les mesures classiques telles que l’avertissement, mais aussi des mesures qui ne constituent pas intrinsèquement des sanctions mais peuvent, le cas échéant, le devenir.

Par exemple, l’utilisation disciplinaire d’une clause de mobilité est un exemple de sanction atypique (Cass. soc. 11 juillet 2001 : n° 99-41574).

Interdiction du cumul des sanctions

Par principe, les mêmes faits ne peuvent faire l’objet de plusieurs sanctions.

Dès lors en l’absence de fait nouveau, l’employeur ne peut invoquer un fait déjà sanctionné par un avertissement ou une mise à pied disciplinaire pour justifier le licenciement du salarié (Cass. soc. 18 février 2004, n°02-41622 ; Cass. soc. 14 novembre 2013, n°12-21113).

Ce n’est qu’en cas de récidive du salarié sur des faits fautifs que l’employeur peut invoquer une faute de même nature déjà sanctionnée pour prononcer une sanction aggravée (Cass. soc. 30 septembre 2004, n°02-44030).

Pour qu’une nouvelle sanction puisse être prononcée, il faut qu’une nouvelle faute ait été commise après la notification de la première sanction.


À cet égard, il faut prendre en compte la date de notification de la première sanction et non la date de réception de la notification par le salarié (Cass. soc. 12 février 2013, n°12-15330).  Ainsi, lorsque l’employeur est informé de plusieurs faits commis par le salarié et qu’il choisit de n’en sanctionner que certains, il ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner d’autres faits antérieurs à la première sanction (Cass. soc. 16 mars 2010, n°08-43057 ; Cass. soc. 25 septembre 2013, n°12-12976).

Dans certains cas, l’employeur qui, après avoir notifié un avertissement à un salarié, a connaissance de nouveaux faits fautifs, à la suite d’une enquête, peut licencier l’intéressé sur la base de ces faits, même si les faits « nouveaux » sont étroitement liés à ceux qui avaient justifié l’avertissement. Mais attention, l’enquête doit révéler des faits réellement nouveaux (Cass. soc. 16 avril 2015, n°13-27271).

Dans l’arrêt commenté du 3 février 2017 (Cass. Soc. 03.02.2017 : n°15-11433), un employeur avait constaté des abus importants de ses salariés sur le remboursement de frais, et notamment de frais de bouche. Après enquête, il s’était avéré que 90% de ces abus provenait d’un seul salarié.  L’employeur a donc décidé de modifier la part de remboursement des frais de bouche, provoquant le mécontentement de l’ensemble du personnel. L’employeur avait également adressé un courrier au salarié fautif, en lui expliquait que « la confiance [qu’il] avait placée en [lui] était largement entamée » et en lui rappelant que son « attitude compte tenu de [sa] position dans l’entreprise devrait être exemplaire. Un mois plus tard jour pour jour après l’envoi de cette lettre de reproches et de mise en garde, l’employeur décidait de licencier pour faute grave son salarié.

Ledit salarié a alors saisi la juridiction prud’homale en contestation du licenciement, au motif que cette lettre litigieuse était un avertissement, qui avait donc privé l’employeur du droit de prononcer un licenciement disciplinaire pour les mêmes faits.  Les juges du fond lui donnent raison, la Cour d’appel estimant qu’une lettre indiquant que son attitude avait largement entamé la confiance que l’employeur lui portait constituait une sanction disciplinaire, dès lors qu’il résultait de cette dernière indication qu’elle était de nature à affecter la carrière du salarié.  En prononçant le licenciement pour faute grave, l’employeur avait violé l’article L. 1331-2 du code du travail selon lequel il est interdit de sanctionner 2 fois les mêmes faits fautifs.

La Cour de Cassation approuve cette analyse et confirme que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Sources : 

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 3 février 2017 : RG n°15-11433

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 11 juillet 2001 : RG n°99-41574

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 18 février 2004 : RG n°02-41622

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 14 novembre 2013 : RG n°12-21113

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 18 février 2004 : RG n°02-41622

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 30 septembre 2004 : RG n°02-44030

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 12 février 2013 : RG n°12-15330

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 16 mars 2010 : RG n°08-43057

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 25 septembre 2013 : RG n°12-12976

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 12 février 2013 : RG n°12-15330

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 16 avril 2015 : RG n°13-27217

Partagez :