L’ancienneté dans l’entreprise n’est pas source d’immunité

Un comportement fautif de la part du salarié, à l’origine de risques psychosociaux dans l’entreprise justifie un licenciement pour faute grave, même si le salarié a 40 ans d’ancienneté (Cass. Soc. 31.03.2021 : n° 19-22388).

Qu’est-ce qu’une faute grave ?

La faute grave vise le comportement du salarié en cause.

Il peut s’agir d’un fait ou de plusieurs agissements qui sont imputables au salarié.

Les fautes peuvent être :

  • soit des actes positifs, le salarié ayant un comportement interdit par les règles applicables dans l’entreprise,
  • soit des abstentions de nature volontaire vis-à-vis d’une obligation contractuelle.

Pour être sanctionnés, ces faits fautifs doivent répondre à 2 critères :

  • D’une part ils doivent consister en une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail,
  • D’autre part ils doivent être d’une importance telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant le préavis (Cass. soc. 12 juillet 2005, n° 03-41536).

Si, prises isolément, certaines fautes commises par un salarié ne sont pas graves, elles peuvent le devenir par réitération ou par accumulation (Cass. soc. 21 octobre 2009 : n°08-43219).

Quelles sont les conséquences du licenciement pour faute grave ?

Le licenciement pour faute grave est le plus lourd car il prive le salarié de ses indemnités de licenciement et de préavis (c. trav. art. L. 1234-1 et L. 1234-9).

Celui-ci ne percevra que ses indemnités de congés payés acquis et non pris avant la sortie des effectifs.

Que contrôle le juge en cas de contestation d’un licenciement pour faute grave ?

Si le salarié licencié pour faute grave conteste devant le Conseil de Prud’hommes le licenciement, le juge va opérer un contrôle de la sanction à différents niveaux.

Il va contrôler d’abord que la sanction prononcée n’est pas illicite, c’est-à-dire interdite (par exemple une sanction discriminatoire, ou prescrite).

Le juge va également vérifier si la sanction est proportionnée à la faute, compte tenu du contexte dans lequel le fait a été commis (Cass. soc., 14 nov. 2000, n° 98-45309 ; Cass. soc., 3 avr. 2001, n° 98-45818).

Ce contrôle de la proportionnalité de la sanction s’opère au vu d’éléments objectifs propres à chaque espèce, tels que :

  • l‘ancienneté du salarié ;
  • l’existence ou non de reproches antérieurs ;
  • la fréquence des faits fautifs dans l’entreprise ;
  • les conséquences de l’agissement incriminé ;
  • les conditions particulières de travail ;
  • les relations dans l’entreprise.

Est-ce qu’une ancienneté conséquente dans l’entreprise permet d’éviter un licenciement pour faute grave ?

La réponse est non.

Et c’est la Cour de cassation qui le rappelle (Cass. Soc. 31.03.2021 : n° 19-22388).

En l’espèce, un salarié avait été recruté en 1976, avait gravi les différents échelons et occupait le poste de directeur commercial.

Il avait finalement été licencié pour faute grave en 2016, après 40 ans passés au sein de l’entreprise.

Les faits qui lui étaient reprochés étaient les suivants :

il avait eu un comportement fautif constitué par des paroles et attitudes humiliantes ou insultantes vis-à- vis de ses subordonnés, génératrices de risques psychosociaux : les attestations versées au débat mettent en avant des propos grossiers, colériques et dévalorisants envers le personnel, des relations professionnelles et humaines de mauvaise qualité avec ses collègues.

L’employeur avait estimé que ces faits rendaient impossible son maintien dans l’entreprise et constituaient une faute grave.

Le salarié avait contesté le licenciement en saisissant le Conseil de Prud’hommes.

Il estimait que l’employeur avait toléré son comportement – quand bien même serait-il agressif – pendant 40 ans dont 20 ans à des fonctions managériales.

Selon lui, cette tolérance valait acceptation de son comportement, au regard de son ancienneté.

Il estimait également que l’employeur n’avait pas remis en cause son expérience, ses qualités professionnelles, ni son efficacité.

La Cour d’appel l’a débouté de ses demandes de requalification du licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les faits étaient d’une gravité telle qu’ils ont rendu impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant le préavis.

Peu importe sa longue carrière et la tolérance patiente de l’employeur pendant toutes ces années.

Ce d’autant qu’il avait déjà été sanctionné par 3 fois dans le passé en 2011 et 2012 pour propos orduriers et altercation physique avec un salarié.

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel et rappelle que l’ancienneté ne fait pas l’immunité contre le licenciement pour faute grave.

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 31 mars 2021 : RG n°19-22388

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 12 juillet 2005 : RG n° 03-41536

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 21 octobre 2009 : RG: n°08-43219

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 14 nov. 2000 : RG n° 98-45309

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 3 avr. 2001 : RG n° 98-45818

Par Maitre Virginie LANGLET le 12 avril 2021

Avocat au Barreau de Paris

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