La preuve des heures supplémentaires, comment ça marche?

Les heures supplémentaires sont des sources fréquentes de litiges devant le Conseil de Prud’hommes.

Pour que le conseil de prud’hommes reconnaisse que le salarié ait bien effectué des heures supplémentaires qui n’ont pas été payées par son employeur, il faut prouver la réalité de ces heures supplémentaire et leur nombre.

Comment prouver l’existence de ces heures supplémentaires ?

Est-ce le salarié qui doit prouver ces heures supplémentaires ?

On vous dit tout.

Les heures supplémentaires, c’est quoi ?

Les heures supplémentaires sont des heures de travail accomplies au-delà de la durée légale du travail ou de la durée considérée comme équivalente (c. trav. art. L. 3121-28).

Les heures supplémentaires sont dues à toutes les catégories de salariés à l’exception des cadres dirigeants, et des cadres non dirigeants soumis à une convention de forfait annuel en jours.

Les heures supplémentaires sont celles qui par principe sont effectuées à la demande de l’employeur (Cass. soc. 24.02.2004, n° 01-46190).

Cette demande peut parfois être implicite dans des cas bien précis.

Comment se décomptent les heures supplémentaires ?

Les heures supplémentaires se décomptent par semaine civile.

La semaine civile débute le lundi à 0 h et se termine le dimanche à 24 h (c. trav. art. L 3121-29 et L 3121-35).

Le décompte prend en compte les heures de travail effectif.

Combien sont rémunérées les heures supplémentaires ?

Par principe, la rémunération des heures supplémentaires se voit appliquer une majoration qui est la suivante(c. trav. art. L. 3121-36) :

  • 25 % pour les 8 premières heures supplémentaires (de 35 h à 43 h) ;
  • 50 % pour les heures supplémentaires suivantes (au-delà de 43 h).

En cas de litige, qui doit prouver la réalité des heures supplémentaires accomplies par le salarié ?

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, la charge de la preuve est partagée entre le salarié et l’employeur (c. trav. art. L. 3171-4).

La jurisprudence de la Cour de cassation est constante à ce sujet.

En effet, c’est au salarié de présenter devant le conseil de prud’hommes, a minima « des éléments suffisamment précis » pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre en produisant ses propres éléments (Cass. soc. 18 mars 2020, n° 18-10919).

Attention, la Cour de cassation a rappelé récemment que cette exigence de produire des « éléments suffisamment précis » ne doit pas avoir pour conséquence de faire peser uniquement sur le salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires qu’il a effectuées (Cass. soc. 27 janvier 2021, n° 17-31046).

Aussi, l’employeur doit fournir au juge des éléments permettant de justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié (c. trav. art. L. 3171-4 ; Cass. soc. 10 mai 2007, n° 05-45932).

Dans les faits, l’employeur va donner au juge des éléments qu’il aura extraits du contrôle des heures de travail qu’il a mis en place dans l’entreprise (Cass. soc. 18 mars 2020, n° 18-10919).

C’est de toute façon le juge qui va devoir trancher, en s’appuyant sur tous les éléments fournis par le salarié et l’employeur.

Au final, le juge forme sa conviction en fonction des éléments produits par les parties, sachant qu’il peut le cas échéant ordonner toute mesure d’instruction qu’il estimerait utile.

Les preuves fournies par le salarié doivent-elles être très précises ?

La réponse est : pas nécessairement.

Bien évidemment, il est important que le salarié verse au débat des preuves qui soient le plus précises possibles.

Mais même si les éléments qu’il donne au juge ne sont pas très précises, de toute façon, l’employeur doit lui aussi fournir des pièces.

Le salarié doit donc apporter un commencement de preuve en quelques sortes.

Les preuves des heures supplémentaires acceptées par les juges sont les suivantes :

  • un décompte d’heures de travail « établi au crayon, calculé mois par mois, sans autre explication ni indication complémentaire » ;
  • un document auto-déclaratif du nombre de jours travaillés par lui (preuve d’un dépassement d’une convention de forfait annuel en jours) même si ce document n’avait pas été contresigné par un supérieur hiérarchique, procédure cependant exigée par la convention collective;
  • un document récapitulatif dactylographié anonyme et non circonstancié ;
  • un relevé des heures ;
  • un tableau, dressé a posteriori, dans lequel il avait récapitulé les heures supplémentaires qu’il affirmait avoir accomplies, sans préciser ses horaires de travail ;
  • des relevés établis à son initiative et indiquant, par exemple, ses heures de début et de fin de journée.

La Cour de cassation accepte également les attestations des collègues du salarié en demande.

Dans l’arrêt du 19 octobre 2022 (Cass. soc. 19 octobre 2022, n° 21-18093), le salarié réclamait le paiement d’heures supplémentaires.

Pour prouver sa bonne foi, il avait produit des attestations de collègues qui témoignaient « de son arrivée vers 7h/7h15 le matin et de son départ vers 18h30/19h en fin de soirée ».

La cour d’appel avait jugé que ces preuves étaient insuffisantes.

Pour la cour d’appel, ces preuves n’étaient pas solides en raison de :

  • l’imprécision quant aux heures et jours exacts alors que le salarié aurait pu être en déplacement ;
  • l’absence d’un tableau hebdomadaire reprenant ses horaires de travail que ne fournissait pas le salarié ;
  • l’absence de mail de début ou fin de journée permettant de déterminer leur amplitude horaire, d’agenda professionnel ou d’autre élément apportant un commencement de preuve ou une preuve de la réalisation de 5 heures supplémentaires de travail par semaine.

L’affaire avait été portée devant la Cour de cassation.

Le salarié avait obtenu gain de cause, car la Haute juridiction avait quant à elle estimé qu’il avait présenté des preuves suffisamment précises pour permettre à l’employeur de répondre.

Ce que l’employeur n’avait pas été capable de faire.

Sources :

 Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 19 octobre 2022, n° 21-18093

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 24 février 2004, n° 01-46190

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 18 mars 2020, n° 18-10919

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 27 janvier 2021, n° 17-31046

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 10 mai 2007, n° 05-45932

Par Maitre Virginie LANGLET le 26 janvier 2023

Avocat au Barreau de Paris

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