Les dispositifs de géolocalisation permettent aux employeurs de prendre connaissance de la position géographique des salariés par la localisation d’objets dont ils ont l’usage (ex. : badge, téléphone portable) ou des véhicules qui leur sont confiés dans le cadre de leurs déplacements.
Par principe, la géolocalisation illicite d’un salarié ne peut pas service de preuve recevable en justice.
Il existe des exceptions.
Sommaire
- 1 Quels sont les critères de validité d’un dispositif de géolocalisation du véhicule d’un salarié ?
- 2 Dans quels cas la géolocalisation du véhicule est-elle interdite ?
- 3 Quelles sont les autres obligations de l’employeur ?
- 4 Si la preuve obtenue par dispositif de géolocalisation est illicite, l’employeur peut-il l’utiliser dans le cadre du procès prud’homal ?
Quels sont les critères de validité d’un dispositif de géolocalisation du véhicule d’un salarié ?
Selon la CNIL, l’employeur a le droit d’installer un dispositif de géolocalisation dans des véhicules utilisés par ses salariés uniquement dans les cas suivants.
Pour :
- suivre, justifier et facturer une prestation de transport de personnes, de marchandises ou de services directement liée à l’utilisation du véhicule ;
- assurer la sécurité du salarié, des marchandises ou des véhicules dont il a la charge (par exemple, pour retrouver le véhicule en cas de vol ;
- en cas d’obligation légale ou réglementaire imposant la mise en œuvre d’un dispositif de géolocalisation en raison du type de transport ou de la nature des biens transportés ;
- contrôler le temps de travail, lorsque cela ne peut être réalisé par un autre moyen et que le salarié n’est pas libre de l’organisation de son travail ;
- contrôler le respect des règles d’utilisation du véhicule.
Dans quels cas la géolocalisation du véhicule est-elle interdite ?
- pour contrôler un salarié en permanence ;
- pour contrôler le respect des limitations de vitesse ;
- dans le véhicule d’un salarié disposant d’une liberté dans l’organisation de ses déplacements ;
- pour suivre les déplacements des représentants du personnel dans le cadre de leur mandat ;
- pour collecter la localisation en dehors du temps de travail ;
- pour calculer le temps de travail des salariés alors qu’un autre dispositif existe déjà, même s’il est moins efficace que la géolocalisation.
Quelles sont les autres obligations de l’employeur ?
Avant de mettre en place un dispositif de géolocalisation dans les véhicules de ses salariés, l’employeur doit :
- procéder à une analyse d’impact des données ;
- inscrire le dispositif de géolocalisation dans le registre des activités de traitement.
Si la preuve obtenue par dispositif de géolocalisation est illicite, l’employeur peut-il l’utiliser dans le cadre du procès prud’homal ?
La Cour de cassation a répondu à cette question dans 2 arrêts du 22 mars 2023 (Cass. soc. 22 mars 2023, n° 21-24729 ; 21-22852).
1ère affaire : le contrôle du salarié en dehors de son temps de travail est-il indispensable à l’exercice du droit de la preuve et proportionné au but recherché ?
Dans cette affaire, un chauffeur ne pouvait rentrer à son domicile le soir. Et devait séjourner à proximité des chantiers.
Son employeur lui reprochait de ne pas avoir optimisé ses allers-retours entre différents chantiers et ses points de chute en fin de journée et d’avoir parcouru plus de 250 km par jour au kilométrage du camion, de la fatigue et un risque supplémentaire au regard des temps de conduite.
L’employeur l’a sanctionné par une mise à pied disciplinaire. Ce qui n’a pas fait modifier le comportement du chauffeur.
Pire, il a utilisé le véhicule professionnel à titre personnel malgré l’interdiction formelle de l’employeur et sans même solliciter d’autorisation.
Las de ce comportement, l’employeur l’a licencié pour faute grave.
Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour contester les 2 sanctions.
Il affirmait que le dispositif de géolocalisation utilisé par l’employeur était illicite.
Débouté par les premiers juges, il a saisi la Cour de cassation qui a cassé l’arrêt d’appel.
Pour la Cour de cassation, l’illicéité d’un moyen de preuve portant atteinte à la vie privée d’un salarié n’entraîne pas nécessairement son irrecevabilité (Cass. soc. 30 septembre 2020, n° 19-12058 ; Cass. soc. 25 novembre 2020, n° 17-19523).
Pour la Haute juridiction, le juge doit toujours vérifier si l’utilisation de cette preuve illicite, parce qu’elle porte atteinte à la vie privée, est indispensable et si elle est proportionnée au but recherché.
En effet, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à deux conditions (c. trav. art. L. 1121-1) :
- que cette violation soit indispensable à l’exercice du droit à la preuve ;
- et que cette atteinte à la vie privée soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Dans cette affaire, pour prononcer les deux sanctions disciplinaires, l’employeur avait utilisé les données issues de la géolocalisation du véhicule professionnel mis à la disposition du salarié, y compris celles collectées en dehors du temps de travail du salarié.
Or, ce système de géolocalisation était destiné à la protection contre le vol et la vérification du kilométrage.
Certes, il avait porté atteinte à la vie privée de son salarié mais les juges auraient dû vérifier si cette preuve était indispensable et proportionnée de l’atteinte à la vie privée.
2ème affaire : géolocalisation utilisée pour contrôler en permanence le salarié même dans sa vie privée
Dans cette affaire, un conducteur scolaire utilisait de manière abusive à des fins personnelles le véhicule professionnel.
D’abord sanctionné par un avertissement, il avait été licencié.
Il avait alors contesté en justice.
Le licenciement ayant été requalifié sans cause réelle et sérieuse, l’employeur avait saisi la Cour de cassation.
Les juges avaient trois reproches à l’attention de l’employeur :
- Tout d’abord, il n’avait pas informé le salarié de la mise en œuvre du dispositif de géolocalisation, de la finalité poursuivie par ce système et des données collectées, alors qu’il y est tenu notamment par les règles de protection des données personnelles (RGPD, art. 13).
- Ensuite, l’employeur aurait pu utiliser un autre moyen que la géolocalisation pour assurer le suivi du temps de travail de son personnel (dispositif de livrets individuels de contrôle, obligatoires dans les entreprises de transport routier de personnes).
- Enfin, l’employeur n’avait pas le droit d’utiliser la géolocalisation pour contrôler le salarié en dehors des horaires et des jours de travail.
L’usage ainsi fait de la géolocalisation était donc illicite car il apportait aux droits et aux libertés individuelles du salarié des restrictions disproportionnées à la finalité recherchée (c. trav. art. L. 1121-1).
En conclusion
Il faut faire preuve de la plus grande prudence avant de mettre en place un système de géolocalisation dans les véhicules confiés aux salariés, et être encore plus prudent dans l’exploitation des preuves ainsi obtenues.
N’hésitez pas à faire appel aux conseils d’un avocat en droit du travail.
Sources :
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 22 mars 2023, n° 21-24729 ; 21-22852
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 30 septembre 2020, n° 19-12058
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 25 novembre 2020, n° 17-19523
Par Maitre Virginie LANGLET le 22 mai 2023
Avocat au Barreau de Paris
8 rue Blanche – 75009 PARIS
Tél : 01.84.79.16.30