La démission du salarié doit toujours être claire et non équivoque

La démission ne peut résulter que d’une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail (Cass. soc. 21 octobre 2020 : n°19-10635).

Qu’est-ce que la démission ?

La démission est l’acte par lequel le salarié fait connaître à l’employeur sa décision de rompre son contrat de travail.

La démission ne concerne que les salariés embauchés par contrat de travail à durée indéterminée.

Le salarié a la liberté de démissionner. Il peut le faire à tout moment en respectant un préavis, sans réelle procédure, sans motif et sans autorisation de l’employeur.

La démission doit être portée à la connaissance de l’employeur. Il n’existe aucune exigence légale de forme en la matière. Elle peut même être verbale (ce qui n’est tout de même pas recommandé pour des questions de preuve notamment).

La seule exigence consiste en ce que la démission doit être librement consentie mais surtout elle doit manifester la volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner.

La liberté du consentement

Un critère est essentiel en matière de démission : il s’agit du consentement du salarié qui démissionne.

Ainsi, la démission du salarié doit être librement consentie.

Cela signifie que le salarié doit avoir la capacité de démissionner et son consentement ne doit pas avoir été vicié.

À défaut, la démission est nulle et la rupture du contrat s’analyse en un licenciement abusif (Cass. soc. 10 novembre 1998 n° 96-44299).

Ne sont pas légitimes les démissions données dans les contextes suivants :

  • Une démission donnée sous la contrainte ou la pression de l’employeur (par exemple si le salarié est menacé d’une plainte pénale ou d’un licenciement ( soc. 25 juin 2003 : n° 01-43760),
  • Une démission rédigée sous la dictée de l’employeur, dans l’entreprise, en présence des autres collaborateurs. Il s’agit d’un contexte d’infériorité ou d’intimidation qui vicie le consentement et rend illégitime la démission ( soc. 30 septembre 2003 n° 01-44949)
  • Une démission donnée dans un état psychologique anormal n’est pas légitime au regard du consentement ( soc. 1er février 2000 : n° 98-40244)
  • Une démission donnée sous le coup de la colère ou de l’émotion n’est pas non plus légitime ( soc. 07.04.1999 n° 97-40689)

En matière de consentement, il faut toujours veiller au contexte dans lequel le salarié est amené à démissionner.

La volonté claire et non équivoque de démissionner

La démission ne se présume pas.

La démission doit résulter d’une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat.

En cas de contentieux, c’est au juge de vérifier si, au moment où elle a été donnée, la démission résultait d’une volonté claire et non équivoque du salarié de mettre fin à son contrat de travail (Cass. soc. 9 mai 2007, n° 05-40315 ; Cass. soc. 28 novembre 2012, n° 11-20954).

La démission équivoque est requalifiée par le juge en prise d’acte de la rupture (notamment : Cass. soc. 9 mai 2007 précité ; Cass. Soc. 20 novembre 2019 : n° 18-25.155).

Voici des illustrations de cas dans lesquels la démission a été jugée comme équivoque :

  • Une absence irrégulière ( soc. 29 octobre 1991 : n° 88-45606) ;
  • Le refus d’un nouveau poste ( soc. 17 novembre 1998 : n° 96-45452) ;
  • Le retour tardif de congés payés ( soc. 27 avril 1989 : n° 86-42663).


La démission est nécessairement équivoque lorsque le salarié énonce, dans la lettre de rupture, les faits qu’il reproche à l’employeur (Cass. soc. 15 mars 2006 :n° 03-45031 ; 9 mai 2007 n° 05-45613).

De la même manière, si la démission est notifiée sans réserve, mais qu’elle est tout de même remise en cause dans un délai raisonnable, elle pourra être jugée équivoque, et donc nulle (Cass. soc. 5 décembre 2007 : n° 06-43871 ; 29 septembre 2009 : n° 08-40363).

La Cour de cassation estime également que s’il est établi qu’un différend antérieur ou contemporain à la rupture opposait les parties, la démission est équivoque et pourra être remise en cause (Cass. soc. 19 décembre 2007 : n° 06-42550 ; 23 janvier 2019 : n° 17-26794).

Décision du 21 octobre 2020 : RG n° 19-10635

Dans l’arrêt du 21 octobre 2020 (Cass. soc. 21 octobre 2020 : n°19-10635), la Cour de cassation a rappelé ces principes essentiels.

En l’espèce, l’employeur (entreprise en liquidation judiciaire représentée par le mandataire liquidateur) déclare avoir été informé de la démission du salarié.

Il en tire les conséquences et met donc fin au contrat de travail.

Le salarié conteste et réclame diverses sommes à titre d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts.

Il indique n’avoir jamais fait part d’une démission écrite.

L’employeur fait valoir qu’une démission peut être verbale et verse au débat le registre du personnel (registre des entrées et sorties du personnel), faisant mention de cette démission, à une date bien précisée.

Il fait valoir également le fait que cette démission est corroborée par le fait que postérieurement à cette date de démission, aucun bulletin de paie n’a plus été établi.

Si la Cour d’appel déboute le salarié et entend les arguments de l’employeur, ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation.

La Haute Juridiction, faisant état de sa jurisprudence constante en la matière, rappelle que la démission ne se présume pas. La démission ne peut résulter que d’une manifestation claire et non équivoque de la volonté du salarié de rompre le contrat de travail.

En l’espèce, il n’est pas prouvé cette volonté de démissionner, et pour cause.

Sources :

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 21 octobre 2020 : RG n° 19-10635

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 25 juin 2003 RG n° 01-43760

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 30 septembre 2003 RG n° 01-44949

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 1er février 2000 : RG n° 98-40244

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 07 avril 1999 : RG n° 97-40689

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 9 mai 2007, RG n° 05-40315

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 28 novembre 2012, RG n° 11-20954

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 20 novembre 2019 : RG n° 18-25.155 

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 29 octobre 1991 : RG n° 88-45606

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 17 novembre 1998 : RG n° 96-45452

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 27 avril 1989 : RG n° 86-42663

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 5 décembre 2007 : RG n° 06-43871

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 29 septembre 2009 : RG n° 08-40363

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 19 décembre 2007 : RG n° 06-42550 

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 23 janvier 2019 : RG n° 17-26794

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 15 mars 2006 : RG n° 03-45031 

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 9 mai 2007 RG n° 05-45613

Par Maitre Virginie LANGLET le 20 novembre 2020

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

www.cabinet-avocats-langlet.fr

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