Heures supplémentaires : sur qui pèse la preuve en cas de conflit ?

Les heures supplémentaires deviennent un sujet épineux en cas de litige entre l’employeur et le salarié, surtout lorsque le salarié reproche à l’employeur de ne pas lui payer ses heures supplémentaires.

En cas de litige, qui de l’employeur ou du salarié doit prouver les heures supplémentaires ?

La Cour de cassation répond régulièrement à cette question (Cass. soc. 15 janvier 2025, n° 23-19046).

Heures supplémentaires : définition

Pour tout savoir sur les heures supplémentaires, lire ici

Heures supplémentaires : un partage de preuves en cas de litige ?

Les heures supplémentaires doivent être prouvées en cas de litige devant le conseil de prud’hommes.

Les heures supplémentaires sont réclamées par le salarié, notamment lorsqu’il estime qu’elles n’ont pas été payé par son employeur.

La charge de la preuve de la réalisation – ou non réalisation – de ces heures supplémentaires est partagée entre eux (c. trav. art. L. 3171-4 ; Cass. soc. 18 mars 2020, n° 18-10919 FPPBRI).

Le salarié doit présenter « des éléments suffisamment précis » à l’appui de sa demande (Cass. soc. 31 mai 2006, n° 04-47376).

En retour, l’employeur doit y répondre en produisant ses propres éléments.

Il faut savoir que l’employeur assure le contrôle des heures de travail effectuées par ses salariés.

Les heures supplémentaires, effectuées ou non peuvent donc être prouvée par l’employeur sur la base de décomptes qui sont en sa possession et au moyen desquels il assure le contrôle des heures de travail effectuées (Cass. soc. 18 mars 2020, n° 18-10919).

C’est le juge qui, au terme du contentieux, aura la responsabilité de trancher le litige en se basant sur tous ces éléments.

Il ne pourra pas se prononcer en fonction des seuls éléments apportés par le salarié, sans que l’employeur ait eu à communiquer ses propres éléments (c. trav. art. L. 3171-4).

Heures supplémentaires : que doit faire le salarié pour gagner devant le conseil de prud’hommes ?

Le salarié n’a pas l’obligation de prouver l’existence et le nombre exact d’heures supplémentaires prétendument travaillées.

Mais le salarié doit donner suffisamment de matière et de précision pour que l’employeur puisse répondre et fournir des éléments de preuve adéquats.

Quels sont les éléments suffisants réclamés par la jurisprudence ?

Arrêt du 15 janvier 2025 : n° 23-19046

Par exemple, dans l’arrêt du 15 janvier 2025, il s’agissait d’un salarié embauché dans un restaurant.

Il prétendait qu’il travaillait 6 jours sur 7, de 10 h à 15 h puis de 17 h à 23 h 30, voire jusqu’à minuit les samedis. Il affirmait qu’il était présent sur l’ensemble des horaires d’ouverture du restaurant.

Il prouver 16 heures supplémentaires sur la base d’attestations de clients et de la page Google du restaurant indiquant ses horaires d’ouverture.

L’employeur avait produit les témoignages de deux salariés du restaurant qui indiquaient avoir travaillé avec le salarié selon les horaires suivants : 10 à 12 h et 19 à 21 h. Le salarié affirmait qu’il s’agissait de membres de la famille de l’employeur.
La cour d’appel avait estimé que les éléments fournis par le salarié n’était pas suffisant.

La Cour de cassation saisie par le salarié n’est pas de cet avis.

La Cour de cassation rappelle que dans un contentieux sur la durée du travail, le juge doit :

  • analyser les pièces produites par le salarié et l’employeur ;
  • et s’il retient l’existence d’heures supplémentaires, évaluer leur importante (sans avoir à donner le détail de son calcul) et fixer les créances salariales qui s’y rapportent.

Dans cette affaire, pour la Cour de cassation, le salarié avait présenté des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre.

Arrêt du 7 février 2024 : n° 22-15255

Dans une autre affaire du 7 février 2024 (Cass. soc. 7 février 2024, n° 22-15255) la Cour de cassation s’était également penchée sur les preuves fournies par le salarié.

Dans cette affaire, une salariée occupait le poste de conseiller communication digitale.

Elle a réclamé devant le conseil de prud’hommes le paiement d’heures supplémentaires qu’elle prétendait avoir accomplies.

Elle prouvait sa demande de paiement d’heures supplémentaires sur la base de nombreux courriels adressés et/ou reçus tôt le matin (entre 4h25 et 7h38) ou tard le soir (entre 19h01 et 22h17), parfois sans que ne soit respectée une durée minimale de 11h entre la dernière connexion le soir et la première connexion le lendemain matin.

Elle communiquait également des copies d’agenda électronique mentionnant des tâches, dont certaines avant 9h et d’autres après 17h, ajoutant s’être connectée, à plusieurs reprises, au logiciel des relations clients après 20h et donc avoir travaillé à ce moment-là.

Enfin, la salariée revendiquait travailler 47 semaines par an.

La cour d’appel avait rejeté la demande de paiement d’heures supplémentaires en considérant que :

  • la salariée, non soumise à des horaires collectifs, n’a fourni aucun élément validant le fait qu’elle aurait travaillé chaque jour de 8h30 à 12h30 et de 14h à 18h ;
  • les copies d’agenda électronique produites sur une période de plus de six mois ne mentionnaient que quelques tâches pour chaque journée (au demeurant rarement avant 9h après 16h30 ou 17h), ce qui ne permettait pas de corroborer les horaires avancés ;
  • la salariée ne précisait pas les semaines travaillées, ce qui ne permettait aucun contrôle de la part de l’employeur, considérant que compte tenu des jours de RTT dont elle a bénéficié qu’elle ait travaillé 47 semaines par an

La salariée avait saisi la Cour de cassation pour contester l’arrêt d’appel.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel.

Elle a en effet estimé que, en se prononçant sur la base des seuls éléments produits par la salariée et en les jugeant insuffisants pour déterminer la durée de travail de la salariée, la cour d’appel avait injustement fait peser exclusivement sur la salariée la charge de la preuve des heures de travail accomplies.

Et ainsi, la cour d’appel n’avait pas respecté le principe selon lequel le salarié et l’employeur doivent rapporter les preuves en matière d’heures supplémentaires, sans qu’aucun des deux n’ait l’entière responsabilité du litige.

En pratique, en cas de litige, que faire?

En pratique, en cas de contentieux devant le conseil de prud’hommes, il est vivement recommandé au salarié de prouver un maximum d’éléments.

En effet, l’employeur va prouver de son côté que le salarié n’a pas fait d’heures supplémentaires, au moyen d’éléments plus ou moins probants.

Or devant le conseil de prud’hommes, c’est celui qui justifie le mieux de sa situation qui obtient gain de cause.

Pour toute question, n’hésitez pas à contacter un avocat.

Les litiges en matière d’heures supplémentaires représentent un enjeu majeur, à la fois pour le salarié en termes de rémunération, mais également pour l’employeur, en cas de condamnation.

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 15 janvier 2025, n° 23-19046
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 7 février 2024, n° 22-15255
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 17 mai 2023, n° 22-11592
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 18 mars 2020, n° 18-10919
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 31 mai 2006, n° 04-47376

Par Maitre Virginie LANGLET le 23 janvier 2025
Avocat au Barreau de Paris
8 rue Blanche – 75009 PARIS
Tél : 01.84.79.16.30 / 06.65.33.12.13

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