Pas besoin de mise en demeure préalable pour une prise d’acte

Dans un avis n°15003 du 3 avril 2019, la Cour de cassation a indiqué que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail n’a pas à être précédée d’une mise en demeure prévue par l’article 1226 du code civil.

La prise d’acte du contrat de travail

La prise d’acte est un mode de rupture du contrat de travail réservé au seul salarié en contrat à durée indéterminée (CDI).

La prise d’acte est motivée par les faits qu’il reproche à son employeur. 

Le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur seulement s’il lui reproche de ne pas respecter ses obligations de façon grave que ce soit :

  • une inexécution de ses obligations contractuelles ou conventionnelles (ex. : non-paiement du salaire, modification de la qualification professionnelle sans l’accord du salarié) ;
  • une attitude fautive (ex. : non-respect de règles d’hygiène, harcèlement, etc.).

Les faits fautifs ou les inexécutions des obligations contractuelles ou conventionnelles de l’employeur doivent être suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle (Cass. soc. 30 mars 2010, n° 08-44236 ; Cass. soc. 5 juillet 2017, n° 16-11520).

Lorsque les manquements reprochés à l’employeur sont anciens, la prise d’acte n’est pas fondée puisque le contrat de travail a pu se poursuivre malgré l’attitude de l’employeur (Cass. soc. 26 mars 2014, n° 12-23634).

Les effets de la prise d’acte

La prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié entraîne la cessation immédiate du contrat (Cass. soc. 31.10.2006, n°04-46280 ; Cass. soc. 25.02.2009, n°06-46436).

La prise d’acte rompant immédiatement le contrat de travail, le salarié n’est pas tenu d’exécuter un préavis.

La prise d’acte peut produire les effets d’une démission si les juges estiment que les griefs invoqués par le salarié ne justifiaient pas la rupture du contrat.

La prise d’acte peut tout aussi bien produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque les juges estiment que les griefs reprochés à l’employeur justifient la rupture du contrat.

Dans ce cas, le salarié a droit à l’indemnité de licenciement, à une indemnité compensatrice de préavis et à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La procédure de la prise d’acte

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail ne requiert aucun formalisme particulier.

Mais la plupart du temps, le salarié envoie une lettre recommandée avec avis de réception (LRAR) ou il remet son courrier directement à l’employeur.

Cela permet de dater précisément la prise d’acte et d’éviter tout doute sur le mode de rupture.

La mise en demeure du code civil

La question a été posée par le Conseil de Prud’hommes de Nantes à la Cour de Cassation est la suivante :  le salarié doit il obligatoirement mettre en demeure son employeur pour que sa prise d’acte soit valable ?

L’article 1226 du code civil (dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016) impose notamment, préalablement à toute résolution unilatérale du contrat et sauf urgence, de mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

Le salarié doit-il, avant toute résiliation unilatérale telle qu’est la prise d’acte, adresser cette mise en demeure ?

La Cour de cassation a répondu par la négative.

Pour la Haute Juridiction, les modes de rupture du contrat de travail, à l’initiative de l’employeur ou du salarié, sont régis par des règles particulières, et emportent des conséquences spécifiques, de sorte que les dispositions de l’article 1226 du code civil ne leur sont pas applicables.

Le contrat de travail et ses modes de rupture obéissant à des règles propres -celles du code du travail-, la prise d’acte est valable, même en l’absence de mise en demeure préalable du salarié à l’égard de son employeur.

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, avis du 3 avril 2019 n° 15003

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 5 juillet 2017 : RG n° 16-11520

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 26 mars 2014 : RG n° 12-23634

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 31 octobre 2006 : RG n°04-46280

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 25 février 2009 : RG n°06-46436

Par Maitre Virginie LANGLET le 24 avril 2019

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

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