Les nouveautés jurisprudentielles du régime de l’inaptitude au travail

Le régime juridique de l’inaptitude (professionnelle ou non professionnelle) continue de s’affiner et de se préciser, avec les derniers arrêts de la Cour de cassation de l’année 2018.

Définition de l’inaptitude au travail

L’inaptitude au travail est une incapacité physique ou mentale pour un salarié à exercer tout ou partie de ses fonctions.

Différentes catégories d’inaptitude au travail existent :

  • L’inaptitude partielle : lorsque le salarié reset capable d’accomplir une partie des tâches correspondant à son poste de travail
  • L’inaptitude totale : lorsque le salarié ne peut plus accomplir aucune des tâches correspondant à son poste, mais reste capable de tenir un emploi différent ;
  • L’inaptitude temporaire : lorsque le salarié est en mesure de recouvrer ses capacités, à court ou moyen terme ; elle est définitive dans le cas contraire ;
  • L’inaptitude d’origine professionnelle : lorsqu’elle résulte d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle;
  • L’inaptitude d’origine non professionnelle : lorsque l’inaptitude résulte d’une maladie ou d’un accident non professionnel.

Le salarié qui veut faire reconnaitre son accident ou sa maladie en inaptitude professionnelle doit rapporter la preuve d’un lien de causalité entre l’accident et l’inaptitude à son poste (Cass. soc., 5 octobre 2011, n° 08-42909).


Si aucun élément ne permet de considérer que l’inaptitude physique du salarié est la conséquence de l’accident du travail dont il a été victime, les règles spécifiques applicables à l’inaptitude d’origine professionnelle doivent être écartées (Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22285).

Pour la Cour de cassation, il ne suffit pas de dire que l’employeur avait connaissance du lien, à tout le moins partiel, des arrêts de travail du salarié avec une maladie professionnelle.

Les juges du fond doivent vérifier que l’inaptitude constatée par le médecin du travail avait au moins partiellement une origine professionnelle (Cass. soc., 28 nov. 2018, n°17-21.654).

La reconnaissance de l’inaptitude du salarié par le médecin du travail

Depuis la loi Travail du 8 août 2016, le régime de reconnaissance de l’inaptitude au travail a été modifié (Loi 2016-1088 du 8 août 2016, art. 102-V, JO du 9 ; décret 2016-1908 du 27 décembre 2016, JO du 29).

L’inaptitude physique d’un salarié à son poste de travail doit toujours être constatée par le médecin du travail qui est seul est habilité à se prononcer.

Depuis le 1er janvier 2017, le médecin du travail doit, avant de déclarer un salarié inapte, avoir procédé à un examen médical accompagné, le cas échéant, d’examens complémentaires (article L 4624-4 du Code du travail).

Il procède également à :

  • une étude du poste du salarié dont il envisage de conclure à l’inaptitude physique ;
  • une étude des conditions de travail dans l’établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée.

Parfois, le médecin du travail peut estimer qu’un second examen est nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision.

Ce second examen doit intervenir dans les 15 jours suivant le premier examen médical (article R 4624-42 du Code du travail).

La constatation de l’inaptitude physique du salarié nécessite depuis le 1er janvier 2017 des échanges préalables entre le médecin du travail et le salarié d’une part, et le médecin et l’employeur d’autre part.

Le médecin du travail doit rédiger un avis d’inaptitude accompagné de ses conclusions écrites, assorties d’indications quant au reclassement du salarié.

Enfin, le médecin du travail doit transmettre l’avis d’inaptitude au salarié et à l’employeur par tout moyen lui donnant une date certaine. L’employeur doit l’archiver afin de pouvoir le présenter à tout moment à la demande de l’inspecteur du travail et du médecin inspecteur du travail.

Une copie de l’avis doit être insérée dans le dossier médical en santé au travail du salarié concerné (article R 4624-55 c. trav.).

Inaptitude du salarié et recherche de reclassement par l’employeur

La déclaration d’inaptitude déclenche la recherche de reclassement sauf cas de dispense expresse de reclassement.

En cas d’inaptitude professionnelle ou d’inaptitude non professionnelle, l’employeur est dispensé de rechercher un reclassement uniquement dans les cas suivants, si l’avis d’inaptitude mentionne que (c. trav. art. L. 1226-2-1 et L. 1226-12) :

  • tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ;
  • ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Cette dispense de recherche de reclassement pour l’employeur est la nouveauté de la loi Travail.

Lorsqu’aucune de ces mentions ne figure dans l’avis d’inaptitude, l’employeur doit rechercher un poste de reclassement, en échangeant au besoin avec le médecin du travail, qui peut être amené à faire des propositions de poste ou d’aménagement de poste.

L’employeur doit en principe, rechercher le poste de reclassement en s’appuyant sur les propositions du médecin du travail.

Le licenciement pour inaptitude ne peut pas être invalidé au seul motif que le médecin n’a pas exprimé un avis sur le poste de reclassement envisagé.

C’est à l’employeur de tirer les conséquences du refus du médecin de travail de donner lui-même son avis sur le poste de reclassement envisagé.  (Cass. Soc. 9 janv. 2019, n° 17-21516).

Le licenciement du salarié déclaré inapte

En application des articles L 1226-2-1 et L 1226-12 du code du travail, en cas d’inaptitude d’un salarié, d’origine professionnelle ou non professionnelle, l’employeur ne peut le licencier que dans les trois cas suivants :

  • il est dans l’impossibilité de lui proposer un emploi de reclassement ;
  • le salarié a refusé le reclassement proposé, que celui-ci modifie ou non son contrat de travail (Cass. soc. 9 avril 2008, n°07-41105 ; Cass. soc. 26 janvier 2011, n°09-43193) ;
  • l’avis d’inaptitude du médecin du travail mentionne que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement, avant que ne soit engagée la procédure de licenciement (C. trav., art. L. 1226-2-1 et L. 1226-12).

A défaut, c’est une irrégularité de forme ouvrant droit à indemnisation.

Ni une information verbale ni la lettre de licenciement ne peut pallier l’absence de cet écrit (Cass. soc. 10 mai 2005, n°03-43134).

Même si la lettre de licenciement indique le motif précis de licenciement et les étapes successives ayant conduit au licenciement, le fait que l’employeur n’ait pas fait connaître par écrit les motifs s’opposant au reclassement, avant que ne soit engagée la procédure de licenciement, rend la procédure de licenciement irrégulière et ouvre droit à indemnisation (Cass. soc., 28 nov. 2018, n°17-20.068).

Si à l’issue d’un délai d’un mois après le constat d’inaptitude, le salarié n’est ni reclassé ni licencié, l’employeur est tenu de lui verser à nouveau son salaire (C. trav., art. L. 1226-4 et L. 1226-11).

Le salaire est dû jusqu’à la présentation de la lettre de licenciement et non jusqu’à la date d’envoi de cette lettre ; il importe peu que le salarié ne puisse pas exécuter un préavis en raison de son inaptitude (Cass. soc., 12 déc. 2018, n°17-20801).

La Cour de cassation distingue bien entre la date de la rupture du contrat (date d’envoi de la lettre) et la date d’effet de la rupture (date de présentation).

Sources :

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 5 octobre 2011 : RG n° 08-42909

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 13 mars 2013, n° 11-22285

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 9 avril 2008 : RG n°07-41105

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 26 janvier 2011 : RG n°09-43193

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 31 janvier 2006 : RG n° 05-41188

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 9 avril 2008 : RG n° 07-40356

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 9 janvier 2019 : RG n°17-21513

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 12 décembre 2018 : RG n° 17-21126

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 12 décembre 2018 : RG n° 17-20801

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 28 novembre 2018 : RG n° 17-21654

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 10 mai 2005 : RG n°03-43134

Par Maitre Virginie LANGLET le 28 janvier 2019

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

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