Violences au travail et obligations de l’employeur

L’obligation de sécurité de l’employeur en cas de violence au travail du salarié

Un salarié qui va générer une situation de violence sur son lieu de travail en provoquant une agression ne peut venir reprocher à l’employeur un manquement à son obligation de sécurité, ce surtout si l’employeur réagit immédiatement (Cass. soc. 01.02.2017 : 15-24166).

L’obligation de sécurité de l’employeur

Par principe, l’employeur est tenu d’une obligation de prévention à l’égard de la sécurité et de la protection de la santé des travailleurs (en application de l’article L. 4121-1 du Code du travail. En effet, les dispositions des articles L 4121-1 à L 4121-5 du Code du travail imposent à l’employeur d’assurer, la santé mentale et physique de ses salariés.

L’obligation de sécurité de l’employeur s’applique en matière de harcèlement moral, de harcèlement sexuel et de violences physiques ou morales.

L’employeur doit prévenir la survenance de ces risques par divers moyens tels que des actions de prévention des risques professionnels, de pénibilité au travail, ou encore des actions d’informations et de formations. En ce sens l’employeur doit se doter d’une organisation et de moyens adaptés (article L. 4121-1 du Code du travail). Il doit en effet prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de chaque salarié (Cass. Soc. 28.02.2006, n°05-41455). La prévention de ces risques nécessite une évaluation préalable (article L. 4121-3 du Code du travail).

En application de son obligation de sécurité de résultat, l’employeur ne doit pas, dans l’exercice de son pouvoir de direction, prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés. En cas de manquement à cette obligation, l’employeur peut être condamné à verser des dommages et intérêts au salarié concerné (Cass. Soc. 6 janvier 2011, n°09-66704).
La méconnaissance de l’obligation de sécurité de résultat autorise même le salarié à prendre l’initiative de rompre le contrat de travail s’il apparaît que le comportement de l’employeur rend impossible la poursuite de la relation de travail (Cass. Soc. 11.03.2015, n°13-18603).

L’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité : l’obligation de sécurité de moyens

La Cour de Cassation a admis pour la première fois, dans un arrêt du 25 novembre 2015, la possibilité pour l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité (Cass. Soc. 25.11.2015 : 14.24444).  Ainsi même si l’employeur est tenu, à l’égard de chaque salarié, d’une obligation de sécurité qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé physique et mentale, sauf cas d’exonération (Cass. soc. 25.11.2015, n°14-24444).

Pour la première fois, la Haute Juridiction rejette toute condamnation systématique de l’employeur, en imposant aux juges du fond de s’attacher aux mesures mises en œuvre par l’employeur, prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail. Si l’employeur a fait le nécessaire, il n’aura alors pas méconnu l’obligation légale lui imposant de prendre toutes ces mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

La Cour de Cassation confirmait sa nouvelle jurisprudence par un arrêt du 22 septembre 2016 (Cass. soc. 22.09.2016 : 15-14005).

Dans cette affaire, un salarié, occupant le poste de commercial affirmait avoir été agressé sur son lieu de travail. Il reprochait à son employeur de ne pas avoir pris les mesures nécessaires suite à cette agression et de ne pas avoir respecté son obligation de sécurité de résultat. Deux causes d’exonérations de la responsabilité de l’employeur avaient été mises en avant par la Cour de Cassation :

  • L’agresseur n’était pas un salarié de l’entreprise. Ceci signifie que l’employeur ne pouvait pas exercer à son encontre un quelconque pouvoir disciplinaire.
  • L’employeur avait immédiatement réagi et mis en place une organisation et des moyens adaptés alors même que l’agression était un fait unique, commis en dehors de la présence de l’employeur qui n’avait pas connaissance de tensions entre son salarié et l’agresseur.

C’est en raison de ces démarches prises par l’employeur que les juges du fond n’avaient pas fait droit aux demandes du salarié, en considérant que l’employeur avait réagi face à la situation. Il n’avait donc pas manqué à son obligation de sécurité de résultat, et n’engageait pas sa responsabilité à l’égard du salarié victime de l’agression.  La Cour de Cassation est du même avis.

La Cour de Cassation rappelait dans cette affaire que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris les mesures nécessaires propres à assurer la sécurité des salarié (mesures visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail).

Jusqu’à présent, la Cour de Cassation n’avait pas appliqué sa nouvelle jurisprudence de 2015 aux cas de violences physiques (cf arrêt du 26 mai 2016 : Cass. soc. 26.05.2016 : 14-15566). Elle renouvelle cette jurisprudence de septembre 2016 dans un arrêt du 1er février 2017 (Cass. soc. 01.02.2017 : 15-24166), dont les faits portent également sur une agression physique d’un salarié.

En l’espèce, un salarié s’était déclaré victime d’une agression physique sur son lieu de travail, et avait été déclaré en accident du travail et inaptitude. Il avait été licencié pour inaptitude. Il avait saisi la juridiction prud’homale, s’estimant victime de la violation de l’obligation de sécurité de résultat de la part de son employeur.  Il est débouté par les juges du fond, ce que confirme la Cour de Cassation.

En effet, pour la Haute Juridiction, il résulte bien des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que les actions que l’employeur doit mettre en œuvre pour protéger la santé physique et mentale des salariés concernent la prévention des risques professionnels et l’évaluation de ceux qui ne peuvent être évités. Mais en l’espèce, les faits invoqués par le salarié avaient pour seule cause son propre comportement caractérisé par une violence commise à l’encontre d’un collègue, qui n’avait fait que répliquer à l’agression. 

Or, pour les Haute Cour, d’une part l’employeur ne pouvait anticiper un tel risque ; et d’autre part, l’employeur était personnellement intervenu pour faire cesser l’altercation. Dans ces conditions, il n’a commis aucun manquement à son obligation de sécurité, qui est bien une obligation de sécurité de moyens.

La Cour de Cassation fait ici application de l’adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans – nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude (en résumé de ses propres mauvais agissements) : le salarié ne pouvait reprocher à son employeur la violation d’une obligation de sécurité, alors qu’il a lui-même créé les conditions de son insécurité.  Cet arrêt se place au cœur de l’actuelle évolution de la jurisprudence de la Cour de Cassation en matière d’obligation de sécurité de l’employeur.  Après avoir longtemps été considérée comme une obligation de sécurité de résultat, dont il ressortait que l’employeur ne pouvait presque jamais s’exonérer de sa responsabilité dès lors qu’un risque se réalisait, cette obligation s’apparente désormais davantage à une obligation de sécurité de moyens renforcés. 

L’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité dès lors qu’il a mis en œuvre des moyens de prévention et qu’il réagit immédiatement après l’apparition d’une situation présentant un risque pour la sécurité du salarié.

 Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 1er février 2017 : RG n°15-24166

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 22 septembre 2016 : RG n°15-14005

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 25 novembre 2015 : RG n°14-24444

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 28 février 2006 : RG n°05-41455

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 6 janvier 2011 : RG n°09-66704

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 11 mars 2015 : RG n°13-18603

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 26 mai 2016 : RG n°14-15566

Partagez :