Licenciement sans cause réelle et sérieuse et barème d’indemnisation Macron : le débat est relancé !

Dans un arrêt retentissant, la Cour d’appel de Paris a écarté le barème Macron d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse et a octroyé des dommages et intérêts conformes au préjudice subi (CA Paris, Pôle 6 ch. 11, 16 mars 2021 : n°19/08721).

L’indemnisation du licenciement sans cause réelle ni sérieuse avant le « barème Macron »

Avant le 23 septembre 2017, l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse répondait aux règles suivantes :

  • Pour les salariés de + de 2 ans d’ancienneté

dans une entreprise comportant plus de 11 salariés, le salarié percevait une indemnité équivalente à au moins 6 mois de salaire (ancien article L.1235-3 du Code du travail).

  • Pour les salariés de – de 2 ans d’ancienneté

Le salarié devait démontrer au juge le préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais l’indemnité était inférieure à 6 mois de salaire.

Le « barème Macron » d’indemnités du licenciement sans cause réelle ni sérieuse

L’ordonnance Macron du 22 septembre 2017 a bouleversé les règles d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse par un nouvel article L 1235-3 du code du travail (ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, art. 2, JO du 23). Tout le contentieux prud’homal s’est est trouvé impacté.

Désormais, le juge prud’homal doit respecter un barème de dommages et intérêts (c. trav. art. L. 1235-3 nouveau).

Ce barème se matérialise par des tranches d’indemnisation, qui varient selon l’ancienneté du salarié -et la taille de l’entreprise s’agissant des TPE.

Il est tenu compte de l’effectif de l’entreprise pour le plancher du barème, très inférieur à 6 mois de salaire.

Toute action prud’homale engagée pour des licenciements prononcés à partir du 24 septembre 2017 se voit appliquer cette nouvelle règle.

La contestation du « barème Macron » d’indemnités du licenciement sans cause

  • Le barème Macron a été critiqué :

Devant le Conseil d’Etat (CE 7 décembre 2017, n° 415243) et le Conseil Constitutionnel (C. constit., décision 2018-761 DC du 21 mars 2018, JO du 31).

Les contestations portent sur la conformité des textes suivants au barème d’indemnisation :

  • l’article 10 de la Convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui impose le versement d’une « indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée » en cas de licenciement injustifié ;
  • l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui consacre le « droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».
  • L’Etat a dû intervenir en force avec la circulaire du 26 février 2019.

Le Ministre de la Justice a dû rappeler que le barème d’indemnisation prud’homale du licenciement sans cause doit s’appliquer.

  • La Cour de cassation a rendu un avis le 17 juillet 2017 (Cass. Soc. Ass. Pl., 17 juillet 2019 : n° 19-70010 et n° 19-70011) 

Dans cet avis la Cour de Cassation indique :

  • le barème Macron est conformeà l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT.
  • qu’en cas de licenciement injustifié, la convention OIT prévoit bien « le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».

Selon la Haute Juridiction, le terme « adéquat » doit être compris comme réservant aux États parties une marge d’appréciation.

Elle en conclut que le barème Macron, qui laisse au juge le soin de déterminer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse entre un montant minimal et un montant maximal, est compatible avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT, l’État n’ayant fait qu’user de sa marge d’appréciation.

Les indemnités du licenciement sans cause réelle et sérieuse offerts par la Cour d’appel de Paris le 16 mars 2021

Dans cette affaire, une salariée, âgée de 53 ans à la date des faits, a été licenciée pour motif économique (elle avait accepté le contrat de sécurisation professionnelle).

Elle avait saisi le Conseil de Prud’hommes pour contester le bienfondé de son licenciement.

Elle a été déboutée par le CPH de Bobigny, mais devant la Cour d’appel de Paris, le licenciement a été reconnu infondé.

Le licenciement ayant été reconnu sans cause réelle et sérieuse, il revenait au juge de fixer le montant de l’indemnité.

La Cour d’appel a décidé d’écarter le barème d’indemnisation Macron, qui prévoyait au maximum 4 mois de salaire de dommages et intérêts pour 4 ans d’ancienneté.

La Cour d’appel s’est appuyée sur l’article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 de l’OIT qui prévoit que les juges amenés à apprécier la situation du salarié licencié peuvent ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

Or, dans cette affaire, la Cour d’appel de Paris a estimé que le barème Macron n’était pas d’un montant approprié pour les raisons suivantes :

  • La salariée était âgée de 53 ans.
  • Elle avait mis plusieurs années à retrouver un emploi malgré de nombreuses candidatures qu’elle produisait devant les juges.
  • Elle avait subi une perte de revenu de plus de 32 000 € depuis son licenciement.

En appliquant le barème d’indemnisation du licenciement sans cause, elle ne pouvait prétendre, compte tenu de son ancienneté dans l’entreprise de 4 ans, qu’à une indemnité comprise entre 13 200 et 17 600 €, c’est-à-dire à peine la moitié du préjudice financier constaté.

Les juges décident donc, en tenant compte de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et des conséquences du licenciement à son égard, de condamner la société à lui verser une indemnité de 32 000 € c’est-à-dire presque le double du plafond.

Il faut maintenant surveiller si d’autres Cours d’appel iront dans le même sens à l’avenir, et surtout un arrêt tant attendu de la Cour de cassation, qui finira par trancher ce débat.

Sources :

Cour d’appel de Paris, Pôle 6 chambre 11, arrêt du 16 mars 2021 : RG n°19/08721

Cour de cassation, assemblée plénière, avis du 17 juillet 2019 : n° 19-70010 et n° 19-70011 

Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, art. 2, JO du 23

Article L. 1235-3 du Code du travail

Conseil d’Etat, arrêt du 7 décembre 2017 : n° 415243

Conseil constitutionnel, décision 2018-761 DC du 21 mars 2018, JO du 31

Circulaire du Ministère de la justice du 26 février 2019

Par Maitre Virginie LANGLET le 23 avril 2021

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

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