La faute lourde : l’intention de nuire

La faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire du salarié

Le fait de critiquer la politique de tarifs de son employeur auprès des clients de l’entreprise ne caractère pas une faute lourde, notamment si l’intention de nuire du salarié n’est pas prouvée par l’employeur. L’arrêt du 8 février 2017 est l’occasion pour la Cour de Cassation de refaire le point sur le régime juridique de la faute lourde (Cass. Soc. 08.02.2017 : n°15-21064).

Les différents types de fautes du salarié

Un salarié peut se voir reprocher une faute, qualifiée, selon sa gravité de faute :

légère

simple

grave

lourde

Il existe donc une hiérarchie de faute, chacune ayant des incidences différentes sur le contrat de travail et le droit des salariés.  Ainsi, une faute peut, selon les circonstances, constituer une faute légère, une faute simple, une faute grave ou une faute lourde, compte tenu notamment de la position hiérarchique du salarié, de ses antécédents, de ses responsabilités et des conséquences dommageables ou non pour l’entreprise.

La qualification de la faute revient entièrement à l’employeur sous réserve, en cas de contentieux, du contrôle du juge. Dans ce cas, l’employeur doit pouvoir démontrer que les agissements du salarié étaient effectivement fautifs.

L’employeur doit individualiser la sanction
Ainsi, des salariés ayant participé à une même faute peuvent être sanctionnés différemment sans que cela constitue une discrimination au sens de la loi (Cass. soc. 01.02.1995, n°91-44908). La gravité de la faute commise doit donc être appréciée en fonction d’éléments objectifs tenant au salarié, lesquels peuvent l’atténuer ou l’aggraver.

  • La faute légère du salarié ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement. Il peut s’agir, par exemple, de retards occasionnels ou d’un oubli ponctuel de pointage, à savoir des négligences professionnelles isolées ou sans conséquence sérieuse.
  • Les fautes légères peuvent justifier des simplement des sanctions disciplinaires comme un avertissement par exemple.
  • Une faute simple (à savoir, ni grave, ni lourde) peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
  • La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise et peut justifier une mise à pied conservatoire (Cass. soc. 27 septembre 2007, n°06-43867 ; Cass. soc. 10 novembre 2010, n°09-42077).

Si, prises isolément, certaines fautes commises par un salarié ne sont pas graves, elles peuvent le devenir par réitération ou accumulation (Cass. soc. 21 octobre 2009, n°08-43219).

Le cas de la faute lourde

La faute lourde, qui est la plus grave dans la hiérarchie des fautes contractuelles ou disciplinaires, sanctionne un comportement d’une exceptionnelle gravité révélant une intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise. En cas de contentieux, la faute lourde ne doit pas seulement être alléguée, mais elle doit être prouvée par l’employeur (si un doute subsiste, il profite au salarié).

La gravité des faits commis ne suffit pas à la caractériser, ni même le préjudice qui en est résulté. 

La faute lourde et la preuve de l’intention du salarié de nuire aux intérêts de l’employeur

Le critère principal et obligatoire pour caractériser la faute lourde d’un salarié est celui de l’intention du salarié de nuire à son employeur.  La faute lourde est bien caractérisée par cette intention malveillante de nuire, qui implique la volonté incontestable du salarié de porter préjudice à l’entreprise dans la commission du fait fautif.

Cette intention de nuire ne résulte pas de la simple commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise  (ex. : le seul fait d’avoir détourné une somme de 60 000 € revenant à l’entreprise sur son compte personnel ne caractérise pas d’intention de nuire) (Cass. soc. 22 octobre 2015 : n°14-11291 ; Cass. soc. 22 octobre 2015 : n°14-11801).

En cas de contentieux relatif à un licenciement pour faute lourde, toute la difficulté pour l’employeur est de prouver l’intention qu’avait le salarié de lui nuire. Il ne peut pas se contenter de faire état de la gravité des faits qu’il lui reproche, au risque d’être débouté dans le cadre de la procédure contentieuse prud’homale.

C’est très précisément à cette difficulté que s’est heurté l’employeur dans l’arrêt du 8 février 2017 (Cass. Soc. 08.02.2017 : n°15-21064). En l’espèce, un salarié occupant les fonctions de directeur d’agence d’une société fiduciaire nationale d’expertise comptable a été licencié pour faute lourde.  Son employeur lui reprochait, au lieu de remplir son obligation contractuelle d’information, d’avoir tenu devant les clients de son employeur des propos contraires aux intérêts de celui-ci en remettant en question le bien-fondé de sa politique tarifaire.

Pour l’employeur, le salarié avait fait preuve de déloyauté à son égard en le plaçant en situation de porte-à-faux vis-à-vis de plusieurs de ses clients sur l’un des éléments essentiels de la relation contractuelle à savoir le prix de la prestation. En outre compte tenu de son niveau de responsabilité (directeur d’agence) et de sa qualification (expert-comptable), l’auteur de ces propos dénigrant la politique tarifaire de la société devant la clientèle ne pouvait ignorer leur impact et leur caractère préjudiciable et que ces agissements caractérisent l’intention de nuire à l’employeur.  Pour l’employeur, l’intention de nuire découlait de la seule gravité des faits et il estimait que la preuve en était rapportée.

Ce n’est pas l’avis de la Cour de Cassation qui rappelle, au visa de l’article L3141-26 du code du travail, que la faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.

Mais la faute grave était bien établie puisqu’elle ne porte que sur la gravité des faits et le préjudice de l’employeur.

Sources : 

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 8 février 2017 : RG n°15-21064

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 27 septembre 2007 : RG n°06-43867

Cour de Cassation chambre sociale, arrêts du 10 novembre 2010 : RG n°09-42077

Cour de Cassation chambre sociale, arrêts du 21 octobre 2009 : RG n°08-43219

Cour de Cassation chambre sociale, arrêts du 22 octobre 2015 : RG n°14-11291 et 14-11801

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