Un avis d’aptitude avec restrictions impliquant une modification du contrat de travail n’est pas un avis d’inaptitude

Lors de la visite médicale de reprise, les mesures d’aménagement de poste qui préconisées par le médecin du travail et qui entraînent une modification du contrat de travail du salarié n’impliquent pas, en elles-mêmes, un avis d’inaptitude (Cass. Soc. 24 mars 2021 : n°19-16558).

Après un arrêt de travail de plus de 30 jours, l’obligation d’une visite médicale de reprise

Une visite de médicale de reprise est obligatoire après une absence d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail ou pour cause de maladie ou d’accident non professionnel (c. trav., art. R. 4624-31).

Tant que la visite de reprise n’a pas été effectuée, le contrat de travail reste suspendu.

Le médecin du travail est, en principe, seul habilité à constater l’inaptitude – ou l’aptitude – physique d’un salarié à son poste de travail (c. trav. art. L. 4624-4 

Avant de constater l’inaptitude du salarié, le médecin du travail doit réaliser ou faire réaliser par un membre de l’équipe pluridisciplinaire (c. trav. art. R. 4624-42) :

  • une étude du poste du salarié dont il envisage de conclure à l’inaptitude physique ;
  • une étude des conditions de travail dans l’établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée.

L’avis du médecin du travail après la visite médicale de reprise

Le médecin du travail va se prononcer, lors de la visite médicale de reprise, sur l’aptitude ou l’inaptitude du salarié à reprendre son poste.

À l’issue de la visite de reprise, le médecin du travail doit délivrer l’un des 3 documents suivants : 

  • un avis d’inaptitude;
  • un avis d’aptitude mais uniquement réservé aux salariés bénéficiant d’un suivi médical renforcé. Il n’y a plus d’avis d’aptitude pour les autres salariés ;
  • une attestation de suivi qui sera délivrée lorsque le salarié n’est pas déclaré inapte. 

L’avis d’aptitude (délivré à un salarié bénéficiant d’un suivi médical renforcé) ou l’attestation de suivi peuvent être accompagnés d’un document émis par le médecin du travail comportant des préconisations d’aménagement du poste.

Le médecin du travail doit également formuler des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un poste adapté (c. trav. art. L. 1226-2 et L. 1226-10).

L’avis d’inaptitude

Le salarié sera déclaré inapte si le médecin du travail constate que :

  • aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du salarié justifie un changement de poste (c. trav. art. L. 4624-4).
  • tout maintien du salarié dans un emploi peut être gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi : l’employeur sera dispensé de toute recherche de poste (c. trav. art. R. 4624-42).

Un avis d’aptitude avec réserve n’est pas un avis d’inaptitude

Par principe, à l’issue d’une période de suspension du contrat de travail due à une maladie ou à un accident d’origine non professionnelle ou professionnelle, l’employeur doit réintégrer le salarié qui n’a pas été déclaré inapte dans son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération équivalente, à savoir un emploi sans modification du contrat de travail (c. trav. art. L. 1226-8).

Attention : un salarié qui n’est pas déclaré inapte mais pour lequel le médecin fait des préconisations (c. trav. art. L. 4624-3) demeure « apte ». 

De même, un avis d’aptitude avec restrictions, impliquant une modification du contrat de travail, ne devait pas être confondu avec un avis d’inaptitude (Cass. soc. 10 novembre 2009, n° 08-42674).

L’employeur ne peut pas mettre en œuvre une procédure de licenciement pour inaptitude si le médecin du travail a conclu à une aptitude du salarié au poste précédemment occupé sous certaines réserves (Cass. soc. 15 juillet 1998, n° 96-40468).

L’employeur doit toujours faire preuve de prudence.

La Cour de cassation a réitéré sa position dans un arrêt du 24 mars 2021 (Cass. Soc. 24 mars 2021 : n°19-16558).

Dans cette affaire, une salariée occupait le poste de changeur traiteur de monnaie de nuit.

Le médecin du travail a émis un avis d’inaptitude selon lequel, en substance, il confirmait l’inaptitude au poste de travail de caissier.

Une contre-indication à tout travail de nuit après 22h était préconisée, ainsi que la possibilité de tout autre poste de travail respectant cette contre-indication.

La salariée avait contesté cet avis en saisissant le Conseil de Prud’hommes : elle voulait continuer à travailler de nuit.

Elle estimait que le médecin du travail avait rendu un avis d’inaptitude.

Le Conseil de prud’hommes avait alors substitué à l’avis du médecin du travail un avis d’aptitude au poste de changeur de monnaie avec réserves concernant le travail de nuit effectué après 22 heures (c. trav. art. L. 4624-7).

L’employeur avait interjeté appel et contesté cette décision : pour lui il s’agissait bien d’un avis d’inaptitude qui ne pouvait être substitué par un avis d’aptitude dans la mesure où les préconisations du médecin du travail impliquaient une modification du contrat de travail

Il a été débouté par la Cour d’appel.

La Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel.

La Haute Juridiction explique de manière très claire que :

  • le médecin du travail peut proposer des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’état de santé du salarié (c. trav.  L. 4624-3).
  • le médecin du travail ne déclare le salarié inapte à son poste de travail que s’il ne constate qu’aucune de ces mesures n’est possible et que l’état de santé du salarié justifie un changement de poste (c. trav.  L. 4624-4).
  • les mesures d’aménagement préconisées entraînant une modification du contrat de travail du salarié n’impliquent pas, en elles-mêmes, la formulation d’un avis d’inaptitude: les restrictions émises par le médecin du travail concernaient le travail de nuit après 22 heures, ainsi la salariée pouvait occuper son poste avec des horaires de jour. Elle était donc apte dans ces circonstances.

Il faut donc toujours bien distinguer un avis d’aptitude avec réserves et un avis d’inaptitude.

La prudence s’impose à chaque avis du médecin du travail.

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 24 mars 2021 : RG n°19-16558

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 10 novembre 2009 : RG n° 08-42674

Par Maitre Virginie LANGLET le 29 mars 2021

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

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