Le refus de rétrogradation disciplinaire n’empêche pas le licenciement pour faute grave

L’employeur qui envisage une rétrogradation impliquant une modification du contrat de travail, peut dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer un licenciement pour faute grave aux lieu et place de la sanction refusée (Cass. Soc. 17 février 2021 : n°19-20918).

Qu’est-ce qu’une rétrogradation disciplinaire ?

La rétrogradation constitue une mesure de déclassement hiérarchique prise à titre disciplinaire.

Elle entraine la modification du contrat de travail du salarié en cas d’accord de celui-ci.

L’employeur, en raison des manquements graves du salarié va lui proposer un poste différent, bien souvent à un niveau de qualification différent voire inférieur, qui s’accompagne d’une baisse de rémunération.

En cas d’acceptation de la rétrogradation, le salarié continuera à travailler dans l’entreprise, mais le contenu de la prestation de travail sera modifié (diminution de qualification ou de hiérarchie).

Cette modification entraînera, dans la plupart des cas, une baisse correspondante de salaire.

Quand une sanction disciplinaire modifie le contrat de travail (Cass. soc. 28 avril 2011, n° 09-70619), le salarié peut la refuser.

C’est bien le cas d’une rétrogradation impliquant une baisse de la qualification et de la rémunération.

Quelle est la procédure à suivre pour une rétrogradation disciplinaire

En raison de l’impact de la rétrogradation sur les fonctions et sur la rémunération du salarié, l’employeur doit respecter une procédure stricte :

  • Il doit convoquer le salarié à un entretien préalable à sanction,
  • Il doit recevoir le salarié en entretien préalable,
  • Il doit proposer la sanction de rétrogradation et soumettre un avenant contractuel (la rétrogradation modifiant le poste et le salaire, un avenant contractuel est nécessaire puisqu’il s’agit d’une modification de contrat de travail) avec un délai de réponse
  • En cas d’acceptation du salarié, la modification du contrat de travail peut s’appliquer, une fois l’avenant contractuel signé,
  • En cas de refus, l’employeur doit réfléchir à la poursuite de la procédure disciplinaire, avec une nouvelle sanction.

Cette nouvelle sanction peut-elle être un licenciement disciplinaire ?

La réponse est oui.

Parce que l’employeur est titulaire du pouvoir disciplinaire dans le cadre de son pouvoir de direction, il peut prononcer une autre sanction disciplinaire (Cass. soc. 11 février 2009, n° 06-45897).

La qualification de la faute revient entièrement à l’employeur et il est libre de choisir une sanction plus ou moins importante au regard des faits, sous le contrôle des juges en cas de contentieux.

La Cour de cassation dans l’arrêt du 17 février 2021 (Cass. Soc. 17 février 2021 : n°19-20918) a confirmé la possibilité pour l’employeur de licencier pour faute grave un salarié qui a refusé la rétrogradation disciplinaire.

Dans cette affaire, un salarié occupant le poste de chauffeur poids lourd s’était vu sanctionné par une rétrogradation disciplinaire dans un poste de niveau inférieur (sa qualification professionnelle et sa rémunération étaient revues à la baisse), suite à des manquements aux consignes de sécurité applicables.

Cette rétrogradation constituait une modification de son contrat de travail que le salarié avait refusée.

Il avait alors été licencié pour faute grave à la suite de son refus de la rétrogradation.

Contestant son licenciement, le salarié avait saisi le conseil de Prud’hommes.

La Cour d’appel a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour d’appel avait estimé considéré que dans la mesure où l’employeur avait d’abord proposé au salarié une rétrogradation, cela signifiait que le maintien du salarié dans l’entreprise n’était pas impossible. Pour la Cour d’appel, les critères de la faute grave n’étaient donc pas réunis.

Pour rappel, le licenciement pour faute grave est prononcé lorsque les faits reprochés au salarié sont d’une telle gravité qu’ils empêchent son maintien dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis.

La Cour de Cassation n’est pas du même avis que la Cour d’appel.

La Haute Juridiction a bien au contraire estimé que l’employeur qui se heurte au refus d’une mesure de rétrogradation impliquant une modification du contrat de travail, peut, dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute grave en lieu et place de la sanction refusée.

Il s’agit de la confirmation de la jurisprudence constante de la Cour de cassation.

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 17 février 2021 : n°19-20918

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 28 avril 2011 : RG n° 09-70619

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 11 février 2009 : RG n° 06-45897

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 11 février 2009 : RG n° 06-45897

Par Maitre Virginie LANGLET le 8 mars 2021

Avocat au Barreau de Paris

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Tél : 01.84.79.16.30

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