Un salarié ne peut être licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral … sauf mauvaise foi

Dénonciation de harcèlement moral : l’employeur peut reprocher pour la première fois devant le juge la mauvaise foi du salarié, alors même qu’il ne l’a pas évoquée dans la lettre de licenciement (Cass. soc. 18-26696).

Harcèlement moral : la protection de principe du salarié qui dénonce les faits

Le principe est le suivant :

En matière de harcèlement moral, un salarié ne peut pas être licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, sauf s’il faut preuve de mauvaise foi (art. L1152-2 c. trav.).

Un licenciement prononcé sur ce fondement est nul (art. L1152-3 c. trav.).

L’exception à l’immunité : la mauvaise foi

Il s’agit d’une jurisprudence de la Cour de cassation bien établie désormais: le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut pas être licencié pour ce motif.

Seule la mauvaise foi met fin à cette immunité et entrainer le licenciement le licenciement du salarié (Cass. soc. 19.10.2011 n°10-16444 ; Cass. soc. 10.06.2015 n°14-13318).

Par principe, c’est à l’employeur de rapporter la preuve de cette mauvaise foi.

C’est bien la déloyauté du salarié qui est sanctionnée par le licenciement.

L’arrêt de la Cour de Cassation du 16 septembre 2020 confirme ces principes, mais en allant plus loin encore, dans l’intérêt de l’employeur : la Haute Juridiction a validé, pour la première fois, le fait que l’employeur ait pu reprocher au salarié sa mauvaise foi devant le juge, alors même qu’il ne l’a pas expressément invoquée dans la lettre de licenciement.

En l’espèce, un salarié qui occupait le poste d’ingénieur d’études s’est vu licencier.

Il a saisi la juridiction prud’homale et a contesté sur le terrain de la nullité du licenciement : il estimait que le licenciement était directement lié au fait d’avoir dénoncé des faits de harcèlement moral à son égard.

Le salarié reprochait à son employeur de l’avoir retiré d’une mission auprès d’une entreprise cliente de manière injustifiée et de ne pas lui en avoir communiqué les raisons.

Il écrivait dans un courrier adressé à son employeur qu’il se considérait « dans une situation proche du harcèlement ».

L’employeur lui répondait que la « communication insuffisante ou même absente avec le client », qui avait « eu des répercussions négatives sur la qualité des livrables et le respect des délais de livraison », expliquait cette décision.

C’est l’attitude de blocage et le refus du salarié de faire des efforts qui ont conduit l’employeur à le licencier.

La lettre de licenciement ne mentionne pas la mauvaise foi du salarié dans ses allégations relatives au harcèlement moral.

Mais elle fait reposer le licenciement sur l’« attitude de fermeture extrême » du salarié. 

Le salarié a été débouté, tant par la Cour d’Appel que par la Cour de cassation.

La Cour d’appel est allée plus loin : elle a caractérisé la mauvaise foi du salarié dans la dénonciation des faits de harcèlement moral, alors même que la lettre de licenciement n’en faisait pas état.

La Cour d’appel avait déduit de ses constatations la mauvaise foi du salarié, caractérisée par son attitude contradictoire et l’absence de concordance entre ses paroles et ses actes.

Pour faire simple, les juges du fond ont retenu que la connaissance que le salarié avait de la fausseté de ses allégations de harcèlement moral se déduisait de la contradiction existante entre son souhait affiché d’obtenir des explications sur les motifs de son retrait de mission et son refus persistant de s’expliquer loyalement avec l’employeur sur lesdits motifs.

La lettre de licenciement fixe t elle encore le cadre du litige ?

Cette décision, au demeurant particulièrement intéressante, soulève toutefois des interrogations, au regard du sacro-saint principe selon lequel la lettre de licenciement fixe le cadre du litige (Cass. soc. 20.03.1990 : no 89-40515  ; Cass. soc. 04.07.2012 no 11-17469).

C’est sur la base de ce principe que sont basées les plaidoiries en matière de licenciement, devant le Conseil de Prud’hommes.

Or, dans cette affaire, en matière de dénonciation de mauvaise foi de faits de harcèlement moral, la Cour de cassation ouvre la possibilité au juge de dépasser le cadre de la lettre de licenciement.

Ainsi, on peut en déduire que le fait que la lettre de licenciement ne mentionne pas expressément la mauvaise foi du salarié n’empêchera plus désormais sa reconnaissance par le juge au regard des éléments versés au débat par l’employeur.

Une nuance est à apporter : la lettre de licenciement, si elle ne qualifiait pas les faits, évoquait tout de même les « accusations de harcèlement/dénigrement […] graves, de surcroît sans fondement ni lien avec la réalité ».

Une brèche est tout de même peut-être ouverte….

Sources :

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 16 septembre 2020 : RG n° 18-26696

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 19 octobre 2011 : RG n°10-16444

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 10 juin 2015 : RG n°14-13318

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 20 mars 1990 : RG no 89-40515

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 04 juillet 2012 : no 11-17469

Par Maitre Virginie LANGLET le 22 octobre 2020

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

www.cabinet-avocats-langlet.fr

Partagez :