Production en justice des courriels professionnels

Les courriels professionnels peuvent être produits en justice, même sans déclaration CNIL

L’absence de déclaration simplifiée d’une messagerie électronique professionnelle non pourvu d’un contrôle individuel de l’activité des salariés, qui ne porte pas atteinte à la vie privée ou aux libertés, ne rend pas illicite la production en justice des courriels échangés entre l’employeur et le salarié (Cass. Soc. 01.06.2017 : n°15-23522).

La déclaration des messageries professionnelles à la CNIL par l’employeur

Par principe, la CNIL impose la déclaration simplifiée pour la gestion de la messagerie électronique professionnelle (norme n° 46 : c’est la norme qui concerne la gestion des ressources humaines (dossier professionnel, agendas professionnel, messagerie électronique, intranet, etc…).

Toutefois, si la messagerie permet le contrôle individuel de l’activité des employés, dans ce cas, une d’une déclaration normale s’impose.


Le principe de loyauté dans l’administration de la preuve en matière de contentieux prud’homal

Par principe, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » (article 9 du Code de Procédure civile). En pratique, en cas de contentieux entre l’employeur et le salarié, c’est à celui qui se prévaut d’un fait à l’encontre de l’autre d’en apporter la preuve au conseil de prud’hommes. La preuve doit être apportée loyalement devant le Conseil de prud’hommes (en application de l’article 9 du Code de Procédure civile).

Ainsi, par exemple, des preuves obtenues par des procédés portant atteinte à la vie privée des salariés ne sont pas valables. 

De même, la Cour de Cassation a régulièrement refusé la valeur probante d’informations obtenues de façon clandestine et déloyale par la voie d’un stratagème. Pour la Cour de cassation, le stratagème mis en place pour l’employeur afin de contrôler à l’insu du salarié son activité constitue un mode de preuve déloyal et donc irrecevable (Cass. Soc. 19.11.2014 : 13-18749).

L’utilisation par le destinataire de messages téléphoniques vocaux dont l’auteur ne peut pas ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur n’est pas un procédé de preuve déloyal. En l’espèce, il s’agissait de prouver un licenciement verbal, et donc sans cause réelle et sérieuse (cass. soc. 06.02. 2013, n°11-23738).

De la même manière, les enregistrements par dictaphone, ne sont pas recevables devant le Conseil de Prud’hommes, si la personne enregistrée n’a pas été informée préalablement. C’est un mode de preuve déloyal obtenu par stratagème.

La question de la production en jusitice des courriels professionnels

La question s’est posée de savoir si l’employeur omet la déclaration à la CNIL (simplifiée ou normale) des messageries professionnelles, a-t-il la possibilité de produire en justice les courriels échangés avec le salarié ?
Et le salarié peut il également produire les courriels échangés avec l’employeur ou un autre salarié de l’entreprise ?

La réponse est donnée dans l’arrêt du 1er juin 2017 (Cass. Soc. 01.06.2017 : n°15-23522), dans lequel la Cour de Cassation affirme bien que si l’on est dans le cadre d’une déclaration simplifiée – c’est-à-dire lorsque la messagerie professionnelle n’est pas pourvue d’un contrôle individuel de l’activité des salariés – l’absence de déclaration ne pose pas de difficulté : les courriels pourront être produits devant le conseil de prud’hommes.

Dans ce cas, le mode de preuve reste licite malgré l’absence de déclaration simplifiée.


La solution est différente en cas d’absence de déclaration normale d’un dispositif pourvu d’un contrôle individuel des salariés qui serait susceptible de porter atteinte à la vie privée ou aux libertés. Dans ce cas, les juges auraient entre leurs mains une preuve illicite, donc une preuve qui serait écartée.

Les critères retenus par la Cour de Cassation sont les suivants :

  • la messagerie en question ne contenait pas de système de contrôle individuel de l’activité des salariés et ne portait donc pas atteinte à la vie privée ou aux libertés au sens de la loi informatique et libertés ;
  • les emails produits en justice constituaient des échanges entre l’employeur et le salarié, le salarié ne pouvant ainsi ignorer qu’ils étaient enregistrés et conservés.

Sources : 

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 1er juin 2017 : RG n°15-23522

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 19 novembre 2014 : RG n°13-18749

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 6 février 2013 : RG n°11-23738

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