En cette période de crise sanitaire liée à la propagation du coronavirus, des mesures de confinement ont été décidées par le Gouvernement par décret du 16 mars 2020.
Mais certaines activités dites essentielles à la Nation ne peuvent être organisées sous forme de télétravail.
Les salariés sont alors tentés de faire valoir leur droit de retrait.
En ont-ils la possibilité ?
Voici un rappel des règles en matière de droit de retrait ?
Les règles générales relatives à l’exercice du droit de retrait
Le droit de retrait vise la situation dans laquelle un salarié a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (article L 4131-1 du code du travail).
Il a le droit de se retirer de cette situation, à condition, toutefois, de ne pas créer pour autrui une nouvelle situation de risque grave et imminent (c. trav. art. L. 4132-1).
Il doit en informer l’employeur ou son représentant.
Il suspend ainsi son activité.
Droit de retrait et danger grave et imminent
Le droit de retrait est justifié face à un danger grave et imminent.
Il ne s’agit donc ni d’un simple inconfort ni du danger inhérent au travail lui-même.
Droit de retrait : droit subjectif et individuel du salarié
Pour exercer son droit de retrait, il suffit que le salarié ait un motif raisonnable de craindre pour sa vie ou sa santé.
Ce motif « raisonnable » est donc un droit individuel et subjectif du salarié.
Peu importe que le danger soit objectif et se réalise effectivement.
Il suffit, pour exercer le droit de retrait, que le salarié ait pu raisonnablement penser que sa vie ou sa santé étaient en danger compte tenu de ses connaissances et de son expérience.
En pratique, l’employeur devra donc apprécier ce « motif raisonnable » dans chaque cas.
En cas de contentieux, ce sont les juges du fond qui l’apprécient (Cass. soc. 23 avril 2003 : RG n° 01-44806).
Le droit de retrait vise une situation particulière de travail et non une situation générale de pandémie.
L’exercice du droit de retrait
Il est recommandé d’adresser un écrit à l’employeur pour faire valoir son droit de retrait, quelle que soit sa forme.
Ce qui importe est de pouvoir prouver que l’employeur a bien été informé, afin de ne pas se trouver en situation d’abandon de poste.
L’abus dans l’exercice du droit de retrait
Par principe, l’employeur ne doit pas sanctionner le salarié parce qu’il a exercé son droit de retrait (c. trav. art. L. 4131-3).
L’employeur ne peut pas non plus pratiquer une retenue sur le salaire du salarié qui a exercé son droit de retrait (c. trav. art. L. 4131-3). A la condition toutefois que le droit de retrait ne soit pas exercé abusivement par le salarié.
Si l’employeur estime que le salarié n’avait pas de motif raisonnable de cesser son travail et qu’il a abusivement exercé son droit de retrait, il peut le sanctionner et procéder à une retenue de salaire pour les heures non travaillées.
Cette retenue sur salaire sera la conséquence de l’inexécution du contrat de travail par le salarié, sans motif valable.
Pour procéder à la retenue sur salaire, l’employeur n’est pas obligé de saisir au préalable le conseil de prud’hommes (Cass. soc. 23 avril 2003 : RG n° 01-44806 ; Cass. crim. 25 novembre 2008 RG n° 07-87650).
Les employeurs doivent être prudents et faire preuve de modération dans leur pouvoir disciplinaire et de sanction.
En effet, l’exercice abusif du droit de retrait ne caractérise pas l’existence d’une faute grave.
En revanche, il peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Il est toujours nécessaire de procéder à une analyse au cas par cas.
Droit de retrait dans un contexte de pandémie (coronavirus)
Dans le contexte actuel d’épidémie de coronavirus, l’exercice du droit de retrait n’est pas forcément légitime.
En effet, dans l’hypothèse ou l’employeur a mis en œuvre les mesures de prévention prévues par le Code du travail et les recommandations visant à protéger la santé et à assurer la sécurité de ses salariés, ces derniers ne peuvent, par principe, valablement faire valoir leur droit individuel de retrait.
Il est nécessaire pour cela que l’employeur ait bien pris le soin d’informer ses salariés, de les préparer, de faire intervenir lorsqu’ils existent, les représentants du personnel (Comité Social et Economique).
Le droit de retrait par un salarié tenu de poursuivre son activité professionnelle ne peut être valablement exercé que dans l’hypothèse où il a une raison objective de penser que les mesures prises par son employeur sont insuffisantes. Il estime alors qu’il n’a pas d’autre option que d’exercer son droit de retrait pour éviter tout risque de contamination.
C’est bien au regard des mesures d’information, de prévention et de protection prises par l’employeur que va s’exercer valablement ou non le droit de retrait par le salarié.
La situation de pandémie ne justifie pas en elle-même et systématiquement l’exercice du droit de retrait.
Pour toute question, n’hésitez pas à nous consulter.
Sources :
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 23 avril 2003 : RG n° 01-44806
Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt du 25 novembre 2008 RG n° 07-87650
Par Maitre Virginie LANGLET le 24 mars 2020
Avocat au Barreau de Paris
8 rue Blanche – 75009 PARIS
Tél : 01.84.79.16.30
Avocat en Droit du Travail au Barreau de Paris, Maître Virginie Langlet accompagne depuis 10 ans les salariés cadres et cadres supérieurs.
Elle intervient en Conseil et le Contentieux prud'homal et apporte son savoir-faire et son expérience pour l'ensemble des enjeux liés aux relations professionnelles en entreprise. De la rédaction des contrats de travail jusqu'à la gestion des représentants du personnel, elle vous aide à anticiper et résoudre les conflits.
"Les règles du code du travail sont en perpétuelle évolution. Depuis quelques années, la succession de réformes fait peser des risques aux dirigeants d'entreprise et complexifie pour les salariés leur relation avec l'employeur.
Je m'adresse tant aux dirigeants qui souhaitent comprendre et appliquer ces règles et qui ont à cœur d'installer une relation de travail sereine au sein de leur entreprise, qu'aux cadres salariés qui cherchent des réponses à l'application de leur contrat de travail.
J'ai la conviction qu'une relation de travail apaisée, tant pour les salariés que pour les employeurs est un gage de réussite pour tous."
Virginie Langlet
Maître Virginie Langlet, Avocat en Droit du Travail à Paris, conseille, accompagne et apporte des réponses aux interrogations des dirigeants d'entreprise et cadres salariés.
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