L'employeur, alerté de faits éventuels de harcèlement moral subi par un salarié, a l’obligation de diligenter une enquête interne afin de vérifier les faits. A défaut, il manque à son obligation de prévention (Cass. Soc. 27.11.2019 : n° 18-10551).
Harcèlement moral : définition
Selon l’article L 1152-1 du code du travail, les agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail d’un salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel sont interdits.
Ces agissements fautifs constituent le harcèlement moral.
Le harcèlement moral doit entrainer la dégradation des conditions de travail.
La simple possibilité d’une dégradation des conditions de travail du salarié victime suffit à caractériser le harcèlement moral (Cass. crim. 06.12.2011, n° 10-82266).
Les actes fautifs peuvent être qualifiés de harcèlement moral dès l’instant où ils ont entraîné une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à la dignité ou à la santé du salarié, ou de compromettre son avenir professionnel (Cass. soc. 10.11.2009, n° 08-41497 ; Cass. soc. 15.11.2011, n° 10-30463).
C’est bien l’atteinte à la dignité ou à la santé physique ou morale (voire les deux parfois) du salarié qui doit être la conséquence des agissements fautifs.
De même, si la situation professionnelle du salarié victime est menacée, mise en péril ou totalement ruinée, les agissements répétés seront caractérisés de harcèlement moral.
Santé et sécurité des salariés au travail : l’obligation de prévention de l’employeur
L’employeur est tenu, à l’égard de chaque salarié, d’une obligation de sécurité qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé physique et mentale (Cass. soc. 25.11.2015, n° 14-24444).
Il doit donc prendre, entre autres mesures, des mesures de prévention suffisantes dès lors qu’un risque professionnel est identifié (c. trav. art. L. 4121-1 et L. 4121-2).
L’employeur doit informer les travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité ainsi que sur les mesures prises pour y remédier (c. trav. art. L. 4141-1), au moyen d’affiches, de consignes d’hygiène et de sécurité ou de livrets de sécurité.
Si un salarié est exposé à un risque pour sa santé ou sa sécurité, ou lorsqu’un risque se réalise, l’employeur est condamné à verser des dommages-intérêts sauf s’il peut prouver qu’il a pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (il s’agit notamment des mesures de prévention) (Cass. soc. 25 novembre 2015, n° 14-24444).
L’obligation de prévention à la charge de l’employeur est une obligation de moyens et non plus de résultat.
Harcèlement et obligation de sécurité de l’employeur
L’obligation de sécurité de l’employeur s’applique en matière de harcèlement moral, de harcèlement sexuel et de violences physiques ou morales.
L’employeur doit prendre diverses mesures de prévention.
Les mesures d’information et de prévention sont des mesures de :
visant à l’information effective des salariés sur la législation en vigueur en matière de harcèlement moral et/ou sexuel.
L’employeur peut également mettre en place des actions de formation, dont l’objet est d’améliorer la connaissance, la prévention, et l’identification des agissements de harcèlement.
L'obligation de prévention des risques professionnels, incluant les risques psychosociaux, est distincte de l'interdiction du harcèlement moral.
L'employeur peut être condamné à verser des dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des risques professionnels sans qu'un harcèlement moral soit établi par ailleurs (Cass. soc. 06.12.2017, n° 16-10885, 16-10886, 16-10887, 16-10888, 16-10889, 16-10890, 16-10891).
C’est cette règle que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt commenté du 27 novembre 2019 (Cass. Soc. 27.11.2019 : n° 18-10551).
En l’espèce, une salariée a été licenciée pour insuffisance professionnelle.
Elle a saisi la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement.
Elle estimait que le licenciement était nul, au motif des agissements de harcèlement moral dont elle estimait avoir été victime dans l’entreprise, qu’elle avait dénoncés plusieurs fois à son employeur.
Elle réclamait au juge la condamnation de son employeur à lui verser des dommages et intérêts sur 2 chefs de demandes :
Elle reprochait à son employeur de ne pas avoir diligenté d’enquête interne après qu’elle ait par deux fois dénoncé les agissements de harcèlement moral subis de la part de sa responsable hiérarchique et qui aurait eu pour objet de faire la lumière sur les faits dont elle se plaignait.
La Cour d’appel a estimé que la salariée n'établissait pas de faits qui permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Que dans ces conditions, il ne pouvait être reproché à l’employeur de ne pas avoir diligenté d’enquête.
La Cour d’appel a donc jugé ne pas pouvoir reprocher à l’employeur d’avoir manqué à son obligation de sécurité.
Ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation, qui a jugé, bien au contraire qu’il y a une distinction à faire entre d’une part l’obligation de prévention des risques professionnels et d’autre part l’interdiction du harcèlement.
L’obligation de prévention des risques professionnels est prévue aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail.
L’interdiction des agissements de harcèlement moral est prévue par l'article L. 1152-1 du code du travail.
Il ne peut y avoir de confusion entre ces deux obligations, qui se sanctionnent de manière séparée en cas de violation par l’employeur.
Ainsi, la Cour de cassation a estimé que l’absence de mise en place d’une enquête interne après des révélations et des plaintes de harcèlement moral par un salarié est un manquement de l’employeur à son obligation de prévention des risques professionnels, entrainant un préjudice au salarié.
L’employeur doit donc être condamné à ce titre, même si le harcèlement moral n’est pas prouvé ou n’a pas existé.
Sources :
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 27 novembre 2019 : RG n° 18-10551
Cour de cassation, chambre sociale, arrêts du 6 décembre 2017 : RG n°16-10885, 16-10886, 16-10887, 16-10888, 16-10889, 16-10890, 16-10891
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 25 novembre 2015 : RG n°14-24444
Par Maitre Virginie LANGLET le 12 décembre 2019
Avocat au Barreau de Paris
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Avocat en Droit du Travail au Barreau de Paris, Maître Virginie Langlet accompagne depuis 10 ans les salariés cadres et cadres supérieurs.
Elle intervient en Conseil et le Contentieux prud'homal et apporte son savoir-faire et son expérience pour l'ensemble des enjeux liés aux relations professionnelles en entreprise. De la rédaction des contrats de travail jusqu'à la gestion des représentants du personnel, elle vous aide à anticiper et résoudre les conflits.
"Les règles du code du travail sont en perpétuelle évolution. Depuis quelques années, la succession de réformes fait peser des risques aux dirigeants d'entreprise et complexifie pour les salariés leur relation avec l'employeur.
Je m'adresse tant aux dirigeants qui souhaitent comprendre et appliquer ces règles et qui ont à cœur d'installer une relation de travail sereine au sein de leur entreprise, qu'aux cadres salariés qui cherchent des réponses à l'application de leur contrat de travail.
J'ai la conviction qu'une relation de travail apaisée, tant pour les salariés que pour les employeurs est un gage de réussite pour tous."
Virginie Langlet
Maître Virginie Langlet, Avocat en Droit du Travail à Paris, conseille, accompagne et apporte des réponses aux interrogations des dirigeants d'entreprise et cadres salariés.
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