La messagerie instantanée installée sur l’ordinateur professionnel du salarié est personnelle

La messagerie instantanée type MSN installée sur l’ordinateur professionnel d’un salarié a un caractère privé. Elle est couverte par le secret des correspondances, même en cas de faute grave du salarié (Cass. Soc. 23.10.2019 : n° 17-28448).

Le droit au respect de la vie privée du salarié au bureau : le secret des correspondances

Depuis l’arrêt NIKON de 2001(Cass. Soc. 02.10.2001 : n°99-42942), le droit au respect de la vie privée du salarié au bureau est érigé en un principe essentiel, notamment s’agissant des courriels privés.

En effet, le salarié a droit, y compris au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée.

Les messageries professionnelles

La Cour de cassation a précisé que l’employeur ne peut pas prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci, même au cas où il a interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur (Cass. soc. 12.10.2004 : n°02-40392).

Ainsi, dès lors que les messages sont identifiés comme personnels, l’employeur ne peut les consulter, même s’ils ont été envoyés via les outils informatiques de l’entreprise.

C’est le sens de l’arrêt Nikon.

Sauf risque ou évènement particulier, l’employeur ne peut ouvrir les messages personnels du salarié contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé, même si seuls les messages identifiés comme personnels bénéficient de cette protection (Cass. Soc. 17.06.2009 : n°08-40274 ; 15.12.2010 : n°08-42486).

L’employeur peut, en l’absence du salarié, ouvrir les mails que celui-ci n’a pas identifiés comme personnels.

En effet, dans ce cas, ces mails sont considérés comme étant professionnels (Cass. soc. 26.06.2012 : n° 11-15310).

Si on raisonne à partir de la jurisprudence de la Cour de cassation rendue à propos des fichiers enregistrés sur l’ordinateur et des boîtes mails professionnels, les conversations tenues sur les messageries instantanées devraient être présumées professionnelles si elles ne sont pas explicitement identifiées comme personnelles ou privées, de sorte que l’employeur peut les contrôler librement en l’absence du salarié (Cass. soc. 18.10.2011 n° 10-26782 ; Cass. soc. 16.05.2013 n° 12-11866).

Cependant, même valablement consultés, les courriels du salarié ne peuvent être invoqués à l’appui d’une sanction disciplinaire que si leur contenu est en rapport avec son activité professionnelle et ne revêt pas un caractère privé (Cass. soc. 02.02.2011 n° 09-72449 ; 09-72450 et 09-72313).

Les messageries instantanées personnelles

Par principe, les courriels adressés ou reçus sur une messagerie personnelledistincte de la messagerie professionnelle, sont obligatoirement à caractère privé et couverts par le secret des correspondances (Cass. soc. 26.01.2016 n° 14-15360 ; Cass. soc. 07.04.2016 n° 14-27949).

C’est ce principe que rappelle l’arrêt du 23 octobre 2019 (Cass. Soc. 23.10.2019 : n° 17-28448).

En l’espèce, une salariée occupait le poste de secrétaire.

Alors qu’elle était en arrêt maladie, l’employeur avait eu besoin d’accéder à son ordinateur professionnel et lui avait demandé ses codes d’accès.

Il avait alors découvert qu’elle avait envoyé à d’autres collègues, via sa messagerie MSN Messenger, des documents confidentiels.

L’employeur avait alors considéré qu’il s’agissait d’un motif de licenciement et l’avait licenciée pour faute grave en raison du vol de documents confidentiels qu’elle n’aurait dû ni consulter ni divulguer.

La salariée avait alors contesté son licenciement, jugeant que l’employeur avait accédé à ces échanges en violation du secret des correspondances.

L’employeur n’était pas d’accord et estimait quant à lui que les messages adressés par la salariée via l’ordinateur professionnel sont présumés avoir un caractère professionnel.

Il estimait avoir été en droit de les ouvrir hors sa présence, sauf si elle les avait préalablement identifiés comme personnels, ce qui n’est pas le cas ici.

Les juges du fond ont estimé que l’employeur s’était rendu fautif de violation du secret des correspondances de la salariée, s’agissant d’une messagerie instantanée personnelle.

La Cour de Cassation a confirmé l’analyse des juges de la Cour d’appel.

Elle estime que sont couverts par le secret des correspondances les messages électroniques échangés au moyen d’une messagerie instantanée, qui provenaient d’une boîte à lettre électronique personnelle distincte de la messagerie professionnelle dont le salarié dispose pour les besoins de son activité.

L’employeur ne peut pas prendre connaissance des messages de cette messagerie instantanée et encore moins l’exploiter aux fins d’exercer son pouvoir disciplinaire à son encontre.

Sources : 

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 23 octobre 2019 : RG n° 17-28448

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 2 octobre 2001 n°99-42942

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 12 octobre 2004 n°02-40392

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 17 juin 2009 : RG n°08-40274

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 15 décembre 2010 : RG n°08-42486

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 26 juin 2012 : n° 11-15310

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 18 octobre 2011 : n° 10-26782 

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 16 mai 2013 : n° 12-11866

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêts du 2 février 2011 : n° 09-72449 ; 09-72450 et 09-72313

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 26 janvier 2016 : n° 14-15360 

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 7 avril 2016 :n° 14-27949

Par Maitre Virginie LANGLET le 25 novembre 2019

Avocat au Barreau de Paris

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