Droit de rétractation et Rupture conventionnelle

L’exercice du droit de rétractation de la rupture conventionnelle : c’est la date d’envoi de la lettre qui compte

Pour exercer son droit à rétractation de rupture conventionnelle, c’est la date d’envoi de la lettre par l’une des parties qui doit être prise en compte et non la date de réception par l’autre (Cass. Soc. 14.02.2018 : n°17-10035).

La rupture conventionnelle : un mode alternatif de rupture du contrat de travail

Pour mémoire, rappelons que la rupture conventionnelle est un troisième mode de rupture du contrat de travail, à côté du licenciement et de la démission.

Elle est régie par les articles L 1237-11 et suivants du code du travail.

L’article 1237-11 du Code du travail dispose que : « L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.

Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties ».

La rupture conventionnelle fait l’objet d’un contrat, signé par deux parties, l’employeur et le salarié.

Si un employeur et un salarié sont d’accord pour rompre le contrat de travail, seule la voie de la rupture conventionnelle leur est ouverte, sauf dispositions légales contraires (Cass. soc. 15 octobre 2014, n°11-22251).

Employeur et salarié ne peuvent envisager de se séparer dans le cadre d’une rupture conventionnelle que s’ils sont liés par un contrat à durée indéterminée.

Rupture conventionnelle et liberté de consentement des parties

La rupture conventionnelle ne peut pas être imposée par l’employeur ou le salarié (article L 1237-11 c. trav.).

Elle doit reposer sur le consentement libre et mutuel de chacune des parties, employeur et salarié (c. civ. articles 1128, 1130, 1131).

Pour autant, l’employeur est en droit de proposer au salarié, lors d’un entretien, de négocier une rupture conventionnelle. Cela ne constitue pas, en soi, une forme de pression susceptible de vicier le consentement du salarié (Cass. soc. 15.01.2014 : n°12-23942).

Si le consentement de l’un ou de l’autre est vicié, la rupture conventionnelle est nulle et a alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 16.09.2015 : n°14-13830).

La procédure de rupture conventionnelle

La rupture conventionnelle se déroule en 3 étapes, selon les dispositions L 1237-11 et suivants du Code du travail.

  • La première étape consiste en une convocation à un entretien, au terme duquel l’employeur et le salarié se mettent d’accord sur le principe et le montant de la rupture du contrat de travail.

Lors de cet entretien, le salarié tout comme l’employeur peuvent se faire assister.

Si l’employeur n’informe pas le salarié de son droit à assistance pendant le ou les entretiens ou de son droit de prendre contact auprès de Pôle Emploi pour envisager la suite de son parcours professionnel, cela n’entraîne pas en soi la nullité de la convention de rupture.

Le salarié doit prouver que son consentement n’était pas libre et éclairé à cause de ce défaut d’information (Cass. soc. 29.01.2014 : n°12-27594 ; 12-25951).

Il en est de même si l’employeur n’a pas informé (ou a mal informé) le salarié de ses droits à chômage : la rupture conventionnelle ne sera a priori remise en cause que si cela a vicié le consentement du salarié (Cass. soc. 5 novembre 2014, n°13-16372).

Le salarié peut se faire assister par un autre salarié de l’entreprise (ex. : délégué syndical ou délégué du personnel) ou, en l’absence de représentant du personnel dans l’entreprise, par un conseiller choisi sur une liste dressée par l’administration. Il en informe alors l’employeur.

  • La seconde étape consiste en la signature de la rupture conventionnelle en deux exemplaires, par les deux parties.

La convention signée fixe la date de fin du contrat et le montant de l’indemnité due au salarié qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité de licenciement

Chaque partie doit conserver un exemplaire, et en tout état de cause, le salarié doit se voir remettre l’exemplaire de rupture conventionnelle lui revenant.

En effet, la convention de rupture – tout comme le formulaire – doit être établie à minima en double exemplaire. L’employeur doit en remettre un au salarié pour qu’il puisse exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause et pour qu’il puisse aussi user de son droit d’effectuer la demande d’homologation de la convention de rupture (article L 1237-14 C. trav.).

Si l’employeur ne remet pas un double de la convention de rupture au salarié, ce dernier peut obtenir des juges l’annulation de la rupture conventionnelle. La rupture du contrat de travail a alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes les conséquences financières que cela implique pour l’entreprise (Cass. soc. 06.02.2013 : n°11-27000).

À compter du lendemain de la signature de la convention, l’employeur et le salarié ont chacun un délai de 15 jours calendaires pour se rétracter. Ce délai débute le lendemain du jour de la signature et s’achève le 15e jour à minuit.

Durant ce délai, le salarié tout comme l’employeur peuvent exercer leur droit de rétractation, et renoncer au bénéfice de la rupture conventionnelle.

Celui qui use de ce droit en informe l’autre par courrier.

Si aucune des parties n’a exercé son droit de rétractation, l’employeur, doit au lendemain du terme de ce délai de rétractation, adresser un exemplaire de la convention à la DIRECCTE, aux fins d’homologation.

  • L’homologation est la dernière étape : la DIRECCTE dispose d’un délai de 15 jours ouvrables pour se prononcer. Le silence de la DIRECCTE vaut homologation tacite.

Le terme de ce délai constitue la date de fin du contrat de travail.

L’exercice du droit de rétractation 

Comme énoncé, à compter du lendemain de la signature de la convention, l’employeur et le salarié ont chacun un délai de 15 jours calendaires pour se rétracter. Ce délai débute le lendemain du jour de la signature et s’achève le 15e jour à minuit.

Celui qui use de ce droit en informe l’autre par courrier.

La loi ne fixe pas de condition de forme spécifique pour l’envoi du courrier de rétractation mais indique qu’il faut l’adresser par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie. Un courrier recommandé avec AR ou une lettre remise en main propre contre décharge sont donc conseillés, même si un e-mail a pu être admis (CA Bourges, ch. soc. 16.09.2011 : n° 10/01735).

Ce droit est une garantie fondamentale qui permet de s’assurer de la liberté de consentement des parties. Son non-respect entraîne l’annulation de la convention, comme l’a récemment rappelé la Cour de cassation en jugeant nulle et de nul effet une rupture conventionnelle implicitement validée par l’administration, alors que la demande d’homologation avait été adressée avant l’expiration du délai de rétractation (Cass. soc. 06.12.2017 : n° 16-16851).

La question s’est posée pour la première fois de savoir à quelle date il convient de se placer pour déterminer si la rétractation d’une rupture conventionnelle est intervenue dans le délai requis.

Est-ce la date d’envoi du courrier par la partie qui se rétracte ou sa date de réception par l’autre partie ?

La réponse peut être déterminante, comme cela fut le cas dans l’arrêt du 14 février 2018 (Cass. Soc. 14.02.2018 : n°17-10035).

Dans cette affaire, les parties avaient signé une convention de rupture le jeudi 12 mars 2009, le délai de rétraction expirant donc le vendredi 27 mars à minuit.

Par lettre recommandée envoyée le vendredi 27 mars -soit le dernier jour du délai de rétractation- et reçue par l’employeur le mardi 31 mars -après le terme du délai de rétractation-, le salarié a informé ce dernier qu’il usait de son droit de rétractation.

L’employeur avait considéré que la rétractation de son salarié, intervenue selon lui, hors délai, était irrecevable et avait envoyé la convention de rupture à la DIRECCTE pour homologation.

La convention de rupture a été homologuée par la DIRECCTE.

Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande en nullité de la convention en invoquant sa rétractation.

Il a été débouté en appel au motif que sa rétractation était tardive car reçue par l’employeur après le délai légal.

Il s’est alors pourvu en cassation.

La Haute Juridiction a censuré l’arrêt de la cour d’appel et a jugé qu’une partie à la convention exerce valablement son droit de rétractation en adressant, dans le délai de 15 jours, une lettre de rétractation, peu important la date de réception de celle-ci.

La Cour de cassation fait donc bénéficier les parties du délai prévu dans sa totalité.

En retenant la date d’envoi du courrier, elle applique sa jurisprudence traditionnelle en la matière.

En effet, elle retient également cette date, notamment en cas de notification d’un licenciement (Cass. ass. plén. 28.01.2005 n° 03-41337) et d’une rupture de période d’essai (Cass. soc. 11.05.2005 n° 03-40650).

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 14 février 2018, n°17-10035

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 15 octobre 2014 : RG n°11-22251

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 15 janvier 2014 : RG n°12-23942

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 16 septembre 2015 : RG n°14-13830

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêts du 29 janvier 2014 : RG n°12-27594 ; 12-25951

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 5 novembre 2014 : RG n°13-16372

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 6 février 2013 : RG n°11-27000

CA Bourges, chambre sociale, arrêt du 16 septembre 2011 :n° 10/01735

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 6 décembre 2017 : RG n°16-16851

Cour de Cassation, Assemblée plénière, arrêt du 28 janvier 2015 : RG n°03-41337

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 11 mai 2005 : RG n°03-40650

Par Maitre Virginie LANGLET

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

www.cabinet-avocats-langlet.fr

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