Clause de mobilité vue par la Médecine du Travail

Clause de mobilité et préconisations de la Médecine du Travail

L’employeur peut mettre en œuvre la clause de mobilité sur un poste compatible avec les préconisations et réserves du médecin du travail dans l’avis d’aptitude, sans que cela constitue une discrimination liée à l’état de santé (Cass. Soc. 26.04.2017 : n° 14-29089).

La clause de mobilité

La clause de mobilité est la clause d’un contrat de travail par laquelle le salarié accepte à l’avance une modification de son lieu de travail que l’employeur pourrait décider. Une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application (Cass. soc. 7 juin 2006, n°04-45846 ; Cass. soc. 12 juillet 2006, n°04-45396). À défaut, elle est nulle (Cass. soc. 16 juin 2009, n°08-40020).

L’employeur ne peut pas se réserver, dans la clause de mobilité, la possibilité d’étendre unilatéralement l’étendue géographique de l’obligation de mobilité du salarié concerné.

Par exemple, la clause par laquelle le salarié prenait « l’engagement d’accepter tout changement d’affectation dans une autre agence qui serait nécessaire par l’intérêt du fonctionnement de l’entreprise et ce sur l’ensemble des régions où la société exerce ou exercera ses activités » aurait dû être déclarée nulle car une clause de mobilité ne peut pas donner à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée (Cass. soc. 13 mai 2015, n°14-12698).

En conséquence, un employeur qui souhaiterait étendre le champ géographique d’une telle clause doit d’abord obtenir l’accord du salarié. Le régime de la modification du contrat de travail s’applique (Cass. soc. 14 octobre 2008, n°06-46400 ; Cass. soc. 14 octobre 2008, n°07-42352).

Ce régime oblige l’employeur à recueillir l’accord express du salarié avant de procéder à toute modification.

Conditions d’application de la clause de mobilité par l’employeur

L’employeur qui met en œuvre une clause de mobilité ne doit pas abuser du droit qu’il tient de celle-ci.

Cet abus peut résulter :

  • du comportement de l’employeur, s’il ne respecte pas le délai de prévenance ou, de façon générale, s’il applique la clause pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise ou dans des circonstances exclusives de la bonne foi contractuelle ;
  • ou encore des incidences sur la situation personnelle du salarié.


Même si la clause de mobilité est silencieuse sur ce point, l’employeur est tenu de respecter un délai de prévenance suffisant avant son application. À défaut, il peut être considéré comme ayant abusé de son droit, le salarié étant alors fondé à refuser le déplacement prévu (Cass. soc. 4 avril 2006, n°04-43506). En pratique, il est recommandé à l’employeur d’inscrire ce délai de prévenance dans la clause de mobilité elle-même, pour se prémunir contre toute contestation (Cass. soc. 22 février 2006, n°04-43167).

La clause de mobilité ne peut être mise en œuvre que dans l’intérêt de l’entreprise. Si la mutation n’est pas justifiée par un motif objectif, le licenciement du salarié ayant refusé sa mutation est sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 23 janvier 2002, n°99-44845).

Clause de mobilité suite à l’avis d’aptitude du médecin du travail

A la suite d’un arrêt maladie de plus de 30 jours, le salarié doit passer une visite médicale auprès du médecin du travail, qui devra statuer sur son aptitude ou inaptitude à occuper le poste. L’employeur doit tenir compte de l’avis du médecin du travail et de ses préconisations.

Au besoin, il doit solliciter l’avis du médecin sur le poste de reclassement qu’il entend proposer au salarié, afin que le médecin donne son avis sur la compatibilité du poste à l’état de santé du salarié.  Si l’employeur respecte cette obligation, le salarié ne pourra rien lui reprocher.

C’est ce que confirme la Cour de Cassation dans l’arrêt commenté du 26 avril 2017 (Cass. Soc. 26.04.2017 : n° 14-29089).

Dans cette affaire, un salarié avait été engagé en qualité de chargé de clientèle selon contrat de travail comprenant une clause de mobilité géographique. Il assurait la gestion des aires d’accueil des gens du voyage. A la suite d’un arrêt de travail, le salarié a été soumis à la visite médicale de reprise, permettant d’évaluer son aptitude à occuper son poste.

Après deux avis du médecin du travail déclarant le salarié apte au poste de chargé de clientèle, le premier avis précisant « mais sans contact avec les gens du voyage », le second avis mentionnant « mais sans relation avec les populations des aires du voyage », l’employeur a proposé au salarié un poste correspondant à son emploi à 200 km de là, appliquant ainsi la clause de mobilité. Ce poste avait reçu l’avis favorable du médecin du travail. Le salarié a finalement été licencié en raison de son refus de la mutation proposée.

Le salarié a alors saisi la juridiction prud’homale, en contestation du licenciement prononcé, estimant que son état de santé avait entrainé la décision de l’employeur. Pour lui, la mesure de licenciement était discriminatoire en raison de son état de santé. Les juges du fond se rangent derrière l’avis du salarié et prononcent la nullité du licenciement, en ordonnant la réintégration du salarié dans ses fonctions, sous astreinte.

Pour la Cour d’appel, c’est bien l’état de santé du salarié qui a entraîné à terme, au moins indirectement, la mesure de licenciement sanctionnant le refus du salarié à accepter un poste distant de plus de 200 kilomètres par voie routière, même, face à l’avis d’aptitude avec réserve et même face à l’avis favorable du médecin du travail de reclasser le salarié sur ce poste de chargé de clientèle à 200 km. L’employeur s’est donc pourvu en cassation.

La Cour de Cassation casse l’arrêt d’appel. Pour la Haute Juridiction, le salarié occupait les fonctions de chargé de clientèle affecté à la gestion des aires d’accueil des gens du voyage. L’avis émis par le médecin du travail le déclarait apte à son poste sans relation avec les populations des aires du voyage.

Dès lors que la proposition de mutation du salarié par la mise en œuvre de la clause de mobilité figurant au contrat de travail sur un poste de chargé de clientèle était compatible avec l’avis d’aptitude, elle ne constituait pas un élément laissant supposer l’existence d’une discrimination en raison de l’état de santé.  Dans ces conditions, le licenciement prononcé, fondé sur le refus par le salarié de cette mutation n’était pas discriminatoire. L’employeur était en droit d’appliquer la clause de mobilité, dès lors qu’elle figurait bien au contrat de travail et que le poste proposé était compatible avec les préconisations du médecin du travail, qui avait validé cette proposition de reclassement.

L’employeur avait respecté toutes les obligations lui incombant.

Sources : 

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 26 avril 2017 : RG n°14-29089

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 7 juin 2006 : RG n°04-45846

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 12 juillet 2006 : RG n°04-45396

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 16 juin 2009 : RG n°08-40020

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 13 mai 2015 : RG n°14-12698

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 14 octobre 2008 : RG n°06-46400

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 14 octobre 2008 : RG n°07-42352

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 4 avril 2006 : RG n°04-43506

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 22 février 2006 : RG n°04-43167

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 23 janvier 2002 : RG n°99-44845

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