Attention à la rédaction d’une lettre de reproches : c’est un avertissement

Une lettre de reproches précis envoyée à une salariée lui demandant de changer de comportement sous peine de licenciement disciplinaire est un avertissement. L’employeur ne pourra pas sanctionner une nouvelle fois les mêmes faits (Cass. Soc. 06.11.2019 : n° 18-20268).

La hiérarchie des sanctions disciplinaires

Toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié qu’il considère comme fautif est une sanction disciplinaire.

Peu importe que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non sa présence dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération (c. trav. art. L. 1331-1).

Une sanction disciplinaire doit être proportionnée à la faute et non discriminatoire ; sinon, elle peut être annulée par le juge.

Les observations verbales

Les observations verbales (réprimandes, rappels à l’ordre, etc) ne sont pas des sanctions disciplinaires. En effet, une sanction suppose au minimum un écrit (c. trav. art. L. 1331-1).

L’avertissement

L’avertissement constitue une sanction disciplinaire. Généralement, l’avertissement constitue la sanction la plus légère.

Le blâme

Dès lors qu’il est formulé par écrit, le blâme constitue une sanction disciplinaire à part entière. Le blâme peut être inscrit dans le dossier du salarié, mais ce n’est pas une obligation ni automatique.

La mise à pied disciplinaire

Une mise à pied disciplinaire est une suspension provisoire du contrat de travail sans rémunération décidée par l’employeur à titre de sanction.

Bien qu’ayant une incidence sur le salaire, ce n’est pas une sanction pécuniaire : en effet, la perte de salaire est, dans cette hypothèse, une conséquence de la suspension du contrat de travail inhérente à la mise à pied.

La mutation disciplinaire

La mutation disciplinaire consiste en un changement d’affectation ou de lieu de travail, décidé par l’employeur pour sanctionner une faute du salarié.

La rétrogradation disciplinaire

La rétrogradation constitue une mesure de déclassement hiérarchique prise à titre disciplinaire.

Une telle sanction, accompagnée d’une diminution de salaire, est licite dès lors que celle-ci est logiquement la conséquence de la rétrogradation dans un emploi différent.

Mais la rétrogradation accompagnée d’une diminution de salaire sans déclassement est une sanction pécuniaire interdite.

Le licenciement disciplinaire

Le licenciement est la sanction disciplinaire la plus lourde qui doit respecter une procédure particulière.

Le licenciement disciplinaire peut être prononcé pour faute simple, grave ou lourde. La hiérarchisation de la faute a un impact sur les indemnités perçues par le salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Une sanction par faute : la règle du non cumul des sanctions disciplinaires

Les mêmes faits ne peuvent faire l’objet de plusieurs sanctions. 

L’employeur doit donc toujours veiller à la manière de rédiger une lettre de reproches à un salarié, notamment s’il veut par la suite le sanctionner pour les faits fautifs en question.

En effet, en l’absence de fait nouveau, l’employeur ne peut invoquer un fait déjà sanctionné par un avertissement ou une mise à pied disciplinaire pour justifier le licenciement du salarié (Cass. soc. 18.02.2004, n° 02-41622 ; Cass. soc. 14.11.2013, n° 12-21113).

Tout reproche écrit peut être considéré comme un avertissement, selon le contenu de la lettre.

Ainsi, un simple courriel de mise au point, ou de reproche, adressé au salarié peut être considéré comme une sanction disciplinaire :

 Ex : un courriel, reprochant à un salarié des manquements aux règles et procédures internes à l’entreprise et l’invitant de manière impérative à se conformer à ces règles et à ne pas poursuivre ce genre de pratique) (Cass. soc. 06.03.2007, n° 05-43698 ; Cass. soc. 18.03.2015, n° 13-28481).

Toutefois, ce n’est pas toujours le cas.

Ainsi, par exemple, les lettres de l’employeur qui se bornent à demander à un salarié de se ressaisir et qui contiennent des propositions à cette fin (ex. : une proposition de changement d’affectation) ne constituent pas des sanctions disciplinaires (Cass. soc. 13 décembre 2011, n° 10-20135).

De même, dans une affaire où l’employeur avait adressé au salarié un compte-rendu d’entretien dans lequel il énumérait divers griefs et insuffisances qu’il lui imputait, sans toutefois manifester la volonté de les sanctionner : ce compte-rendu n’est pas assimilable à une sanction (Cass. soc. 12 novembre 2015, n° 14-17615).

La frontière est néanmoins très mince entre la simple lettre de reproches et l’avertissement, et toute la différence réside dans la manière de rédiger le courrier. Il est donc important pour les employeurs de faire appel à un avocat en droti du travail, qui saura vous guider au mieux.

La Cour de cassation rappelle les rsiques d’une rédaction hasardeuse d’une lettre de reproches, dans un arrêt du 6 novembre 2019 (Cass. Soc. 06.11.2019 : n° 18-20268).

En l’espèce, une salariée a été licenciée, pour insuffisance professionnelle a saisi le Conseil de prud’hommes afin de faire requalifier en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle estimait avoir déjà reçu un avertissement pour les faits visés dans la lettre de licenciement, de sorte que son employeur ne pouvait la licencier pour les mêmes faits.

L’employeur au contraire affirmait que la lettre de reproches visée par la salariée n’était que le compte rendu d’un entretien au cours duquel il a effectivement adressé divers reproches à la salariée en la mettant en demeure de modifier son comportement sous peine de sanction à venir. Il ne s’agit donc pas d’une sanction disciplinaire en tant que telle…

Ce n’est pas l’avis des juges.

La Cour de cassation a considéré que dans son courrier, l’employeur formulait des reproches précis à la salariée, l’invitait « instamment » à changer « radicalement » et « sans délai » de comportement sous peine de licenciement disciplinaire.

La Haute juridiction estime donc que cette lettre constituait un avertissement et que ces faits, déjà sanctionnés, ne pouvaient plus justifier un licenciement ultérieur, même pour insuffisance professionnelle.

Sources : 

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 6 novembre 2019 : RG n° 18-20268

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 18 février 2004: RG n° 02-41622

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 14 novembre 2013: RG, n° 12-21113

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 6 mars 2007: RG n° 05-43698 

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 18 mars 2015: RG n° 13-28481

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 13 décembre 2011: RG n° 10-20135

Par Maitre Virginie LANGLET le 9 décembre 2019

Avocat au Barreau de Paris

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Tél : 01.84.79.16.30

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