Attention à ce que vous écrivez via votre messagerie professionnelle : les mails ne sont pas toujours privés

Les mails, échangés via la messagerie professionnelle mise à la disposition du salarié par l’employeur pour les besoins de son travail, s’ils ne sont pas identifiés comme personnels, peuvent être consultés par l’employeur (Cass. Soc. 09.09.2020 : n°18-20489).

Le droit au respect de la vie privée du salarié au bureau

L’arrêt NIKON de 2001(Cass. Soc. 02.10.2001 : n°99-42942) a dégagé le principe essentiel suivant : le droit au respect de la vie privée du salarié au bureau.

Ce principe trouve à s’appliquer aux courriels privés.

Cela signifie que sauf risque ou évènement particulier, l’employeur ne peut pas ouvrir et lire les messages personnels du salarié contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition, sauf en présence du salarié (Cass. Soc. 17.06.2009 n°08-40274 ; 15.12.2010 n°08-42486).

Il faut pour cela que les messages soient clairement identifiés comme personnels pour bénéficier de cette protection.

L’employeur ne peut pas, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci, même dans le cas où l’employeur a interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur (Cass. Soc. 12.10.2004, n°02-40392).

Les courriers échangés par le salarié sur une messagerie personnelle sont privés et personnels.

L’employeur ne peut s’en prévaloir, même si leur contenu porte sur l’activité de l’entreprise (Cass. Com. 16.04.2013 : n°12-15657).

Il ne pourra utiliser leur contenu pour reprocher au salarié un manquement à son obligation de loyauté (Cass. Soc. 26.01.2012 : n°11-10189).

La limite : les messages privés non identifiés comme personnels échangés via la boite mail professionnelle

Le revers de la médaille porte sur les messages que le salarié n’aurait pas identifiés comme personnels.

En effet, les courriers transmis et reçus par le salarié depuis la messagerie professionnelle, ainsi que les fichiers enregistrés par le salarié sur le disque dur de l’ordinateur de l’entreprise sont présumés avoir un caractère professionnel. 

L’employeur peut les consulter sauf s’ils sont expressément identifiés comme personnels (Cass. Soc. 18.10.2006 : n°04-48025 ; Cass. Soc.15.12.2010 : n°08-42486 ; Cass. Soc. 16.05.2013 : n° 12-11866).

Attention au retour du boomerang si le salarié n’a pas pris le soin d’identifier ses mails personnels.

C’est ce cas de figure qui est évoqué dans l’arrêt de la Cour de cassation du 9 septembre 2020 (Cass. Soc. 09.09.2020 : n°18-20489).

En l’espèce, un salarié avait été embauché au poste de directeur site management, puis a été nommé cadre dirigeant.

En désaccord avant la direction, il a été licencié pour faute grave.

Il lui était reproché un manquement à l’obligation de loyauté du salarié.

Le salarié avait en effet envoyé, via la messagerie professionnelle de l’entreprise, des mails comportant d’une part des propos insultants et dégradants envers ses collègues (supérieurs et subordonnés), et d’autre part de nombreuses critiques sur l’organisation, la stratégie et les méthodes de l’entreprise.

L’employeur a eu connaissance de ces mails, puisqu’ils n’étaient pas identifiés comme personnels.

Il a donc pu les utiliser pour fonder sa mesure de licenciement disciplinaire pour faute grave.

Ce qu’a contesté le salarié.

Pour lui, les messages motivant la mesure de licenciement étaient privés et avaient été obtenus de façon irrégulière par son employeur. Ils ne pouvaient donc pas être produits pour motiver son licenciement.

Ce n’est pas l’avis de l’employeur.

Ce n’est pas non plus l’avis de la Cour d’appel, qui a considéré que le licenciement était fondé et reposait sur les différents messages produits (issus de courriels et d’une messagerie instantanée) dont le caractère professionnel n’était pas contestable.

L’employeur en avait pris connaissance de façon loyale.

La Cour de Cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel, qui n’a fait qu’appliquer une jurisprudence bien ancrée désormais :

Si des e-mails ne sont pas identifiés comme étant personnels et qu’ils sont enregistrés dans sa messagerie professionnelle, ils peuvent être régulièrement ouverts par l’employeur (Cass. soc. 18 octobre 2011, n° 10-26782).

De plus, ces mails, même non identifiés comme étant personnels, ne pouvaient avoir un contenu privé, et ne pouvaient être couverts par le droit au respect de l’intimité de la vie privée et le secret des correspondances.

En effet, en l’espèce, le contenu des mails, portant sur des critiques de l’organisation, la stratégie et les méthodes de l’entreprise avait un rapport avec l’activité professionnelle. Ils ne revêtaient pas un caractère privé.

En conclusion, pour éviter les ennuis, il faut faire très attention à ce que l’on écrit et à qui l’on écrit via l’outil professionnel et la boite mails de l’entreprise.

Sauf à bien identifier les mails comme étant personnels…

Sources :

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 9 septembre 2020 : RG n° 18-20489

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 2 octobre 2001 : RG n°99-42942

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 17 juin 2009 : RG n°08-40274

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 12 octobre 2004 : RG n°02-40392

 Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 16 avril 2013 : RG n°12-15657

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 26 janvier 2012 : RG n°11-10189

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 15 décembre 2010 : RG n°08-42486

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 18 octobre 2006 : RG n°04-48025

Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 16 mai 2013 : RG n°1-11866

Par Maitre Virginie LANGLET le 20 octobre 2020

Avocat au Barreau de Paris

8 rue Blanche – 75009 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

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