Pourquoi prévenir par téléphone le salarié qu’on le licencie est une mauvaise idée

Vous avez décidé de licencier un collaborateur et vous voulez le prévenir par téléphone, pour adoucir la réception du courrier qu’il va recevoir ?

Tout cela part d’un bon sentiment, mais c’est tout sauf une bonne idée !

On vous explique pourquoi.

Le licenciement : une procédure très normée

Le licenciement, quel que soit le motif (disciplinaire ou non) comporte 3 étapes qui s’imposent à l’employeur.

Il ne peut pas y déroger.

La convocation du salarié à un entretien préalable 

La convocation du salarié à l’entretien préalable à licenciement se fait par lettre recommandée (avec accusé de réception, en pratique) ou lettre remise en main propre contre décharge (c. trav. art. L. 1232-2).

L’entretien préalable à licenciement : 5 jours après la convocation

L’entretien préalable à licenciement se déroule au moins 5 jours pleins ouvrables après la présentation (le premier passage du facteur) de la lettre recommandée ou sa remise en main propre (c. trav. art. L. 1232-2).

Le salarié peut toujours en demander le report.

L’employeur n’est pas tenu d’accepter.

L’entretien ne peut avoir lieu qu’à partir du 6ème jour ouvrable suivant la première présentation de la lettre de convocation.

Si le délai expire un samedi ou un dimanche, l’entretien ne peut pas être fixé le lundi.

En effet, le lundi correspond, à la fin du délai minimum de 5 jours ouvrables, c’est-à-dire, le 5ème jour, en raison de la prorogation

La notification du licenciement: 2 jours après l’entretien

La notification du licenciement doit être effectuée par écrit, c’est-à-dire, de préférence, pour des questions de preuve, par lettre recommandée avec accusé de réception, avec indication précise du ou des motifs du licenciement.

La lettre de licenciement ne peut pas être expédiée moins de 2 jours ouvrables après la date de l’entretien (c. trav. art. L. 1232-6).

En cas de licenciement disciplinaire, la lettre de licenciement ne peut pas être expédiée plus de 1 mois après le jour fixé pour l’entretien préalable (c. trav. art. L. 1332-2).

La notification du licenciement = un écrit obligatoire

La loi exige que l’employeur notifie sa décision par écrit par courrier recommandé avec avis de réception (RAR) (c. trav. art. L. 1232-6).

Donc le licenciement verbal – oralement – est sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 23 juin 1998, n° 96-41688).

Que se passe-t-il si le salarié est informé à la fois verbalement et par écrit ?

Dans ce cas de figure, à quelle date se situe le licenciement ?

Doit-on considérer qu’il s’agit d’un licenciement écrit ? donc valable ?

Ou bien doit-on considérer qu’il s’agit d’un licenciement verbal ? donc sans cause réelle et sérieuse ?

La question a été posée à la Cour de cassation (Cass. Soc. 28 septembre 2022 : n°21-15606).

Dans cette affaire, un salarié avait reçu la notification de son licenciement par une lettre recommandée reçue le 16 novembre 2016.

Mais le 15 novembre 2016, c’est-à-dire la veille, à 17h50, l’employeur lui avait téléphoné.

Lors de cette conversation téléphonique, il l’avait informé de son licenciement et lui avait indiqué qu’il ne devait pas se présenter dans l’entreprise le lendemain.

Selon le salarié, cet appel revient à un licenciement verbal.

Il a donc contesté le caractère réel et sérieux de son licenciement.

Pour lui, il avait été licencié verbalement par téléphone concomitamment à l’envoi du courrier de rupture par l’employeur.

Si les premiers juges ont partagé son analyse, la Cour de cassation n’est pas de cet avis.

Pour la Cour de cassation, la date de la rupture d’un contrat de travail correspond à la date à laquelle l’employeur a irrévocablement manifesté sa volonté d’y mettre fin.

Il faut donc rechercher la date à laquelle l’employeur a irrévocablement manifesté sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque l’employeur a adressé un courrier au salarié, il faut se placer au jour de l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture.

Dans cette affaire, la question était de savoir si le courrier avait été envoyé et posté avant l’appel téléphonique.

En pratique, si ce courrier a bien été envoyé avant l’appel téléphonique, c’est lui qui acte la rupture.

Le licenciement serait donc fondé.

Dans les faits, il faut bien avouer que la probabilité est importante que l’employeur ait adressé le courrier avant l’appel téléphonique effectué à 17h50 la veille de la réception du courrier de licenciement par le salarié.

Ne serait-ce qu’en tenant compte des délais postaux qui ne permettent a priori pas qu’un courrier posté la veille au soir parvienne à la personne dès le lendemain…

En pratique : quelles que soient les intentions de l’employeur, il est préférable de ne pas informer verbalement le salarié de son licenciement avant réception par celui-ci du courrier de rupture.

Cela évitera tout litige.

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 28 septembre 2022, n° 21-15606

Par Maitre Virginie LANGLET le 17 octobre 2022

Avocat au Barreau de Paris

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