Obligation de sécurité de l’employeur : prévention et réaction

L’employeur est tenu à une obligation de prévention et de réaction concernant la protection de la santé et de la sécurité de ses salariés (Cass. Soc. 17 octobre 2018 : n°16-25438 et n°17-17985).

Les obligations de l’employeur en matière de santé et sécurité des salariés

L’employeur est tenu, à l’égard de chaque salarié, d’une obligation de sécurité qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé physique et mentale (Cass. soc. 25 novembre 2015, n° 14-24444).

L’obligation de sécurité de l’employeur s’applique en matière de harcèlement moral, de harcèlement sexuel et de violences physiques ou de violences morales

L’obligation de prévention des risques professionnels, incluant les risques psychosociaux, est distincte de l’interdiction du harcèlement moral.

L’employeur peut être condamné à verser des dommages-intérêts pour manquement à la prévention des risques professionnels sans qu’un harcèlement moral soit établi par ailleurs (Cass. soc. 6 décembre 2017, n° 16-10885, 16-10886, 16-10887, 16-10888, 16-10889, 16-10890, 16-10891).

L’évaluation des risques professionnels

Avant de prévenir les risques pour la sécurité et la santé des travailleurs, l’employeur est tenu à une évaluation des risques pour la sécurité et la santé des salariés.

Pour cette évaluation, il doit prendre en compte la nature des activités de son entreprise et l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe.

Il procède à cette évaluation y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail (c. trav. art. L. 4121-3).

Après cette évaluation, il doit reporter dans un document unique d’évaluation des risques professionnels tous les résultats obtenus.

Lorsqu’ il planifie la prévention, il doit y intégrer l’influence des facteurs ambiants s’agissant, notamment, des risques liés au harcèlement moral, au harcèlement sexuel et aux agissements sexistes (c. trav. art. L. 4121-2).

Il lui appartient également de prendre toutes les mesures nécessaires à la prévention du harcèlement moral et du harcèlement sexuel (c. trav. art. L. 1152-4 et L. 1153‑5).

Les sanctions en cas de non-respect des obligations en matière de santé et sécurité des salariés : une obligation de sécurité de moyen

Si un salarié est exposé à un risque pour sa santé ou sa sécurité, ou lorsqu’un risque se réalise, l’employeur est condamné à verser des dommages-intérêts, sauf s’il peut prouver qu’il a pris toutes les mesures de prévention telles que prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et rappelées ci avant.

La jurisprudence de la Cour de cassation a évolué de manière importante, faisant passer l’obligation de l’employeur d’une obligation de sécurité de résultat à une obligation de sécurité de moyen.

En effet, auparavant, il suffisait qu’un risque se réalise, ou même qu’un salarié soit simplement exposé à un risque pour sa santé ou sa sécurité pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée (Cass. Soc. 11 mars 2015 : n°13-18603).

Désormais, la responsabilité de l’employeur n’est pas systématiquement engagée.

Par exemple, la Cour de Cassation a pu considérer qu’un employeur ne manque pas à son obligation légale de sécurité lorsque les faits invoqués par le salarié ont pour seule cause son propre comportement caractérisé, en l’espèce, par une violence commise à l’encontre d’un collègue. En l’espèce, l’employeur ne pouvait anticiper un tel risque, et il était personnellement intervenu pour faire cesser l’altercation (Cass. soc. 1er février 2017, n° 15-24166).

Cette jurisprudence est confirmée par deux nouveaux arrêts de la du 17 octobre 2018 (Cass. Soc. 17 octobre 2018 : n°16-25438 et n°17-17985).

La Haute Juridiction rappelle à cette occasion qu’en cas de violence, l’employeur ne manque pas à son obligation de sécurité s’il justifie avoir pris les mesures de prévention et les mesures immédiates propres à faire cesser cette violence.

Dans la première affaire (RG n°16-25438), une salariée avait été victime de propos à connotation raciste de la part de ses collègues.

L’employeur avait été exempté de responsabilité puisqu’il avait justifié avoir pris des mesures préventives et des mesures immédiates pour réprimer ces agissements.

Dans la seconde affaire (RG n°17-17985), un salarié avait été victime de violence physique et morale de la part d’un de ses collègues.

Si l’employeur avait pris des mesures afin de faire cesser les agissements litigieux, en revanche, il n’avait pris aucune mesure préventive pour éviter leur réitération.

C’est ce que lui reproche la Cour de cassation, pour engager la responsabilité de l’employeur.

En effet, selon la Haute Juridiction, dans cette affaire, que « bien qu’ayant connaissance des répercussions immédiates causées sur la santé du salarié par une première altercation avec l’un de ses collègues, des divergences de vues et des caractères très différents voire incompatibles des protagonistes et donc du risque d’un nouvel incident, la société n’avait pris aucune mesure concrète pour éviter son renouvellement hormis une réunion le lendemain de l’altercation et des réunions périodiques de travail concernant l’ensemble des salariés, qu’elle n’avait ainsi pas mis en place les mesures nécessaires permettant de prévenir ce risque, assurer la sécurité du salarié et protéger sa santé physique et mentale conformément aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail »

En conclusion, il incombe à l’employeur une double obligation en matière de sécurité et de santé des salariés :

  • une obligation de prévention,
  • une obligation de réaction.

Il revient à l’employeur de rapporter en outre la preuve du respect de chacune de ces obligations.

Contrairement aux apparences, il pèse bien une obligation renforcée sur l’employeur, malgré le régime juridique de l’obligation de moyen.

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 17 octobre 2018 : RG n°16-25438

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 17 octobre 2018 : RG n°17-17985

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 25 novembre 2015 : RG n° 14-24444

Cour de cassation, chambre sociale, arrêts du 6 décembre 2017 : RG n° 16-10885, 16-10886, 16-10887, 16-10888, 16-10889, 16-10890, 16-10891

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 1er février 2017 : RG n° 15-24166

Par Maitre Virginie LANGLET le 12 décembre 2018

Avocat au Barreau de Paris

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